Perversion Story – Lucio Fulci
Perversion story. 1969Origine : Italie / France / Espagne
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Le Docteur George Dumurrier, gérant peu scrupuleux d’une clinique basée dans la région de San Francisco, ne s’entend plus avec sa femme Susan, malade, et il la trompe avec Jane, photographe de nu. Quand Susan meurt, l’horizon se dégage pour George : il peut frayer ouvertement avec sa maîtresse, et, grande surprise, il hérite même d’un million de dollars de la part de sa défunte épouse. Mais les circonstances suspectes de la mort de Susan vont provoquer l’intérêt de la compagnie d’assurances et de la police sur le cas du docteur. Ce sera le moindre des problèmes de celui-ci, le principal étant qu’il est irrésistiblement attiré par une certaine strip-teaseuse du nom de Monica Weston, exacte réplique de sa femme en version blonde et yeux verts…
Perversion Story n’est ni un film policier classique, ni un giallo. Pas de tueur ganté ici, et un seul crime est commis. Mais le maniérisme utilisé par Fulci suffit tout de même à en faire un film autrement plus travaillé qu’un récit d’investigation classique. Le réalisateur plonge dans le San Francisco de la fin des années 60 mais il n’aborde pas pour autant le côté “flower power” qui identifia pour beaucoup de monde ce qui est certainement l’une des villes les plus libertaires d’Amérique. Au contraire, il prend pour cadre l’autre versant de la société de San Francisco, celui qui en fait “la ville du pêché”. Les pêcheurs ne se trouvent pas au milieu des jeunes chevelus planant sur le Jefferson Airplane, mais bien au milieu de la société aisée et dévergondée, bon chic bon genre, traînant dans des bars topless feutrés et dans de luxueuses maisons banlieusardes. Un cadre et un postulat original, que Fulci parvient à rendre via une mise en scène travaillée, fluide et ne rechignant pas à quelques effets de style à la mode (le split screen multiple, par exemple).
Avec une telle application de la part de son réalisateur, Perversion Story part pour être un film doucement pervers (logique), traversé d’un érotisme trouble lié au mystère de la ressemblance physique entre la défunte brune Susan et la blonde bien en chair Monica. A ce titre, on était en droit d’attendre un giallo de haute volée. Et pourtant, si le film fait illusion au début, il devient vite assez frustrant à partir du moment où le côté policier prendra définitivement le dessus sur le côté thriller. Fulci embrouille volontairement son intrigue dans un déluge de mystères qui nous fait d’emblée deviner qu’il faudra remonter à l’origine de bien des coups tordus pour découvrir la véritable identité du tueur. Cela en devient au bout d’un moment assez horripilant, et paradoxalement le côté BCBG du film, qui aurait pu constituer son plus gros atout, tourne complètement à vide, ne faisant que lui donner un faux relief davantage rédhibitoire que fascinant. La musique jazzy de Riz Ortolani elle-même suit le même chemin et finit par devenir exaspérante. Marisa Mell a beau dévoiler généreusement ses charmes, on finit par ne plus s’intéresser à son cas, tout comme on finit par se désintéresser des nombreux mystères autour de George (nécrophilie latente ? victime d’un complot ? comploteur sournois ?). On regrettera même la quasi disparition du personnage tenu par Elsa Martinelli, le seul qui au début du film faisait état d’une réelle ambiguité. Mais à force de devenir trop ambigus à leur tour, ses petits camarades ainsi que le réalisateur perdent l’attention du spectateur, et ne la retrouveront que pour une révélation à la Hercule Poirot, où tout est expliqué de A à Z, mettant au passage à jour les grossières ficelles qu’on commencait à craindre au fur et à mesure des soubresauts de l’enquête menée par le personnage de John Ireland.
De bonnes idées gâchées par une volonté de jouer la carte du giallo complexe et stylisé, sans pour autant disposer d’un scénario à la mesure de l’épreuve. Le résultat tient plus du film policier tordu que du giallo pervers. Voilà ce que je peux dire de ce Fulci pour ma part assez mineur.