L’Arme fatale 2 – Richard Donner
Lethal Weapon 2. 1989.Origine : États-Unis
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Désormais copains comme cochons, Riggs et Murtaugh continuent leur croisade contre la drogue. Alors qu’il n’était question que d’une simple arrestation d’un trafiquant de drogues, s’engage une course-poursuite destructrice dans les rues de Los Angeles, impliquant des hommes lourdement armés. Pas au bout de leurs surprises, le duo apprend rapidement que c’est nul autre que le secrétaire aux affaires diplomatiques d’Afrique du Sud, Arjen Rudd, qui tire les ficelles sous couvert de l’immunité que lui confère son statut. Tenaces, les deux flics vont le persécuter, ne se doutant pas à quelles extrémités il est capable d’aller pour maintenir son trafic à flot.
A Hollywood, on ne délaisse pas une équipe qui gagne. Ainsi, et sans grande surprise, le trio gagnant de L’Arme fatale Gibson-Glover-Donner est reconduit pour une suite qui se veut évidemment plus spectaculaire qu’un modèle rétrospectivement assez sage. Ici, foin d’introduction, Richard Donner nous plonge directement au cœur de l’action –une poursuite automobile– lors de laquelle nous retrouvons les deux protagonistes tels qu’en eux-mêmes : Riggs en chien fou dopé à l’adrénaline, et Murtaugh en rabat-joie, plus préoccupé par l’état de la voiture de sa femme que par l’issue de la poursuite.
Dès le départ, le ton est donné : L’Arme fatale 2 se montrera plus rigolard que son prédécesseur, mettant l’accent sur la complicité accrue entre les deux hommes, celle-ci déteignant allégrement sur l’ensemble de la brigade. Les deux ans qui séparent les deux films ont été pris en compte par l’intrigue. Deux années durant lesquelles les personnages de fiction ont eu le loisir de se rapprocher davantage, au point que Riggs vit quasiment aux crochets des Murtaugh. Il participe à la majorité des repas pris en famille, amène son linge à laver à l’adorable quoique pas toujours très efficace Trish, et se permet même d’intervenir en faveur des enfants. Oubliées ses pulsions suicidaires de jadis ! Grâce aux Murtaugh qui l’ont accueilli à bras ouverts, il a pu effectuer un gros travail sur lui-même. Désormais, il peut évoquer le décès de son épouse sans sombrer dans une profonde détresse, preuve qu’il a peu à peu réussi à en faire le deuil. L’amitié et la confiance de Roger Mutaugh ont permis à Riggs de reprendre goût à la vie. Sur le plan personnel, il s’est trouvé une famille ; et sur le plan professionnel, il n’est plus ce gars aux pulsions suicidaires craint par tous, juste un type un peu fêlé sur lequel on peut néanmoins compter en toutes circonstances. L’antagonisme initial s’est donc mué en profonde amitié, au sein de laquelle Murtaugh tient du faire-valoir. Dans la majorité des cas, le film cherche à faire rire à ses dépends. Cela va du gag récurrent de la voiture de sa femme, de plus en plus délabrée à mesure qu’avance l’intrigue, aux blagues qui suivent la diffusion d’un spot publicitaire promouvant des préservatifs dans laquelle joue sa fille aînée, en passant par la cuvette piégée de ses W.C sur laquelle il trône tétanisé, partagé entre la peur de mourir et la honte de s’afficher ainsi devant toute la brigade. Il se met alors en place une dynamique comique entre les deux hommes, semblable à celle qui régit les rapports entre l’Auguste et le clown blanc. Si l’antagonisme n’est plus, on retrouve cependant les railleries propres au buddy-movie, celles-ci nourrissant un scénario prétexte prompt à ramener Martin Riggs sur le chemin de l’autodestruction.
A partir du moment où ce dernier évoque les circonstances de la mort de sa femme, il apparaît évident que celles-ci seront amenées à être au cœur du récit. Seulement la manière dont c’est conçu relève de la facilité la plus crasse. Par un tour de passe-passe scénaristique des plus capillotractés, l’accident originel de l’épouse de Martin Riggs devient un meurtre commandité par des pontes de la drogue qu’il était proche de faire tomber, et dont l’auteur n’est autre que le bras droit de l’infâme Arjen Rudd. C’est bien sûr Martin Riggs qui était visé, sa femme ne trouvant la mort que du fait de l’incompétence de l’exécutant. Il n’en faut pas plus pour donner une tournure toute personnelle à la croisade de Martin Riggs qui clôt le film, où se mêlent culpabilité et désir de vengeance. Le ton n’est alors plus du tout à la gaudriole. Martin Riggs redevient cette machine à tuer entraperçue lors du film précédent, faisant preuve d’une brutalité inouïe qui valut à ce deuxième volet quelques coupes sombres dans certains pays, en Angleterre notamment. Ainsi, exit cet homme de main à la tête fracassée à coups de portière, ou cet autre sur lequel Riggs vide un chargeur à bout portant en énumérant les noms des membres de sa brigade qui ont été assassinés. En l’espace de quelques séquences, l’inoffensif buddy-movie d’action se meut en polar violent où la mort devient le seul horizon possible. La fin semble même vouloir faire preuve d’audace en laissant l’un des membres du duo sur le carreau. Mais l’humour reprend bien vite ses droits, Richard Donner n’assumant pas jusqu’au bout la tournure plus sombre que le récit a pris.
En vérité, L’Arme fatale 2 est l’exemple typique des divergences de vue qui peuvent survenir entre un scénariste soucieux de conférer une logique interne à la destinée de ses personnages, et des producteurs plus enclins à anticiper le succès du film. En l’occurrence Shane Black, le scénariste, amenait le personnage de Martin Riggs à mourir à la fin d’un film qu’il envisageait d’une grande noirceur. Inconcevable aux yeux des producteurs qui se seraient alors vus dans l’incapacité de prolonger la saga. En outre, cette noirceur ne convenait pas non plus à Richard Donner, qui souhaitait orienter cette suite vers la comédie. Refusant de se compromettre davantage dans cette suite que de toute manière il n’appelait pas de ses voeux, Shane Black quitta le projet, laissant un autre scénariste moins scrupuleux reprendre son travail. De fait, le film est devenu un patchwork dans lequel se retrouvent pêle-mêle toutes les envies des parties prenantes. Ainsi, l’humour tant désiré par Richard Donner s’incarne dans l’horripilant personnage de Léo Getz, lequel associé à Riggs et Murtaugh donne au film de faux airs des trois Stooges. Niveau action, L’Arme fatale 2 se place un cran au-dessus de son prédécesseur, multipliant poursuites, explosions, cascades et fusillades avec la volonté d’en mettre plein la vue. Et ça marche, le film s’avérant beaucoup plus plaisant à suivre, du fait notamment d’un méchant plus consistant et odieux à souhait. Par son intermédiaire, l’intrigue se dote d’un certain sadisme qui crée un profond décalage avec la décontraction affichée du duo Riggs-Murtaugh durant la majeure partie du film, avant que tout ne soit au diapason lors d’un final qu’on imagine proche du scénario original de Shane Black.
Énorme succès à sa sortie –seul Batman, lui aussi pour la Warner bros, a fait mieux cette année là–, L’Arme fatale 2 confirme la pérennité de la formule amorcée dans le premier film. Devenu très populaire et rentable, le duo Riggs-Murtaugh ne pouvait décemment en rester là. Cependant, la formule sera appelée à être adoucie, les desiderata de Richard Donner prenant plus de poids au fil des suites. Constamment le cul entre deux chaises, ce deuxième volet atteint en quelque sorte les limites de ce qui était acceptable en terme de violence pour une telle entreprise.