Paprika – Tinto Brass
Paprika. 1991Origine : Italie
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Follement amoureuse de Nino, la jeune et naïve Mimma ne trouve rien à redire lorsque son jules lui demande d’entrer dans une maison close deux semaines, le temps de se faire un peu d’argent… C’est donc de bonne grâce qu’elle se plie à sa volonté et se rend dans l’établissement de Madame Claude. Elle travaille désormais sous le nom de Paprika et ne tarde pas à tomber sous le charme d’un beau client…
Comme tous les films de Tinto Brass, Paprika est un film érotique qui ne manquera pas d’étonner les cinéphiles tant il se distingue de la masse.
Cette étrange œuvre emmène le spectateur découvrir avec l’héroïne le monde des maisons closes. L’histoire se déroule donc dans les années 50, peu de temps avant que la Loi Merlin stipulant la fermeture de toutes les « maisons de tolérance » ne soit votée en Italie. On y suit les aventures de le jeune et jolie Paprika, qui ira de bordel en bordel, à travers toute l’Italie. Le film prend alors l’allure d’une odyssée, ou presque d’un roman d’apprentissage à la Candide de Voltaire. D’abord naïve et inexpérimentée, la jeune héroïne finira par faire son chemin grâce à ses charmes. Cela donne au réalisateur l’occasion de nous montrer une succession de saynètes variées, nous décrivant l’ambiance des maisons closes d’alors, la personnalité des maquerelles et les rêves des putains. Le ton se fait volontiers nostalgique via des costumes au charme suranné et une bande originale faite de chansons d’époque (on y entend notamment du Piaf et du Léo Ferré).
Si l’histoire du film est évidemment un prétexte pour nous montrer des demoiselles dévêtues, il est cependant à signaler que le scénario est tout de même traité avec sérieux (une constante dans le cinéma de Tinto Brass) et que jamais les scènes érotiques ne sont gratuites. De même le scénario se fait porteur d’une étonnante morale, libertine et joyeuse. En effet, Brass dresse un portrait clairement positif de ces maisons closes. On y croiserait des femmes généreuses et enjouées, soucieuses d’apporter le plaisir aux hommes. Le cinéaste n’hésite pas à les comparer à des artistes ou a des esthètes expertes dans l’art de l’illusion et de la sensualité.
Il profite également du scénario pour égratigner quelque peu la société italienne en faisant le portrait d’ecclésiastes volontiers lubriques (via le personnage du moine rubicond amateur de bonne chère et de chair fraîche et celui du curé client régulier des maisons closes…) et en contrepoint, il décrit la vieille noblesse comme pincée et aux mœurs trop strictes. Paprika est un film éminemment libertin, il décrit le sexe comme une source de plaisir naturel qu’il convient de pratiquer sans aucune contrainte morale ou politique.
Mais si le film livre un portrait très romancé des maisons closes et des prostituées, il n’éclipse pas les cotés les plus noirs. Maladies vénériennes, avortements, macros violents qui brutalisent les filles, clients tordus et répugnants… tous ces thèmes pourtant peu ragoûtants sont traités frontalement sans que cela n’entache le potentiel érotique du film. La liberté de ton et le naturel avec lequel Brass nous montre ces scènes n’y est pas pour rien. Il fait également preuve de beaucoup d’humour, qualité apte à dédramatiser les situations les plus sombres (pensons à cette scène où une prostituée sur le point de mourir demande un prêtre, l’homme de dieu faisant alors une hilarante apparition en sortant d’une des chambres en caleçon et en chaussettes).
Bref, rien n’entache la sensualité débordante des actrices que la caméra lubrique de Tinto nous montre sous toutes les coutures. Comme à son habitude, le réalisateur italien multiplie les plans de fessiers généreux et fermes, n’hésitant pas à abuser de gros plans pour appuyer son propos. Et la caméra de se faufiler sous les jupes et entre les cuisses de ces dames. Paprika recèle d’une grande variété de scènes érotiques, Brass ne nous montrant jamais deux fois la même chose. Le film ravira donc les amateurs les plus exigeants et le moins qu’on puisse dire est qu’il nous en donne pour notre argent.
Notons également que les actrices s’éloignent considérablement des diktats de beauté qu’impose la société. Pas de poupées Barbie anorexiques et botox-ées ici, mais des femmes aux rondeurs fraîches est aux visages rayonnants.
De même le réalisateur n’hésite pas à sortir des normes propres au genre : sur un ton égal il nous montre une scène de sodomie entres hommes, ou encore des personnages vieillissants, bossus et éloignés des canons de beauté masculins. Ceci fait également partie du cinéma de Tinto Brass, qui prend ici autant une dimension libertine que contestataire.
Pourtant le cinéaste refuse l’étiquette d’auteur et a toujours proclamé faire du cinéma érotique, sans se cacher derrière quelque prétexte fallacieux.
Tinto Brass est sans conteste l’un des maîtres du cinéma érotique, tant il arrive à y insuffler une liberté de ton et une originalité qui lui sont propres. Ses films n’ont rien à voir avec ces simples enchaînements désincarnés de scènes vaguement érotiques qui finissent par lasser, mais sont de véritables trésors de sensualité, qui brillent à la fois par le soin apporté à leur mise en scène, par la beauté et la personnalité des actrices et par la pertinence et la construction du scénario. Paprika réunit tous ces ingrédients et prouve que faire un film érotique n’a rien de réducteur. Bref, sans aucun doute l’un des meilleurs films du genre, qui fera les délices des amateurs et des autres.