Histoires fantastiques 1-16 : Le Collectionneur – Norman Reynolds
Amazing Stories. Saison 1, épisode 16
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Rêveur impénitent au grand dam de ses parents, Jonathan reçoit un beau jour la visite d’un Troll. Ce dernier l’exhorte à renoncer aux rêves imposés par ses parents pour ne s’en tenir qu’aux siens. Il lui promet même une grande richesse s’il parvient à conserver tous les trésors qu’il possède. Seul impératif, acheter une voiture, quelle qu’elle soit, à condition qu’elle lui corresponde. Particulièrement réceptif, Jonathan suit les conseils du Troll à la lettre. Arrivé en âge de conduire, il achète une voiture qu’il passe son temps à briquer, ce que son père ne supporte plus. Lassé de l’oisiveté de son fils, il finit par le chasser de la maison. Jonathan s’en va sans regret, convaincu de sa bonne fortune. Seulement, elle tarde à venir et lui commence à désespérer…
A l’humour noir d’Un dernier verre succède la naïveté bon enfant de cet épisode dont la teneur tient en une phrase “Il y a trop de médecins dans le monde, et pas assez de rêveurs” lancée par un Troll sûr de son fait. Ce petit génie, “fils unique de mère nature“, pourrait bien être Steven Spielberg en personne, lui qui a su rendre ses rêves réalité. Finalement, Amazing Stories ne revêt d’autre but que de communiquer au plus grand nombre cette passion pour le merveilleux du cinéaste. L’ennui, c’est qu’avec cette série, il n’est jusqu’à présent parvenu qu’en de trop rares occasions à toucher un public plus large que celui des enfants. Le Collectionneur ne déroge pas à la règle, sacrifiant tout questionnement au profit d’une fin magique accréditant de l’importance de croire en l’impossible. Jonathan est donc un rêveur solitaire, préférant la compagnie d’un illustré ou d’une série radiophonique à celle d’enfants de son âge ou d’un livre de médecine. Ses rêves sont à la portée de tous, autrement dit faire ce qui lui plaît. N’ayons pas peur des mots et disons le sans ambages : c’est un glandeur. Un glandeur trop heureux qu’on l’encourage dans cette voie, même si pour coller aux propos du Troll, il se doit au préalable de travailler d’arrache-pied. Au passage, l’épisode semble indiquer qu’on ne travaille jamais mieux que lorsqu’on a un but précis. Sauf qu’une fois celui-ci atteint, pfuitt, plus rien. Il est d’ailleurs amusant de voir le jeune Jonathan multiplier les heures supplémentaires pour acquérir une automobile, produit phare de l’industrie nord-américaine, encore plus lors des années 30 durant lesquelles se déroule l’entame de l’épisode. Comment son comportement pourrait-il être suspect aux yeux de ses parents alors qu’il se comporte comme un bon petit américain ? Pour brutale qu’elle soit, la rupture de ban de Jonathan présentait l’avantage d’offrir à l’épisode l’occasion de suivre le cours de l’histoire américaine à travers les yeux de ce doux rêveur. Or, il n’en est rien, Jonathan vivant en marginal, à l’écart de tout et de tous.
Cependant, même dans le dénuement le plus total, Jonathan ne remet jamais réellement sa situation en question, se complaisant dans la passivité. On pourrait arguer que c’est parce qu’il est mû par une foi inébranlable dans les propos du Troll, or au détour d’une scène, il témoigne de ses regrets de l’avoir aussi aveuglément suivi. En fait, Jonathan apparaît là dans toute sa faiblesse, incapable de se reprendre en main. Son aspect physique est à l’avenant, cheveux longs, moustache et barbe fournies, il ressemble à un émule de ZZ Top hirsute et crasseux. Au passage, on ne peut que compatir avec Mark Hamill, personnage mythique pour toute une génération (Luke Skywalker), et qui ici passe le plus clair de l’épisode affublé d’horribles postiches qui lui mangent le visage. Il amorçait alors le rude virage d’après célébrité, ne parvenant jamais vraiment à se défaire de l’étiquette du preux chevalier jedi qui lui collera à la peau jusqu’à la fin de ses jours. Dépositaire d’une destinée héroïque et salvatrice dans les Star Wars, il incarne une fois encore un jeune homme peu maître de son destin, enclin à écouter des êtres a priori plus sages que lui.
Devant se conformer à sa faible durée, Le Collectionneur ne s’appesantit guère sur les longues années de solitude de Jonathan, amorçant brutalement le basculement du récit de la triste existence d’un vieil homme qui a tout sacrifié pour une chimère à la petite touche de magie qui vise à rendre cet épisode bien confortable. La fin, forcément heureuse, s’efforce de justifier le choix du jeune homme récompensant son abnégation et sa foi. Et en creux, se dessine un beau plaidoyer pour les geeks, dont le terme n’était pas encore en vogue à l’époque, via ce personnage dont la richesse provient in fine de la valeur acquise par toutes les babioles qu’il a su conserver toutes ces années durant (figurines, comics, cartes sportives…).
Décidément, ce Collectionneur est un drôle d’épisode. Sous des dehors gentillets d’ode à la rêverie et au droit de s’accomplir pour soi-même, cet épisode exhale de forts relents matérialistes. Et si la valeur n’attend pas le nombre des années, Norman Reynolds semble dire qu’il en va aussi ainsi de la richesse. Il n’y a donc plus de doute possible : pour son producteur et lui, l’argent fait le bonheur. Triste constat, quoique bien représentatif des années 80, ces années frime et fric.