Ultravixens – Russ Meyer
Beneath the Valley of the Ultravixens. 1979.Origine : États-Unis
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A Small Town, une petite bourgade isolée du Sud-Ouest des États-Unis, les habitants mènent une vie paisible partagée entre leur travail et de frénétiques parties de jambes en l’air. C’est que ça couche beaucoup dans cette ville, et pas seulement avec sa ou son légitime : de l’adolescent à l’éboueur, en passant par la présentatrice d’une radio évangélique jusqu’à un rescapé nazi, tous sont soumis à une libido débordante. Néanmoins, dans cette orgie permanente, il y a un couple qui n’est pas à la fête. Lavonia n’arrive toujours pas à remettre son mari Lamar dans le droit chemin, lui qui ne sait faire l’amour que par derrière, au risque de provoquer le clash définitif au sein de son ménage. Tout le film va alors s’évertuer à nous montrer les tentatives désespérées de Lavonia et Lamar pour que ce dernier guérisse.
Depuis son tout premier film –The Immoral Mr.Teas-, Russ Meyer s’est spécialisé dans le film érotico soft à base de femmes plantureuses et aux poitrines idoines. Dans une Amérique pudibonde, ses films ont contribué au recul de la censure, un recul qu’il a exploité en allant toujours plus loin dans l’érotisme, frôlant les frontières du cinéma pornographique. D’ailleurs, le postulat de départ de Ultravixens (un mari incapable de satisfaire sa femme va devoir s’adonner à diverses expériences avant de pouvoir y arriver) s’apparente au scénario type d’une pléthore de films pornos. Et bien qu’il se soit toujours défendu de vouloir réaliser un jour un film hardcore, force est de reconnaître que ce film-ci s’en rapproche au point d’en épouser la structure répétitive. Ici, pas de progression dramatique, de folle épopée à travers le désert ou même d’action autre que sexuelle, simplement une succession de scénettes dont l’unique but est de mettre en valeur la plastique des comédiennes, Francesca Kitten Natividad au premier chef.
A l’époque compagne de Russ Meyer, Francesca Kitten Natividad est ici filmée sous tous les angles possibles et imaginables de la tête au pied, passant plus de temps nue qu’habillée. On sent le réalisateur particulièrement fier de sa conquête et ne rechignant pas à nous la dévoiler. Elle incarne Lavonia, une épouse certes amoureuse de son homme au point de lui pardonner ses penchants sodomites, mais surtout incroyablement accroc au sexe. Elle ne rate jamais une occasion de s’envoyer en l’air, que ce soit avec un adolescent encore puceau (qu’elle viole presque !), son amant attitré l’éboueur Peterbuilt, ou encore une infirmière très portée sur les soins corporels intimes. Elle fait preuve d’une énergie débordante jamais prise en défaut et prend son pied quoi qu’il advienne, à partir du moment où son partenaire s’y attèle comme il se doit, donc à l’inverse de son mari. A ce propos, le « mal » dont souffre le mari interpelle. Russ Meyer implante toujours ses récits au cœur de l’Amérique profonde, terre favorable aux péquenots de tous poils où là plus qu’ailleurs, les déviances sexuelles sont forts peu goûtées des autochtones. Avec ses penchants sodomites, non seulement Lamar s’interdit toutes procréations mais en plus, il s’apparente aux homosexuels, ces personnes que la morale et la religion réprouvent. Ainsi, tout le processus du film ressemble à une quête à la normalité, Lamar souhaitant devenir un homme comme les autres. Et c’est dans les bras d’une évangéliste qu’il guérira, la religion réussissant là où les efforts acharnés de son épouse avaient échoué. Russ Meyer s’amuse des conventions et de la bienséance, orchestrant une gigantesque orgie où tout le monde couche avec tout le monde (dont un fils avec sa mère sous les yeux consentant du père) avec en fond sonore, les prédications incessantes de sœur Eufaula Roop, toute aussi dévergondée que ses ouailles. Russ Meyer se rit de la religion et de ses représentants, ne croyant qu’en une seule chose : les vertus du sexe.
Cependant, rien ne revêt d’importance dans son film, si ce n’est toutes ces parties de jambes en l’air endiablées qu’il filme au plus près des corps, s’affranchissant de toutes contraintes physiques. Toujours dans le souci de mettre en valeur sa compagne, Russ Meyer n’hésite pas à faire disparaître purement et simplement les matelas sur lesquels elle se vautre pour s’adonner à quelques contre-plongées osées à travers le sommier à ressort. Suivent gros plans sur sa croupe, ses seins et sa toison pour qu’on ne perde rien de son anatomie. Avec la libération des mœurs, Russ Meyer en a oublié ce qui faisait tout le sel de ses plus fameux titres des années 60 (Lorna, Mudhoney, Faster Pussycat, Kill ! Kill ! ), l’érotisme. Dans Ultravixens, il montre tout, ose tout et ennuie vite. Sexuellement agressives, les femmes de son film n’existent que par leurs rondeurs et ne réclament rien d’autre que d’être tripotées par tout à chacun. Quant aux hommes, ils ne brillent que par leur bêtise (Lamar est crédité d’un QI de 37 !) et leur capacité à faire jouir ces dames. Quoiqu’en ce qui concerne cette dernière, ils pourraient facilement être remplacés par des godemichés dont la texture ressemble comme deux gouttes d’eau à celle des membres virils que Russ Meyer exhibent de temps à autre. Il ne semble plus vouloir chercher la belle image comme c’était le cas lors de sa période en noir et blanc, se contentant d’enchaîner les scènes de coïts de manière mécanique et bien peu esthétique. Au même titre, il ne laisse plus parler les images, sur saturant la bande son de musique insupportable ou du flot continu du verbiage du narrateur et des prédications de sœur Eufola Roop. A la fin du film, il se permet même d’intervenir en personne, promouvant sa belle et annonçant sa prochaine production qui ne verra jamais le jour. Les années 80 sonnent le glas de sa carrière cinématographique en même temps qu’elles permettent à de nombreux pays de faire connaissance avec son œuvre, notamment en France où une rétrospective à la Cinémathèque lui sera consacré précédant la sortie de quelques uns de ses plus fameux titres. Avec Ultravixens il a atteint ses limites et celle d’une production désormais plus encline à mettre la main à la poche pour un film X plutôt que pour l’étalage nettement plus sage, bien qu’inscrit sur le même modèle, de ses fantasmes. Jusqu’à sa mort en 2004, il se bornera à gérer son catalogue tout en bûchant sur son projet d’autobiographie filmée –The Breast of Russ Meyer– qu’il ne terminera jamais.