Les Contes de la crypte 2-14 : L’Enterrée vivante – Kevin Yagher
Les Contes de la crypte. Saison 2, épisode 14.
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Enoch est né avec deux visages. Cette particularité physique lui vaut d’être exhibé comme monstruosité dans le petit cirque des horreurs de Mr Feeley. Seulement Enoch se meurt, ce qui contrarie fortement Mr Sickles, son propriétaire pour lequel il représente l’unique source de revenu. Jusqu’au jour où le Dr Cling approche Mr Sickles pour lui proposer un marché : il lui cède une momie gagnée au poker contre un pourcentage sur ce qu’il gagne. Le marché est accepté et le spectacle de Mr Feeley se dote d’une nouvelle attraction qui ne laisse pas indifférent Enoch, totalement sous le charme de cette jeune princesse égyptienne momifiée.
Comme le gardien de la crypte l’annonce en préambule avec une mine affectée qu’on ne lui connaissait guère, cet épisode occupe une place de choix dans son panthéon d’histoires à faire frémir sous la couette. Et pour cause ! Après un épisode narrant les déboires conjugaux du dessinateur attitré du magazine Tales from the crypt (Ma femme est monstrueuse) – son père de papier – L’Enterrée vivante relate rien de moins que la rencontre des parents de notre facétieux monsieur Loyal. Et pour rester en famille, il incombe à son “père télévisuel” – le spécialiste en effets spéciaux Kevin Yagher – de la mettre en images. Et parce qu’il est dit que cet épisode serait placé sous le sceau de la famille, le propre frère du réalisateur – Jeff Yagher – interprète le rôle d’Enoch.
Cette romance atypique ne pouvait trouver meilleur écrin que dans le milieu des foires à une époque où des gens peu scrupuleux capitalisaient sur les différences dues à une Mère Nature un brin facétieuse. Loin d’atteindre l’exhaustivité de Freaks, “la foire aux monstres” de Mr Feeley se limite à quelques figures incontournables comme des nains – appelés ici lilliputiens, sobriquet nettement plus vendeur – et une femme obèse. En guise de clou du spectacle : Enoch, dont la particularité physique et les dures conditions de vie (il se fait constamment rosser par Mr Sickles) ne sont pas sans évoquer le John Merrick popularisé par David Lynch dans Elephant Man. On sent poindre sous cette monstruosité de façade une gentillesse et une innocence que nul ne semble pouvoir apprécier à leur juste valeur, à l’exception d’une fillette, seul personnage à poser sur lui un regard dénué de dégoût ou de méchanceté. Que cette gamine paraît impuissante face à des adultes aveuglés par les apparences, lorsque ce n’est pas tout simplement par leur avidité.
Comme il est de coutume, cet épisode dépeint des personnages guère reluisants qui partagent tous ici une profonde solitude. Mais à l’exception notable de Mr Sickles – irrécupérable brute sans cervelle – ils se révèlent moins unidimensionnels qu’ils n’en ont l’air. Ainsi naît une réelle empathie des mésaventures de l’habile bonimenteur Mr Feeley et du malicieux docteur Cling trop porté sur le jeu, sous les couvre-chefs duquel on reconnaîtra l’éternel second rôle de films d’action Mark Rolston (Aliens, L’Arme Fatale 2, Robocop 2) qui l’interprète avec une évidente gourmandise. Ces destins donnent le sel d’un récit au déroulement par ailleurs sans surprise notable, puisque le plan final en guise de clin d’œil aux spectateurs a été éventé au préalable par cet incorrigible bavard squelettique.
Néanmoins, Kevin Yagher surprend par certains de ses partis pris, à commencer par ce refus du spectaculaire. Comme en atteste le deuxième visage d’Enoch qui trahit une certaine rigidité, le néo réalisateur a moins mis l’accent sur les effets spéciaux que sur la direction artistique, particulièrement soignée. Tout, de la composition des décors à la lumière, témoigne de sa méticulosité et d’un réel plaisir à passer derrière la caméra.