Girls – Jonathan & Joshua Luna
Girls
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Pennystown est une petite ville tranquille des États-Unis. Tout le monde s’y connait et tout le monde s’y apprécie.
Ethan, qui tient l’épicerie de la ville, est heureux dans cet endroit. Sauf qu’il manque de compagnie. Largué six mois plus tôt, il rêve de toucher de nouveau le corps d’une femme et de se sentir aimé.
Le soir, au bar, alors qu’il a un peu trop bu, Ethan pète un câble et s’en prend à toutes les personnes qui se trouvent sur place, leur reprochant leur hypocrisie, leur laxisme, ou simplement d’être une grosse pute ou un moins que rien. Alors que le shérif vire Ethan du bar, un énorme “boom” se fait entendre, brisant toutes les vitres de la ville. Ethan rentre chez lui lorsqu’une femme nue apparaît sur le bord de la route, blessée. Il l’emmène alors jusqu’à sa maison pour la soigner. Cette dernière, très jolie, ne semble pas réussir à s’exprimer. Troublé par cette femme vulnérable et très séduisante, Ethan n’arrive pas à lui résister lorsque cette dernière l’embrasse et lui fait l’amour.
Le lendemain, la mystérieuse femme a pondu 12 œufs dans la salle de bain d’Ethan. D’autres femmes identiques déjà adultes, telles des clones en sortent et s’attaquent aux femmes de Pennystown.
Girls est une série fantastique en 4 tomes. On y découvre l’univers des frères Luna qui pondent là une œuvre très intéressante qui nous fait penser très vite au travail de Stephen King. L’horreur mise en place, les mystères auxquels les protagonistes et les lecteurs doivent faire face, ainsi que les tensions qui s’en dégagent forcément, nous plongent rapidement dans ce récit parfaitement huilé. De plus, au fil des pages, non seulement la tension monte, mais aussi l’ensemble des habitants de la petite ville va jouer un rôle primordial. Bien qu’Ethan soit le premier rôle de cette aventure, tous vont tirer leur épingle du jeu.
Ainsi, les frères Luna créent rapidement une atmosphère de huis-clos lorsque les personnages découvrent que leur ville est enfermée sous un énorme dôme indestructible. Au milieu de tout cela, un énorme spermatozoïde géant est tombé dans un champ de maïs et s’attaque à tous ceux s’approchant trop près de lui, les coupant en deux ou les massacrant avec une sorte de laser qu’il tire à l’aide de son flagelle (c’est vrai que présenté comme ça, ça a l’air super nul !).
Ainsi, durant 4 tomes, les frères Luna vont réussir à bâtir toute une histoire qui va développer une tension telle entre les personnages que certains vont se révéler les pires ordures quand d’autres seront les pires trouillards. Mais les enjeux ne sont pas que dans la peur de l’inconnu. En effet, la tension sexuelle est omniprésente lorsque l’on découvre que les clones extraterrestres cherchent non-seulement à tuer les femmes qu’elles livrent au spermatozoïde géant qui les assimile et qui donc grossit, mais surtout que ces aliens d’une beauté incomparable cherchent à s’accoupler avec les hommes. Réussiront-ils à leur résister ? Les femmes ne prendront pas le risque et iront jusqu’à les enfermer, les menaçant avec des armes à feu. Cherchant à tout prix à sauver leurs peaux, certaines iront jusqu’à cautionner de couper les couilles de certains hommes. D’autres hommes, ne supportant plus la dictature de leurs femmes, seront prêts à les livrer à ces prédateurs aux charmes ravageurs.
C’est assez difficile de synthétiser ces 4 tomes plutôt longs dans une critique. Néanmoins, l’intérêt premier de cette BD, de ce comic, c’est l’atmosphère qu’il a su créer à travers ces mystères et ces massacres qui ponctuent de temps en temps les ouvrages. Non seulement les frères Luna arrivent à jouer sur les clichés qui entourent l’univers rural, mais ils arrivent aussi à transcender les rapports hommes/femmes afin de fouiller dans la conscience humaine pour voir jusqu’où ils seraient prêts à aller pour survivre. Leur vision des choses est édifiante et plutôt jubilatoire. D’autant plus qu’avec un peu de recul, on pourrait sourire de la situation, un spermatozoïde géant qui condamne une petite bourgade afin qu’il… d’ailleurs, à part grossir, on ne sait pas quel est son intérêt, et les frères Luna gardent le mystère là-dessus. Les personnages sont intéressants parce que les auteurs ne les épargnent jamais, autant dans les situations, dans leurs morts, ou dans leurs aspects psychologiques. Bien sûr, parfois, en se débarrassant de certains personnages qui sont allés très loin dans les conflits entre humains, les auteurs nous privent du délice d’imaginer comment ils auraient pu se reconstruire suite à cela, mais il en reste suffisamment pour combler notre plaisir.
Vous l’aurez compris, j’estime que nous avons là une très bonne surprise. Cette guerre des sexes avec des prédateurs en toile de fond est très pertinente. J’aurais néanmoins deux petits reproches à faire : le premier est que je ne suis pas convaincu par l’approche graphique. Bien que les dessins soient excellents, le travail de la couleur m’a laissé perplexe avec cette volonté de flouter les décors pour mettre plus en valeur les personnages. Alors certes, ça contribue sans doute à développer une atmosphère froide au récit, mais j’ai trouvé ça visuellement assez gênant et frustrant pour tout dire. Le second point, c’est qu’il y a quelques longueurs. Je suis persuadé que le récit aurait gagné en rythme sur trois tomes. Certaines situations sont beaucoup trop longues bien qu’elles ne fassent pas perdre le cours de l’histoire.
Avec Girls, on entre dans ce que la bande dessinée américaine nous fait de mieux en dehors de cette pluie de super héros. C’est frais, novateur, gore, écrit intelligemment, et on peut y voir de nombreuses références allant de Carpenter à Stephen King en passant par des films comme Predator ou La Mutante. Une œuvre riche à lire qui ne devrait pas décevoir les inconditionnels du genre.