Willard – Glen Morgan
Willard. 2003Origine : Etats-Unis
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Remake du film du même nom réalisé en 1971 par Daniel Mann, Willard suit donc la même trame narrative. A savoir l’histoire du héros éponyme, un modeste employé d’une entreprise appartenant jadis à son père. Coincé entre un travail morne où son patron l’humilie quotidiennement et une vie solitaire à s’occuper de sa vieille mère dans la grande maison familiale, Willard trouve un peu de répit dans la compagnie des rats dont il arrive à se faire obéir. Parmi ceux ci il y a Socrate, un rat blanc affectueux et qui semble comprendre Willard bien mieux que certains humains, mais aussi Ben, un gros rat noir qui servira, lui, à orchestrer une sinistre vengeance sur ceux qui pourrissent la vie de Willard.
Alors que d’ordinaire les remakes capitalisent sur le succès et la popularité de l’original pour aboutir à des films aussi blindés de fric que fades, Willard a au contraire la judicieuse idée de refaire un film quasiment oublié de tous, et qui souffre en plus de quelques défauts en dépit d’une intrigue pourtant prometteuse. Mais ne tournons pas d’avantages autour du pot, ce nouveau Willard se révèle être un excellent film comme on en voit peu.
Le sujet est cette fois-ci parfaitement maîtrisé par un Glen Morgan pourtant novice (il s’agit là de son premier film). Le jeune réalisateur ne s’était illustré auparavant que par des scénarios divers (il a ainsi signé le scénario de plusieurs épisodes des séries X-Files et Millennium, ainsi que celui du film Destination finale) et par le tournage d’un de ses épisodes d’X-Files. Signalons également que c’est le même Glen Morgan qui signe le scénario du remake (le scénario original avait été confié à Gilbert Ralston, l’auteur du livre Willard), un scénario très habile puisqu’il garde les arcs narratifs de l’histoire tout en leur apportant un traitement plus sombre.
En fait cela semble être son credo, tant tout le film est imprégné de cette ambiance sombre, à la fois dans le scénario, mais aussi dans la mise en scène, les décors et les éclairages. Et cela se révèle particulièrement efficace, cette ambiance enveloppant le spectateur dès les premières images. Ainsi le film prend soin d’installer calmement cette atmosphère, de la rendre dense et aussi organique qu’une masse grouillante de rats noirs.
Personnages vedettes du film, les rats y sont naturellement très présents. Ils apparaissent très tôt dans le film et prennent rapidement un rôle important. Passé les quelques scènes obligatoires où Willard s’entraîne à dresser les rats sur lesquelles le réalisateur s’attarde peu, sans doute conscient de leur caractère risqué, les rats prennent véritablement un poids conséquent en tant que masse grouillante et inquiétante. Masse d’autant plus pesante qu’elle est très réaliste ! J’ignore comment les auteurs du film ont réussi à gérer les rats, mais ils le font très bien et les effets spéciaux sont vraiment bluffant. Ce qui est réussi également, c’est la caractérisation des rats Socrate et Ben. Le réalisateur arrive à leur insuffler une personnalité via sa mise en scène et ses plans, et plus le film va en avançant, plus Ben devient effrayant et Socrate attachant.
Le réalisateur prend aussi le parti de citer des réalisateurs classiques, surtout le grand Alfred Hitchcock et son Psychose. Impossible de ne pas penser à Mme Bates quand on entend la mère de Willard crier remontrances et avertissements à son fils à travers les murs.
De même, Willard et sa folie grandissante évoquent grandement Norman Bates. D’autant que Crispin Glover n’a rien à envier à Anthony Perkins, tant son interprétation est excellente. Il livre un Willard touchant et effrayant à la fois, sans en faire trop quand il joue la folie.
De par son coté sombre, ses références à Hitchcock et son scénario, Willard a tout du film « à l’ancienne ». La narration est très classique et pourtant efficace, et la mise en scène est sobre et inspirée (comme par exemple lors des scènes où le héros est montré vu de haut, pour stigmatiser sa position de faiblesse, face à son patron notamment, montré en contre plongée). De même les décors abondent dans ce coté « rétro ». La vieille maison poussiéreuse et cossue, les teintes sépia de la photo, les habits et la coupe rétro de Willard…
Et toute cette atmosphère sombre et rétro calmement mise en place sera transcendée lors de la scène de vengeance proprement dite, point d’orgue du film puisqu’elle marque la lente descente en enfer d’un esprit déjà fragile.
En effet le film ne glorifie pas le sentiment de vengeance, puisqu’il en fait le début de la folie dans laquelle s’enfoncera Willard et qui finira par le couper totalement du monde.
Bref, Willard est un excellent remake, maîtrisé de bout en bout, qui prend le temps de créer une ambiance sombre et des personnages attachants pour multiplier l’impact de son histoire ! A voir !