Charlie – Stephen King
Firestarter. 1980Origine : Etats-Unis
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Le livre démarre en plein milieu de l’action, alors que Andy McGee et sa fille Charlie tentent de fuire New York et les agents de la Boîte, un organisme gouvernemental secret. Nous apprendrons petit à petit par la suite tout ce qui a mené à cette situation, ainsi que ce qui la suivra. King, en écrivant Charlie, a sûrement en tête la même chose qu’Adrian Lyne lorsqu’il réalisa en 1990 L’Échelle de Jacob : la découverte des expérimentations auxquelles se livrait en secret il n’y a pas si longtemps (et auxquelles elle se livre peut-être toujours, d’ailleurs) la CIA. Dans le cas de King, il s’agit probablement du Projet MKULTRA, commencé vers la fin des années 50, et qui était destiné à établir un moyen de contrôler les esprits. Et bien entendu, son livre est une critique féroce de ces activités indignes de toute démocratie. Ainsi, toute l’histoire de Charlie et de sa mère est celle de la Boîte. Dès le départ, celle-ci utilisa le besoin d’argent des étudiants qu’étaient Andy McGee et celle qui allait être la mère de Charlie pour leur inoculer le “Lot Six”, une drogue censée développer la télépathie. Poussés à être des cobayes par leur manque d’argent, les “sujets”, désinformés, ne pourront dès lors plus se sortir des griffes de la Boîte : celle ci est partout, contrôle tout et n’hésite pas à faire taire les gens capables de lui mettre des bâtons dans les roues et à provoquer des dommages collatéraux. Tout ça au nom de l’Amérique, de la démocratie. Habilement, King ne laisse jamais souffler ses héros, et de ce fait, toute leur vie semble s’effectuer en pleine dictature. Encore une fois, l’écrivain se montre très adroit pour accrocher l’attention de ses lecteurs : en démarrant en plein milieu de l’action, il laisse ainsi de grandes zones d’ombres sur le passé de ses personnages, et les réponses aux questions que se posent les lecteurs sur le passé de Charlie, de son père et même de certains agents de la Boîte seront diluées parcimonieusement à travers tout le roman. Le suspense ne se dément jamais, et, King ayant pris soin de montrer à quel point les agents du gouvernement pouvaient être cruels (le meurtre de la mère et d’une manière générale leur total manque de scrupules), on se prend à penser que tout peut arriver à Charlie et Andy lorsqu’ils seront repris. Nous assistons donc dans un premier temps à une sorte de “road-novel” pimenté comme il se doit de plusieurs scènes d’action dûes à Charlie. Car celle-ci est capable d’allumer des feux à la seule force de sa pensée. Une pyrokinésie classique, pense-t-on. Et bien non : King ne lésine pas sur les détails des incendies, et à ces occasions il transforme véritablement le monde en enfer sur terre, en faisant même parfois un peu trop (on en vient à penser que la fillette serait même un jour capable de faire exploser la planète !).
Vient ensuite le temps, largement plus posé, de la capture des McGee et leur enfermement dans les locaux de la Boîte. C’est l’occasion pour verser dans la psychologie : les méthodes des “méchants” se font plus subtiles, et concernent cette fois la mentalité des personnages. Ces introspections sont très instructives mais elle servent aussi à faire patienter le lecteur jusqu’au climax final, que l’on devine anthologique. Encore une fois, même en changeant assez radicalement le style du livre (on passe du “road-novel” à l’étude de caractère entre quatre murs), l’auteur reste toujours aussi accrocheur en prenant également bien soin de ne jamais laisser de répit à ses personnages. Cette fois, nous découvrons John Rainbird, un indien vétéran du Vietnam qui parviendra, en l’amadouant, à reprovoquer chez Charlie la volonté d’allumer des feux. Il joue en permanence et littéralement avec le feu, et il n’y aura plus qu’à patienter, comblant petit à petit les lacunes de l’histoires des McGee et haïssant toujours un peu plus davantage les membres de la Boîte. King n’y va pas avec le dos de la cuillère, et le côté politique de son livre est assez basique : les gentils persécutés contre les méchants niant l’humanité de ses “cobayes”. Ce ne sera pas le point fort de Charlie. Mais en tout cas, les quatre cent pages du livre passent très vite, et Charlie se classe sans aucun doute parmi les meilleures œuvres de King prenant un enfant comme personnage principal.