Histoires fantastiques 1-14 : Le Héros malgré lui – Lesli Linka Glatter
Amazing Stories. Saison 1, épisode 14
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L’heure approche. De jeunes G.I vivent leurs derniers instants de calme avant le périlleux débarquement sur les côtes italiennes durant la Seconde Guerre mondiale. Le jour J, ils se retrouvent piégés sous le feu ennemi, à la merci d’un bunker allemand. Désemparés à la mort de leur sergent, ils assistent médusés à l’assaut en solitaire de Arnold, leur souffre-douleur attitré gagnant alors ses galons de héros.
Ce n’est un mystère pour personne, Steven Spielberg a toujours été attiré par la Seconde Guerre mondiale. Mais il lui a fallu longtemps avant de traiter le sujet de manière plus frontale. A l’époque des Amazing stories, il ne l’a abordé que par le biais de la farce (1941) ou du merveilleux (La Mascotte). Ce 14e épisode de sa clinquante série ne déroge pas à la règle, même si le fantastique s’y fait plus diffus, ne se révélant qu’à l’aune d’une conclusion un brin larmoyante et moralisante.
Nanti d’un beau noir et blanc, qui permet en outre une meilleure incrustation de stock-shots même si de par le grain de l’image ils demeurent visibles, ce Héros malgré lui s’attache à la figure du simplet incarnée par Arnold. Ce dernier, bonne pâte, doit sans cesse subir les railleries de ses compagnons de chambrée, toujours prompts à le ridiculiser à la moindre occasion. Et bien sûr, pas une voix ne s’élève pour lui venir en aide, personne n’osant se mettre le groupe à dos. Si le plus “sympa”, Casey, joué par Charlie Sheen dont la carrière commençait à décoller en cette année 1986, se permet quelques gentillesses à l’égard d’Arnold, il prend bien soin de le faire à l’abri des regards. Agir autrement serait considéré comme aveu de faiblesse, et le moral des troupes ne saurait souffrir de tels aveux en temps de guerre. De fait, tourmenter le pauvre Arnold revient pour ses pairs à nier leurs peurs en s’occupant l’esprit en martyrisant plus faible qu’eux. Ce n’est bien évidemment pas un comportement très charitable mais qui peut se comprendre compte tenu du contexte. Après tout, ce ne sont encore que des enfants et il est donc compréhensible qu’ils se comportent comme tels. A ce titre, la longue exposition ne nous épargne rien de leurs chamailleries et de leur volonté de faire comme si de rien n’était en se préparant un frugal repas de Thanksgiving. Le tout en surlignant bien l’isolement de ce pauvre Arnold.
Dans ce contexte, le débarquement tant attendu fait figure de revanche du banni. Alors que tous commencent plus ou moins à percevoir les réalités de la guerre (peur, rage, impuissance), Arnold défie tous les pronostics en partant au feu à la manière d’un kamikaze. Et pour bien souligner la bravoure de son acte, un ralenti l’accompagne au moment fatidique où il réussit à mettre hors d’état de nuire le blockhaus qui les vouait à l’immobilisme. Stupeur dans les chaumières, le simple d’esprit s’avère être un preux combattant, au grand dam de ses tourmenteurs, désormais partagés entre incrédulité et gratitude. Partant de ce fait d’arme, le récit peut alors distiller sa petite morale sur l’air du “il y a du bon en chaque homme” et accessoirement “c’est pas beau de se moquer de moins bien loti que soi”, à grand renfort de pathos.
Visuellement, Le Héros malgré lui est un épisode de belle facture qui parvient à se soustraire des contraintes télévisuelles pour mettre en image un débarquement plutôt convainquant. Certes, les scènes de combat n’ont pas l’envergure de celles de Band of brothers et The Pacific, les deux mini séries que Steven Spielberg produira quelques 15 et 25 ans plus tard, mais Lesli Linka Glatter n’en avait ni les moyens ni les ambitions. Par contre, il est dommage que l’élément fantastique soit aussi anecdotique, et surtout mis au service d’un discours aussi niais. En même temps, la série nous y a habitué à la longue. C’est le contraire qui aurait été étonnant !