Le Village des damnés – John Carpenter
John Carpenter’s Village of the Damned. 1995Origine : États-Unis
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Un peu plus de dix ans après The Thing, John Carpenter revient faire un remake d’un classique de la science-fiction, en l’occurrence l’excellent Village des damnés de Wolf Rilla, lui-même basé sur un roman de John Wyndham. L’histoire ne bouge pas, et concerne toujours la vie d’un village où un beau jour tout le monde tomba dans les pommes pour se réveiller quelques heures plus tard, avec de nombreuses femmes devenues mystérieusement enceintes. Les enfants qui naîtront de ces grossesses se révèleront être de puissants télépathes, dépourvus de tous sentiments et unis par un fort sens communautaire qui les conduiront à provoquer la mort de quiconque se dresse sur leur chemin. Leur objectif est à terme de conquérir leur monde.
Le film de Wolf Rilla datant de 1960 pouvait bien entendu s’inscrire dans la lignée des films anticommunistes, tant l’esprit communautaire et le manque de personnalité et de sentiments humains des enfants évoquaient l’esprit lobotomisé des communistes assujettis à leur doctrine et surtout à leur Parti. Mais voilà, en 1995, l’Union Soviétique n’est plus vraiment un problème politique porteur, et même si le film de Carpenter pourrait tout de même conserver ce sous-entendu (après tout, si l’URSS n’existe plus, l’idée communiste n’a jamais cessé d’exister), on privilégiera donc une autre piste, qui coule de source lorsque l’on se penche sur les déclarations assez agressives données par John Carpenter à l’époque, c’est à dire la triste décennie des années 90, peut-être la pire décennie de l’histoire du cinéma, se situant de plus dans un contexte politique laissant à l’Amérique victorieuse de la Guerre Froide une totale hégémonie sur le monde. En lieu et place du communisme, on peut donc logiquement penser qu’avec Le Village des damnés, Carpenter s’est évertué à donner l’image d’une société où tout serait dicté par un conformisme terroriste rendant identique tous les gosses du film et poussant tous ses opposants à la fuite, à la mort, ou à l’abandon. Une sorte de fascisme, en somme, où l’esprit de race n’est également pas à négliger. Car les enfants ne se privent pas pour critiquer cette race humaine affaiblie par ses sentiments… Sans compter que les moutards ont leur propre leader, une petite fille appelée Mara, enfant du docteur Chaffee, par ailleurs l’un des seul à continuer à tenir tête à la petite bande de têtes blanches qui fera très vite la loi au village (on trouvera là l’habituelle référence western de Carpenter, qui en place dans tous ses films). Les origines extraterrestres de ces enfants ne font pas de doute, et ce même si ce n’est jamais clairement mentionné dans le film, peut-être pour signaler davantage que la triste nature qui est la leur est ancrée dans le genre humain sous ses dérives fascisantes. De ce fait, Chaffee et les autres ne se poseront pas vraiment de questions, et prendront les évènements comme ils viennent, avec beaucoup de peur certes, mais avec peu de trace d’hystérie collective (du moins jusqu’au final). Il faut dire également qu’avec les divers moyens de répressions employés par les gosses, et qui par ailleurs donnent lieu à quelques scènes très cruelles voire plutôt gores, la population est efficacement contrôlée. Se rebeller est inutile, et le simple fait d’y penser peut conduire à la mort. Dans tout cela, les autorités fédérales, dont un autre médecin, le docteur Susan Verner (Kirstie Alley, assez fade) ne trouveront pas grand chose à faire. Au contraire, elles feront même plus office de collaboratrices, prêtes à étudier les enfants sous toutes les coutures tout en ignorant superbement leur pouvoir de destruction. Et de plus, le fait que ces ennemis potentiels soient des enfants n’aide pas à rechercher le conflit. Car bien que dépourvus de toute innocence, ils restent tout de même des gamins, et donc les humains normaux pourront éventuellement les prendre en pitié. Ce qui marchera d’ailleurs avec l’un d’entre eux, dont la compagne programmée (voyez jusqu’où va le fascisme !) est morte à la naissance, le laissant totalement seul, rejeté des autres, et lui permettant d’être un minimum réceptif à l’amour maternel. Ce n’est pas l’élément le plus intéressant du film, mais enfin il a le mérite de montrer qu’une porte de sortie est possible… Vague espoir d’un film qui sous ses dehors calmes et posés se révèle plutôt sombre et alarmiste. Du bon Carpenter, même si le film, à l’image des enfants qu’il présente, manque d’âme (et la BO composée par Carpenter, ressemblant parfois assez à celle de New York 1997, n’y changera rien) et de punch.