Timecrimes – Nacho Vigalondo
Los Cronocrimenes. 2007.Origine : Espagne
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Hector et son épouse Clara viennent de s’installer dans une belle demeure, perdue au milieu de la forêt. Un jour, alors que Hector observe la nature environnante à l’aide d’une paire de jumelles, il aperçoit des choses intrigantes, comme cette belle jeune femme ôtant lentement son t-shirt, dévoilant une poitrine qui ne l’est pas moins. Mû par une curiosité bien légitime, il s’enfonce dans la forêt où il retrouve la jeune femme, entièrement nue et inconsciente, semblant s’offrir à lui. Alors qu’il s’approche d’elle, une silhouette masquée l’agresse, lui enfonçant une paire de ciseaux dans l’épaule. Cette agression, aussi soudaine qu’incompréhensible, marque pour lui le début d’un cauchemar sans fin.
Véritable bête de festival (Prix du public et Grand prix du jury au Fantastic Fest d’Austin 2007, Prix du public au festival de Philadelphie et prix du meilleur inédit vidéo au 16e festival de Gerardmer), Timecrimes –Los Cronocrimenes en version originale– n’a pourtant pas connu les joies d’une sortie en salles dans nos contrées. Les voies de la distribution sont décidément impénétrables, et bien que ces dernières années le cinéma fantastique espagnol paraît avoir gagné en accessibilité dans nos salles françaises ([Rec], [Rec²], L’Orphelinat), certains films, pourtant auréolés d’un prix (je pense notamment à Fragile, nanti du Prix spécial du jury à Gerardmer en 2006), demeurent injustement invisibles. A croire que le caractère déroutant et bricolé de la première réalisation de Nacho Vigalondo a pu jouer un rôle non négligeable dans sa piètre distribution.
L’entame de Timecrimes est d’une parfaite banalité, à l’image d’Hector, quadragénaire bedonnant. Le bonhomme fait ses courses, rentre chez lui, papote avec sa femme, s’accorde une petite sieste… Rien de bien passionnant, en somme. Si on ajoute à ça une image granuleuse, et pour peu qu’on en sache un minimum à propos de l’intrigue, cette entame naturaliste a de quoi déconcerter. En outre, à partir des élans “voyeuristes” de Hector, Nacho Vigalondo n’hésite pas à brouiller les pistes, son film prenant alors des faux airs de “psychokiller” avec l’apparition de cette mystérieuse silhouette masquée et belliqueuse. De fait, lorsque l’élément science fictionnel est introduit, la surprise prime. D’autant que le réalisateur n’use d’aucune esbroufe visuelle pour illustrer le court voyage temporel de son personnage principal. Il maintient ainsi son film dans un réalisme étudié, qui évoque davantage des films axés sur des failles temporelles (Un jour sans fin de Harold Ramis, Prisonnier du temps de Jack Sholder) que sur les films traitant de voyages temporels à proprement dit (La Machine à explorer le temps de George Pal, C’était demain de Nicholas Meyer). A l’instar des héros des films de Harold Ramis et Jack Sholder, Hector se retrouve prisonnier d’un processus qui lui échappe totalement. Sauf qu’à l’inverse de ses homologues américains, il ne bénéficie d’aucune issue possible. Et d’ailleurs, Nacho Vigalondo ne fait rien pour l’épargner : coup de ciseaux dans le bras, multiples contusions, vision de sa femme morte… Hector est condamné à revivre sans cesse un véritable calvaire, sans espoir de le modifier. Nacho Vigalondo parsème son récit de détails en apparence anodins (le faux numéro, la poubelle renversée, la bicyclette gisant au milieu des détritus…) qui se révéleront comme autant d’indices du piège infernal dans lequel se trouve le personnage principal.
Le récit se joue donc volontairement en circuit fermé. Cependant, tout en nous remontrant des scènes quasiment à l’identique, le réalisateur parvient à conserver notre intérêt en changeant régulièrement de point de vue grâce à la magie des paradoxes temporels. Ainsi, sans que cela soit forcément visible à l’écran, ce ne sont pas moins de trois Hector qui cohabitent dans les mêmes unités de temps et de lieu. Le mérite du réalisateur étant de nous rendre tout ça d’une grande limpidité. Du moins en apparence, puisque si on creuse un peu, il est bien mal aisé de savoir comment ce processus a bien pu réellement se mettre en branle, à part admettre que Hector est l’outil de sa propre déchéance. Certes, le comment importe peu, néanmoins s’en remettre à la seule fatalité pour éclairer les mésaventures de Hector limite Timecrimes à n’être qu’un petit film malin. Si Nacho Vigalondo démontre de belles aptitudes de mise en scène, il faudra au moins attendre son prochain film pour savoir s’il est en mesure de nous proposer davantage que cette machinerie parfaitement huilée mais un peu vaine.