Le jeune hitlérien – Hans Steinhoff
Hitlerjunge Quex. 1933Origine : Allemagne
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A Wedding, un quartier populaire de Berlin où habitent de nombreux communistes, le vol d’une personne provoque une violente bagarre, énergiquement réprimée par la police. Parmi les blessés se trouve un ouvrier au chômage répondant au nom de Völker. Un de ses amis, Stoppel, militant communiste, le secourt et le ramène chez lui. Pour se remettre de ses émotions, Völker boit quelques verres d’alcool ; sous l’emprise de la boisson, il bat sa femme parce qu’elle refuse de lui donner de l’argent. L’arrivée du jeune Heini Völker met fin à cette pénible situation qui menaçait de dégénérer. Heini travaille durement comme apprenti typographe, économisant sou par sou en faisant des heures supplémentaires. Invité par Stoppel, Heini participe à un camp organisé par les jeunesses communistes, mais il est choqué par la grossièreté et le laisser-aller de ses compagnons. Il est, par contre, très attiré par la discipline et la bonne humeur qui règnent dans un camp voisin réunissant des membres des jeunesses hitlériennes.
De retour à Berlin, Heini entre en contact avec des jeunes garçons de ce groupe et finit par se joindre à eux. Heini les avertit d’un plan communiste dont il a eu connaissance et qui vise au démantèlement du nouveau quartier général des jeunes nazis. Apprenant la trahison d’Heini, les communistes jurent de le punir. Très abattue par sa triste condition, la mère d’Heini décide de se suicider au gaz en entraînant son fils dans la mort. Elle parvient à mettre fin à ses jour tandis qu’Heini est sauvé par des voisins. Durant son séjour à l’hôpital, Heini reçoit la visite de ses camarades des jeunesses hitlériennes qui lui remettent solennellement l’uniforme dont il rêvait. Kass, le chef de la section, parvient à force de discussions, à convaincre le père d’Heini de l’importance du sentiment patriotique : il faut que celui-ci ait conscience d’être allemand. A peine remis, Heini se met à militer au sein de son quartier pour le développement des jeunesses hitlériennes, préparant les affiches qui annoncent le prochain rassemblement des nazis. Volontaire pour coller des affiches au cœur du quartier “rouge”, il est attendu un couteau entre les dents…
Le 13 mars 1933, moins de deux mois après la nomination de Hitler comme chancelier du Reich, Joseph Goebbels devint ministre de la propagande et de la culture populaire. Un mois plus tard, il réunissait les principaux responsables de l’industrie cinématographique allemande et leur exposait ses opinions sur le cinéma en tant que véhicule de la culture et des valeurs prônées par le national-socialisme. Dans les semaines qui suivirent, une loi fut promulguée qui instaurait un contrôle total sur les périodiques spécialisés dans le cinéma. Au mois de juin de la même année, sortit le premier film ouvertement nazi, SA-Mann Brand, sans grand succès. Pour ne pas courir le risque d’un second échec, la firme cinématographique UFA décida de préparer soigneusement les choses, notamment en retenant, pour la production suivante, le réalisateur Hans Steinhoff et en choisissant le roman de Karl Aloys Schenzinger, Hitlerjunge Quex, qui relatait une histoire vraie : l’assassinat, en 1932, du jeune écolier Herbert Norkus par des communistes. Herbert, fils d’un chauffeur de taxi, membre des jeunesses hitlériennes, habitait le quartier “rouge” de Berlin. Un matin, vers cinq heures, alors qu’il collait avec d’autres garçons des affiches annonçant une prochaine réunion du parti, un groupe de communistes l’attaqua soudainement. Les camarades de Herbert réussirent à s’enfuir mais ce dernier, rattrapé, fut poignardé à sept reprises et son corps fut retrouvé le lendemain matin sur le pavé. Il était le troisième Hitlerjunge tué dans Wedding, mais son assassinat était de loin le plus sordide.
Alors qu’en n’importe quelle autre circonstance, ce crime eut excité la colère, il fut pour le mouvement nazi, en 1932, une bénédiction tombée du ciel. Goebbels comprit immédiatement le parti que l’on allait pouvoir tirer d’un tel évènement : faire passer tous les communistes pour des assassins, utiliser l’atrocité du crime pour éloigner du parti communiste de nombreux travailleurs allemands. On organisa des funérailles somptueuses et Goebbels prononça une émouvante oraison à la mémoire de ce jeune martyr de douze ans, tombé dans le quartier le plus pauvre de Berlin pour la cause du “sang et du sol”. Treize années plus tard, des milliers de jeunes écoliers allemands, se souvenant de Herbert Norkus, tomberont héroïquement pour défendre le Reich à l’agonie.
Schenzinger, un ancien social-démocrate qui venait d’écrire un livre sur ce drame, l’adapta pour le cinéma avec la collaboration de B.E Lüthge, et le metteur en scène Hans Steinhoff engagea une équipe d’acteurs exceptionnels parmi lesquels le gros Heinrich George, Bertha Drews, Claus Clausen et Hermann Speelmans. Le rôle de Heini Völker (Herbert Norkus) fut tenu par Jürgen Ohlsen, un tout jeune garçon qui n’avait aucune expérience d’acteur mais qui incarnait le type aryen d’une manière absolument idéale, d’une beauté et d’une classe désarmantes. Son visage devint rapidement très connu du grand public mais son nom, comme celui de tous ses autres camarades, n’apparut pas sur les affiches lors de la sortie du film (on avait fait une exception pour Hans Richter, âgé de 14 ans, qui avait déjà tenu un rôle important dans le célèbre Emile et les détectives en 1931, et qui incarnait dans Hitlerjunge Quex un jeune communiste sans scrupules, rôle assez injuste pour le brave petit hitlérien qu’il était dans la réalité.
L’impact idéologique du film est particulièrement efficace lors d’une scène dans laquelle le père de Heini discute avec Kass, le chef de section des jeunesses hitlériennes. Völker père dépeint comme ouvrier communiste ignorant, ivrogne et bavard, bien que foncièrement brave, et qui est ému chaque fois qu’il parle de l’internationale communiste.
“Où es-tu né ?” lui demande Kass. “A Berlin“, répond Völker. “Oui, à Berlin, réplique Kass, sur la Spree, en Allemagne, notre Allemagne. Maintenant, penses-y.”
Ce discours agit sur Heini avec une telle force qu’il décide de se donner corps et âme à la cause nationale. C’est le sentiment national qui l’amènera à mourir sous les coups des militants communistes. Il fait preuve d’un militantisme si ardent et volontaire que ses camarades des jeunesses hitlériennes décident de le surnommer “Quex” (diminutif affectueux de Quecksilber qui signifie vif-argent).
La première du Jeune hitlérien eut lieu à Berlin le 19 septembre 1933, après que Hitler ait vu le film à Munich. Grâce à sa parfaite réalisation et à une équipe de remarquables acteurs, ce fut le premier succès du cinéma nazi. Dans la revue Filmwoche du 27 novembre, un critique laissa néanmoins entendre que la mise en chantier d’un “trop grand nombre de films sur les chemises brunes” ne serait pas souhaitable. Sa carrière fut suspendue peu de temps après…