Les Quatre de l’apocalypse – Lucio Fulci
I Quattro dell’Apocalisse. 1975Origine : Italie
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Après une nuit passée dans la même cellule, un truand gentleman, une pute enceinte, un ivrogne et un croque-mort noir et plutôt dément parviennent à s’échapper d’une ville du far west où les habitants se sont mis en tête de purger les environs des marginaux et des bandits dans leur genre. Les quatre vont donc parcourir le désert, direction une ville à 300 bornes. Mais sur leur chemin, il leur arrivera plusieurs péripéties, positives ou négatives, dont la plus marquante restera tout de même la rencontre de Chaco, un bandit qui va d’abord sympathiser avec eux avant de leur jouer un tour de cochon qui ne les laissera pas indemnes…
Réalisé alors que le western spaghetti était encore en train d’agoniser, Les Quatre de l’apocalypse n’est pas qu’un western italien de plus, surfant sur les plus gros succès de Leone, de Corbucci ou de la comédie à la Terence Hill / Bud Spencer. Le réalisateur, Lucio Fulci, s’inspirant d’un livre écrit au siècle précédent, n’a en effet pas de personnage sans peur ni reproche à utiliser. Ses quatre personnages ont certes une importance diverse (le truand et la femme prennant le dessus sur les deux autres, d’autant plus qu’ils seront liés petit à petit par une histoire d’amour), mais aucun n’est un as de la gâchette. Du reste, aucun d’entre eux n’est armé. Ce sont des paumés, qui n’auront pas d’autre objectif que de survivre dans un désert qui ne pardonne pas et qui abrite des bandits du style de Chaco (Tomas Milian barbu). Fulci livre ici une sorte de fresque sur le chemin de croix traversé par des personnages tous sympathiques malgré leur marginalité ouverte. Quatre personnages rejetés par la société, mais qui pourtant afficheront de plus en plus leur morale impeccable que les difficultés leur auront fait mûrir. C’est ainsi que le style du film évoluera progressivement. Le début sera ainsi quelque davantage comique, Fulci insistant sur les traits de caractère de chacun… Puis viendra le temps de la violence lorsque Chaco entrera en scène.
Une violence sur laquelle Fulci ne lésine pas, annonçant ici les films d’horreur qui suivront dans sa carrière quelques années plus tard. Des scènes de tortures assez détonnantes dans un western. Non pas que le reste du film soit sage (les pauvres bougres se faisant trouer le cuir au début du film pissent le sang), mais c’est que certaines scènes sont vraiment très corsées (avec notamment un homme se faisant arracher la peau encore vif). Pas étonnant que la censure soit passée par là et ait fait couper une bonne vingtaine de minutes du film. Des coupes qui pour l’anecdote ont été remises visiblement dans le film, mais non doublées, ce qui dans la version que j’ai vu a pour conséquence de faire alterner dans certaines scènes la VO italienne et la VF. A part ça, et malheureusement, le film plongera aussi parfois (surtout vers la fin) dans un côté lacrymal rendu encore plus lourd d’une part par la BO (signée d’un groupe italien louchant plus qu’un peu sur Simon and Garfunkel) et d’autre part, surtout, par les références bibliques. Non pas que les évènements dramatiques auxquels on assiste ne peuvent pas toucher le spectateur, non, mais c’est davantage le traitement imposé par Fulci qui saborde un peu les émotions. Fulci reste cruel, mais entoure sa cruauté d’une bonne couche de conventions à base des derniers mots attendrissants prononcés par les moribonds sur leur lit de mort… Toute proportion gardée, la fresque de Fulci anticipe un peu celle de Kevin Costner, The Postman, elle aussi plombée par un abus (encore pire) du sentimentalisme et pourtant dotée d’une histoire digne d’intérêt. Heureusement ceci dit que Fulci avait déjà réussi à gagner l’intérêt des spectateurs, en donnant également à son intrigue des pistes qui se résoudront au fur et à mesure. Pour paraphraser Georges Marchais au moment du bilan de l’URSS : le bilan de ce Fulci est “globalement positif”.