Quand faut y aller, faut y aller – Enzo Barboni
Nati con la camicia. 1983Origine : Italie / États-Unis
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Cherchant à fuir la police, Doug et Rosco (Terence Hill et Bud Spencer) prennent respectivement l’identité de Mason et Steinberg pour obtenir des places dans l’avion pour la Floride. Ils ignorent que Mason et Steinberg sont deux agents secrets de la CIA. Ils le devinent bien assez tôt, déjà lorsqu’un homme vient leur remettre une valise d’un million de dollars, et ensuite lorsqu’ils sont ramassés à l’aéroport par un flic chargé de les amener auprès de leur patron, qui les renvoie immédiatement en mission dans un palace sous la fausse identité de millionnaires texans.
Tranquillement, Bud et Terence continuent leurs films de vacances sous l’oeil averti d’un Enzo Barboni qui revient à eux sept ans après Deux super flics. Pas de grand changement dans l’intervalle, les deux lascars restant fidèles à eux-mêmes. Tout juste peut-on signaler que le gros Bud est un peu moins pachydermique qu’à l’accoutumée du fait que cette fois, Barboni ne joue plus tellement sur l’antagonisme entre lui et le papillonnant Terence. Cette opposition de caractère se trouve concentrée en début de film, lors de la rencontre entre Doug et Rosco pendant une bagarre dans un resto-route, puis jusqu’à ce que les deux compères (qui se sont entretemps débarrassés d’un duo de flics) rencontrent leur chef rigolard. A partir de là le film prend l’orientation d’un film de James Bond, avec de nombreuses références explicites. Il y a d’abord l’équivalent de Q et de ses gadgets, qui sont ici d’un autre niveau : le papier hygiénique élastique, le spray qui fait tomber toutes les femmes, et puis bien entendu la voiture qui rend caduque la vieille Aston Martin. Dans une optique quelque peu parodique, Barboni fait de la voiture de Bud et Terence un monument tape à l’oeil, en or, avec des cornes de taureau sur le capot (référence peut-être à La Course à la mort de l’an 2000, surtout que ladite voiture sera prolongée d’une remorque où voyagera tranquillement une vache baptisée Calamity Jane -comme le personnage qui conduisait ce genre de voiture dans le film de Bartel-). Il y a aussi le grand méchant, ici baptisé K1, qui nous est montré à la manière de Blofeld sauf que le chat est ici remplacé par un chien. Mais tous ces éléments parodiques ne signifient pas que Quand faut y aller, faut y aller soit une vraie parodie de James Bond comme peuvent l’être Casino Royale ou Austin Powers. Toutes ces évocations ne sont pas utilisées dans le but premier de se moquer de 007, elles ne sont que des gags au sein d’un film qui reste à 100% dominé par l’inimitable style du duo Bud et Terence. Une vraie parodie aurait dû s’appliquer avec rigueur à détourner tous les codes du matériel parodié. Ce procédé, en plus d’alourdir le film, aurait privé Barboni et ses acteurs de toute leur liberté, et c’est finalement James Bond qui aurait dicté aux deux compères la marche à suivre. En se permettant de n’évoquer l’espion britannique que lorsque l’occasion se présente, Barboni peut laisser ses acteurs libres de leurs gags, toujours très multiples. Il y a l’humour de bagarreur, avec la force brute de Bud, qui ridiculise ici un quartet de chinois dont les gesticulations criantes sont balayées d’un revers de la main par le débonnaire barbu, appréciant peu qu’on vienne lui pourrir un repas pantagruélique. Il y a l’humour plus malicieux de Terence, qui joue beaucoup sur les mots et le foutage de gueule. La scatologie est également de mise, et d’ailleurs le titre du film en français fait référence à une (excellente) scène de toilettes. Et puis il y a les méchants du film, tous ridicules (le but de K1 est quand même de détruire tous les nombres ! Et le gros Bud de regretter qu’il n’y aura plus de scores au foot…).
Cet humour est comme d’habitude traité de façon légère et décontractée, ce qui donne au film cette allure de film de vacances qui est l’une des raisons majeures du succès de Bud et Terence. La bande originale à tendance “Beach Boys” va alors de soi. La mission elle-même est un prétexte à du bon temps, comme le dit Terence, moins porté sur le million de dollars promis au tandem. Séjourner dans un palace de Miami sous l’identité de millionnaires texans avec cartes de crédit à volonté, accessit à tous les clubs et permis de tuer, voilà qui aurait de quoi faire rager James Bond lorsqu’il doit crapahuter jusqu’en Sibérie. La non-connaissance initiale du but final de la mission (puisqu’ils ne sont pas les vrais agents, Doug et Rosco n’ont pas eut leur feuille de route) ne les pousse même pas à se mettre au travail. Ce sont les agents ennemis qui leur mettront le nez dedans, sans pour autant les faire déchanter : c’est ainsi que Terence se retrouve en hors-board à suivre une nana en maillot de bain qui lui a mis une cerise explosive dans son cocktail. De la sympathique rigolade, comme tout ce qui concerne cette mission d’agents secrets. Les multiples identités sont d’ailleurs vues comme des mises en abîmes comiques des films d’espionnage, vus sous le prisme de la comédie italienne. Déjà deux acteurs aux styles facilement identifiables, Bud et Terence deviennent Doug et Rosco, qui eux mêmes deviennent Mason et Steinberg, qui deviennent ensuite des millionnaires texans… A l’occasion, Rosco / Steinberg s’invente même d’autres identités en usant de son don de ventriloque dans ce qui sont probablement les meilleures scènes du film. Quand faut y aller, faut y aller est une bonne cuvée de Spencer / Hill, l’espionnage à la 007 n’étant que le petit truc permettant de le distinguer de ses prédécesseurs et successeurs.