Pinocchio – Winshluss
Pinocchio. 2008Origine : France
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Voilà encore une BD dans laquelle je suis entré à reculons. Déjà, parce que Pinocchio, à la base, ça ne me passionne pas des masses… Et puis je n’étais pas très attiré par le dessin. C’est important quand on lit une bande dessinée d’aimer visuellement ce que nous tenons fébrilement dans les mains, parce que, et c’est là la force de ce média, l’écriture va de paire avec l’aspect graphique.
J’ai néanmoins fouillé ladite œuvre de Winshluss (quel drôle de nom, pourquoi pas libellule ou papillon?) et au final, je me sentais plutôt attiré par son trait. Alors j’ai mis tout ça dans mon sac et me suis installé confortablement dans mon fauteuil pour lire le fauve d’or 2009 du meilleur album de l’année décerné par le jury du festival international de la BD d’Angoulême.
Ce qui saute aux yeux lors des premières pages, c’est la qualité graphique. Et d’ailleurs, ce bouquin ne tient que là-dessus. Quasi muet, on ne trouve des dialogues que lorsque l’auteur nous livre des bribes de vie de Jiminy le cafard où le récit passe d’ailleurs de la couleur au noir et blanc.
L’histoire ? Un homme (Gepetto) vient de construire un robot ressemblant fortement à un enfant. Il le laisse à la surveillance de sa femme et file vendre son projet à l’armée. A son retour, Pinocchio a disparu et sa femme est morte carbonisée par le petit robot dont le nez est un puissant lance-flammes. Gepetto part à sa recherche.
Pinocchio et Gepetto vont alors vivre chacun de leur côté une drôle d’aventure qui les mènera un peu partout dans le monde.
Ainsi, l’enfant-robot deviendra l’enfant esclave d’une usine de jouets, l’otage des sept nains qui n’ont pour unique but que de réveiller Blanche-neige en lui greffant un nouveau cœur pour la violer ensuite. Il sera ensuite le voyageur clandestin d’un zeppelin et il atterrira sur une contrée étrange où une guerre civile destitue un roi pour en mettre un nouveau…
De son côté Gepetto traverse les océans, rencontre un monstre marin qui l’avale et dans lequel il survit et où il retrouvera par le plus grand des hasards son Pinocchio. Parallèlement à tout ça, un flic dépressif enquête sur le meurtre de la femme de Gepetto.
A vrai dire, il y aurait des tas de choses à dire sur l’histoire en général, et il ne convient pas ici d’en raconter davantage. Ce qu’il faut dire surtout, c’est que cette BD de près de 190 pages est un pur chef d’œuvre. Il est vrai que je m’enflamme souvent pour des œuvres, mais je me soigne, et il est évident que ce Pinocchio là est grandiose. A la fois violent et sexuel, critique et politique, Winshluss fait de son personnage le témoin d’un monde où drogue, esclavage, guerre, meurtre, chômage, déchéance, que sais-je encore?, font ménage (en font-ils un bon, ça c’est autre chose), et se croisent de façon finalement assez indifférente. Ce monde ressemble à s’y méprendre au nôtre. Bien sûr, il n’est pas que cela, mais le fait qu’il le soit est déjà terriblement alarmant.
Winshluss signe là une œuvre forte portée par un trait fin et puissant au service total d’une narration muette qui s’impose par un découpage dynamique et une couleur mettant parfaitement en lumière les thèmes traités. Du grand art ! (à déconseiller aux enfants!)