The Philadelphia Experiment – Stewart Raffill
The Philadelphia Experiment. 1984Origine : Etats-Unis
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En 1943, en pleine Guerre Mondiale, le destroyer USS Eldridge de la base de Philadelphie est choisi pour tester le procédé mis au point par le Dr. Longstreet. Il s’agit de rendre le navire invisible afin de mieux tromper l’ennemi allemand. L’expérience est un succès trop fracassant : tout le rafiot se fait la malle et disparaît purement et simplement de l’année 1943. Où est il donc ? Tout simplement paumé dans l’espace-temps. Deux andouilles maritimes de l’Eldridge choisissent ce non-espace et ce non-temps pour sauter par dessus bord. David et Jim (Michael Paré et Bobby Di Cicco) se retrouvent donc en 1984, en plein Nevada, alors que l’armée américaine, jamais en retard d’une connerie, vient encore d’ouvrir un trou dans l’espace-temps, mais cette fois sans réussir à le refermer. Le trou grossit jusqu’à en devenir dangereux, tandis que les deux nigauds se rendent compte du pétrin dans lequel ils sont. Ils sympathiseront avec Allison (Nancy Allen), une fille qui passait par là, avant que Jim, contaminé par l’électricité née de la rupture spatio-temporelle, ne retourne de force là où il doit être. David réussira-t-il à en faire autant ? Le trou béant dans le ciel du Nevada sera-t-il refermé avant qu’il n’aspire la terre entière ? Et qu’avait de spéciale cette année 1984, qui connut une affluence record en termes de visiteurs spatio-temporels, puisque dans le même temps le Terminator et Kyle Reese débarquaient à Los Angeles pour faire leurs petites affaires ?
Derrière tout ceci se cache une légende urbaine américaine à propos d’une véritable expérience qui aurait été menée pendant la deuxième guerre mondiale sur l’USS Eldridge. Le navire aurait disparu avant de réapparaître, avec à son bord un équipage incomplet dont les survivants auraient souffert soit de fortes nausées soit de maladie mentale. Bref un tas de bêtises bonnes à servir de prétextes à un film de science-fiction dans la mouvance du mauvais Nimitz, sorti quatre ans plus tôt. A la barre de Philadelphia Experiment devait se trouver John Carpenter, avant que la production ne revoit son scénario et qu’elle ne confie la réalisation à Stewart Raffill, réalisateur coupable d’avoir lancé la carrière cinématographique de Denise Richards en lui confiant le premier rôle de Tammy and the T-Rex. Carpenter resta malgré tout crédité en temps que consultant artistique et producteur exécutif, ce qui lui permis probablement de récupérer quelques sous dans l’affaire (et il ne s’est d’ailleurs jamais caché d’avoir accepté certains postes uniquement dans un but pécuniaire).
Quoi qu’il en soit, on retrouve dans The Philadelphia Experiment le même énorme défaut qui avait déjà plombé Nimitz : son total manque d’imagination. Le sujet du voyage temporel est intéressant en soit…surtout pour un épisode de La Quatrième Dimension. Mais passée la scène où l’Eldridge quitte son époque (scène d’ailleurs très laide à base d’effets spéciaux lumineux mi-psychédéliques mi-numériques à la Tron), le film n’a en effet plus rien à dire, et se contente de verser dans une histoire convenue et sans relief. On aurait pu croire que David et Jim se seraient intéressés au devenir géopolitique du monde, eux qui étaient en pleine guerre au moment de leur voyage particulier. Mais non, la question est évacuée en deux ou trois répliques négligemment introduites dans la conversation entre David et Alisson. Le film manque ainsi grandement d’ambition, se contentant de suivre les aventures du trio de héros qui deviendra donc un duo après que Jim eut regagné son époque. Nous nous retrouvons donc à suivre un objectif double : la quête de David pour savoir ce qu’il s’est passé à bord de l’Eldridge, puis, devant son échec pour le savoir, son désir de retrouver le Dr. Longtsreet. L’un comme l’autre, ces deux éléments sont totalement creux. Le premier n’est certainement pas un mystère pour tout spectateur étant un tant soit peu familiarisé avec les films de voyages dans le temps. D’emblée, nous devinons ainsi que les deux expériences, celle de 1943 et celle de 1984, faites en mêmes temps, ont créé un vortex dans le célèbre continuum espace-temps. D’un côté l’Eldridge a été aspiré, et de l’autre, c’est une ville entière (!). Tout un film pour que le héros apprenne ceci, c’est un peu fort.
Pire encore : David va parcourir tout le désert de la mort pour aller jusqu’à cette conclusion, et son voyage le fera s’arrêter dans une chambre de motel, dans la station-service de son papa dont il apprendra la mort (grosse crise de larmes, vite oubliée) et, surtout, dans le ranch de ses amis de 1943 (dont Jim, retourné à son époque et ayant donc vécu normalement), qui ne voudront rien lui dire. Tout ceci n’est que du remplissage pur et simple qui aurait très bien pu disparaître au montage sans que le film n’en eut été affecté. Le scénario a beau se faire parfois confus, cette histoire demeure claire. Niveau mystérieux, c’est zéro : la révélation finale n’en est pas une et ainsi tout l’effet d’étrangeté que l’on aurait pu retrouver dans un épisode à la Quatrième dimension est sabordé. Quand à la quête de David pour retrouver le bon docteur, elle sera toute aussi vaine : il s’évertuera à semer des flics fédéraux voulant l’amener chez Longtstreet… alors que c’est précisément là qu’il se rend. Au passage, une scène particulièrement débile nous le montrera en train de récupérer des papiers d’une jeep gouvernementale en train de flamber. Comment a t-il su que ces papiers dévoilant l’adresse de Longtstreet étaient dans la jeep ? On ne le saura pas. Cela relève de l’opération du saint esprit des scénaristes. En revanche, si ils s’attardent sur de telles inutilités, ils se contrefichent totalement du vortex spatio-temporel menaçant d’aspirer la planète. Il se résume en quelques scènes d’orages. C’est tout. Aucune panique chez les civils, les militaires eux-mêmes ne s’en tracassent pas plus que cela. Pour quoi faire, de toute façon ? Les voies des scénaristes sont pénétrables et on sait qu’il y aura un happy end.
La même opération quasi mystique se retrouve en tout cas symbolisée par le personnage de Nancy Allen, modèle de personnage ne servant strictement à rien. Parachutée dans le film comme un cheveu dans la soupe, on ne sait rien d’elle, et il n’y aurait pas lieu d’en savoir plus. A part remonter le moral à David, lui donner son argent et lui prêter sa voiture, elle n’aura aucune incidence sur l’intrigue. On ne peut même pas parler de love story, puisque le seul baiser sera le baiser d’adieux à la fin du film. Ma théorie est que sa présence est dûe à une rupture dans le continuum spatio-temporel au dessus du plateau de tournage d’un autre film. Le talent du réalisateur a certainement servi de monnaie d’échange avec ce potentiel autre film, puisque The Philadelphia Experiment ne se contente pas d’un scénario médiocre : il faut encore que la mise en scène soit tout aussi fade. Et nous n’évitons même pas les gags du style Les Visiteurs (en plus légers tout de mêmes) lorsque ces personnages venus du passé peinent à concevoir le futur, avec notamment la vision d’un couple de punks ou celle de Ronald Reagan devenu Président.