Jeremiah, tome 2 : Du sable plein les dents – Hermann
Jeremiah
|
Du sable plein les dents est la suite directe de La Nuit des rapaces. Hermann reprend les deux personnages qu’il a créés et les introduit directement dans un désert brûlant, égarés.
L’atmosphère est plantée d’entrée. Le choix des couleurs est fondamental. On sent dès la première planche que l’association dessinateur/coloriste est ici primordiale. En effet, dans ce tome, Hermann fait du lieu de l’aventure un personnage à part entière. Les couleurs mettent donc en valeur la chaleur caniculaire du désert. Le danger n’est pas seulement incarné par les personnages qui vont apparaître au fur et à mesure, mais surtout par ce désert brûlant et mortel.
Jeremiah et Kurdy, perdus, tombent par hasard sur un homme, David Corey, qui vient d’échapper à des brigands. Ce dernier fait partie d’une milice qui était chargée d’acheminer de l’argent. L’escorte semble avoir été attaquée par une bande qui s’est installée dans un village voisin. Le capitaine de Corey est retenu prisonnier par les brigands. Jeremiah refuse de s’y rendre, il sent le coup fourré. De son côté, Kurdy sent l’odeur du fric facile. En effet, le capitaine et Corey ont caché le trésor quelque part. Kurdy se met alors dans l’idée de les aider pour avoir sa part.
Comme ça va en être l’habitude, Jeremiah se voit contraint de suivre Kurdy dans ses dérives. Mais ce n’est pas si simple. Kurdy est fait prisonnier et Jeremiah se retrouve tout seul sans vivres au milieu du désert. En effet, Corey l’a laissé là, espérant éviter d’avoir trop à partager le butin après s’être débarrassé de la bande de brigands.
Avec ce second volet, Hermann pose les bases de ce que va être sa série Jeremiah. En premier lieu, il essaiera la plupart du temps de faire du lieu visité par Jeremiah et Kurdy un personnage essentiel. Ici, le désert n’est pas un hasard. En premier lieu, il permet à Hermann de se plonger dans un paysage qu’il connaît déjà bien pour l’avoir dessiné dans Comanche. En le mettant en scène comme il le fait, il le fait vivre, ne faisant pas du lieu de l’aventure qu’un simple prétexte, mais surtout un pion essentiel. Cette histoire ne pourrait pas se passer ailleurs, ce qui la différencie de nombreuses autres bandes dessinées. En second lieu, le choix du désert permet à l’auteur de confronter Jeremiah à un autre monde. Lui qui a été protégé du monde extérieur par sa tante Martha, doit se mesurer avec ce paysage où rien ne vit, à ce qui se rapproche de pire sur Terre comme climat. Hermann nous rappelle donc que si l’humanité est effectivement un danger permanent sur la Terre, la nature peut être aussi ennemie de l’homme.
Jeremiah, à n’en pas douter, est un naïf, mais avec sa première aventure, il a déjà bien appris. Pourtant, là encore il se fera avoir, son sens du jugement lui faisant défaut. Ainsi Hermann se permet de jouer avec ses personnages. Si Jeremiah porte le nom de la série, Kurdy y trouve encore le rôle principal, plus téméraire, plus malin. Mais cette fois, les rôles sont inversés. Kurdy n’est plus le grand sauveur, c’est Jeremiah qui lui rend la pareille. De ce fait, Hermann met les choses au point dès le tome 2. Certes Kurdy est un personnage central et omniprésent, mais c’est Jeremiah qui a les faveurs de l’auteur, c’est Jeremiah le héros, Kurdy l’aidera à grandir, à s’affranchir, il l’accompagnera dans ses pérégrinations. Jeremiah est la sagesse dans ce monde en reconstruction.
Et de reconstruction, Hermann va nous en parler un peu. Il met ainsi en avant une milice, une organisation inter-villes chargée de défendre les transports de fonds. Ainsi, avec ce genre de petits indices, Hermann nous parle en fond de ce monde qui essaie de se créer une nouvelle société. Nous verrons d’ailleurs au fur et à mesure une certaine évolution, mais n’en disons pas plus.
Ainsi, avec cet épisode, Hermann met en place la structure de sa série. Les lieux des aventures auront un rôle prépondérant, Jeremiah s’affirmera de plus en plus, et la couleur, qu’il gérera lui-même dans quelques tomes, sera l’ancrage essentiel à la mise en place d’une ambiance particulière. Avec un scénario classique, il offre là une série qui va s’imposer parmi les plus réussies de la bande dessinée.