Théodore Poussin, tome 1 : Capitaine Steene – Frank Le Gall
Théodore Poussin
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Alors qu’à sa création en 1984 Théodore Poussin était conçu comme un simple one shot par son auteur, l’album est vite devenu le début d’un cycle qui s’est imposé comme un classique de la bd d’aventures. Initialement paru sous forme d’épisodes dans le magazine Spirou, l’album ne sort que trois ans plus tard. Rappelons qu’à l’époque, la publication d’un album n’était pas automatique après un passage dans le journal, et on ne parlait pas à ce propos de pré-publication. Ainsi en 1987, lorsque sort l’album Capitaine Steene, les lecteurs de Spirou ont déjà affaire à un personnage connu puisque les tomes deux et trois sont alors pré-publiés dans le journal.
L’histoire de Capitaine Steene commence en Janvier 1928, et suit les aventures d’un modeste employé dans le bureau de fret d’une grande compagnie : Théodore Poussin. Tous les jours des noms de lieux exotiques apparaissent à ses yeux et stimulent son envie de voyager. Aussi lorsqu’enfin on lui propose d’embarquer sur un paquebot à destination de l’Indochine il ne contient pas sa joie et s’apprête à suivre les traces de son père, déjà marin, et pourquoi pas de retrouver celles de son oncle, le mystérieux capitaine Steene dont on a perdu la trace en 1916…
Cette trame simple sert de fil directeur à cet album qui enchaîne les péripéties à un rythme très soutenu. Le dynamisme est omniprésent et le scénario est très bien mené. La narration et le découpages sont relativement classiques, mais épousent parfaitement les codes et le langage de la bande dessinée.
Les dessins sont d’un style naïf plutôt surprenant pour ce type d’histoire, mais finalement assez agréables. On regrettera juste que le trait reste encore un peu maladroit et fouillis, et que le couleurs soient parfois trop criardes et disparates. Signalons toute fois que Frank le Gall est à l’époque un dessinateur encore jeune, qui cherche encore son style et surtout qui expérimente de nouveaux terrains chez Dupuis après avoir fait plusieurs albums très sombres. Enfin, les dessins hésitants sont toutefois contrebalancés par un scénario qui fait la part belle à l’aventure et à l’ambiance. En effet, plutôt récalcitrant à la modernité, Le Gall nous plonge avec Théodore Poussin dans le charme suranné du début du XXème siècle. L’album utilise aussi les ressources narratives qu’offrent des thèmes comme l’exotisme et l’aventure. Et c’est amusant de remarquer que les colonies et les destinations lointaines stimulent toujours l’imagination.
Capitaine Steene nous offre donc un récit très romanesque, mais aussi très bien documenté et réaliste, dans la tradition des romans d’aventures du XIXème siècle. Ainsi dans le dessin on a droit à des décors très travaillés, qui nous transposent directement dans l’ambiance de l’époque. Et les textes sont bons également, et traduisent très bien non seulement les caractéristiques de l’époque, mais aussi les personnalités et les psychologies : le romantisme, les rapports colons/indigènes, etc…
A ce titre, les différents personnages de la bd sont tous très riches. La palme revenant à ce mystérieux M. Novembre, personnage trouble aux motivations obscures, à la fois oiseau de mauvaise augure et personnage providentiel. Le Gall prendra par la suite beaucoup de plaisir à en dévoiler un peu plus sur ce personnage dans les aventures suivantes de Théodore Poussin.
Bref, Capitaine Steene est un premier album plutôt réussi, surtout grâce à un scénario intelligent et rythmé. On regrette juste que le dessins soit encore trop hésitant, mais il serais dommage de passer à coté de ce très bon cycle juste à cause de ça.