La Sanction – Clint Eastwood
The Eiger Sanction. 1975Origine : États-Unis
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Ancien tueur pour les services secrets américains, Jonathan Hemlock (Clint Eastwood) est désormais à la retraite. Lui-même grand amateur d’art, il donne des cours d’arts plastiques à des étudiants qui s’en foutent. Un beau jour, son ancien chef, l’albinos Dragon (Thayer David) le fait venir à lui pour lui proposer une mission : “sanctionner” l’un des deux meurtriers d’un agent, c’est à dire le tuer. Moyennant un salaire supérieur et un certificat attestant que les tableaux sont en règle (et n’ayant de toute façon pas le choix sous peine d’être dénoncé au fisc), l’ex agent accepte de reprendre du service et accomplit très vite sa mission. A son retour, une fine manigance l’oblige à retourner voir Dragon, qui le persuade d’aller sanctionner le deuxième tueur en informant Hemlock que l’agent assassiné est un de ses proches amis. Mais cette fois, l’homme à sanctionner n’est pas identifié. Tout juste sait-on qu’il sera parmi les trois alpinistes de la cordée internationale qui va bientôt se lancer dans l’ascension de l’Eiger, une montagne suisse. Alpiniste chevronné, Hemlock devra être le quatrième larron de la cordée pour identifier sa victime et la sanctionner. Mais avant cela, une petite remise en forme du côté de Ben Bowman (George Kennedy), organisateur de la cordée et ami de Hemlock, ne fera pas de mal.
C’est de son propre chef que Clint Eastwood s’embarqua dans ce qui est son premier film véritablement grand public, que ce soit en tant que réalisateur qu’en tant qu’acteur. Tous ses autres films, du moins à partir de son retour d’Italie, avaient au moins le mérite de traiter de thèmes bien particuliers, et /ou de revêtir des formes totalement associées à Clint Eastwood. La Sanction n’a pour sa part vraiment rien d’un film personnel, ni par la forme, ni par le fond, et aurait-il été réalisé par quelqu’un d’autre avec un autre acteur en tête d’affiche que pas grand chose n’en eut été modifié. Ce qui aurait d’ailleurs dû être le cas, puisqu’avant que Clint ne s’en empare, Paul Newman devait tenir le rôle principal. Adaptation du premier roman de Rodney William Whitaker, alias Trevanian (qui la qualifia d’ “insipide”), La Sanction dispose de tous les ingrédients que l’on s’attend à trouver par exemple dans un film de James Bond, à commencer par l’exotisme. Peu de lieux sont visités, mais tous sont dépaysants ou au moins très typés. Il y a tout d’abord la ville de Zurich et un quartier pas très glamour, dans lequel Clint situe l’introduction et la première mission sous le sceau du thriller, sans grand relief. Il y a ensuite et surtout les scènes d’entrainement, dans la Monument Valley d’Arizona ou au Zion National Park d’Utah, qu’on ne présente plus. Enfin, il y a le sommet de l’Eiger et son imposante face nord, pratiquement verticale. Sur ce point, le réalisateur s’en sort bien et parvient à magnifier ses charmants décors naturels, encore que ce ne soit pas sans avoir recours à de faciles effets “carte postale” caractérisés par des plans larges et des vues aériennes lorsque la lumière s’y prête le mieux (on assiste même à quelques couchers de soleil).
Autre élément james-bondien : les femmes. Encore moins vêtues que dans un James Bond, les deux actrices principales ont pour point commun d’avoir tourné dans des films de blaxploitation, généralement bien pourvus en femmes de caractère. Il s’agit de Brenda Venus (Foxy Brown) ici dans le rôle d’une femme fatale muette, et de Vonetta McGee (Blacula, Shaft et les trafiquants d’hommes) dans celui de l’entreprenante alliée de Jonathan Hemlock. Deux blondes et quelques vacancières viennent compléter le rayon “sexy”, plus démonstratif mais tout de même moins complaisant que dans certains films de l’agent 007. L’humour est également caractéristique de la saga inventée sur papier par Ian Fleming, surtout au milieu des années 70, apogée du règne de Roger Moore. Véhiculé par le truculent personnage de Ben Bowman et ses échanges fort grossiers avec son ami Hemlock, par les deux “Hemlock girls” et surtout par un homosexuel hyper-maniéré (accompagné de son roquet nommé “PD” (!) et de son garde du corps bodybuildé à outrance) qu’Eastwood relie artificiellement à l’intrigue principale, on ne peut pas dire que l’humour soit le point fort du film. Il est même, ça on peut le dire, exécrable, tant dans sa gestion que dans les gags eux-mêmes. A l’origine, le roman de Trevanian se voulait parodique… Une dimension que l’on ne ressent nullement dans le film, tant les scènes sérieuses et les scènes comiques sont dissociées. Le dernier élément proche d’un James Bond se fait à la fois plus discret et plus tape à l’œil. Il s’agit des visites de Hemlock à son chef albinos enfermé dans son cabinet noir avec des lumières rouges pour seul éclairage. Un ponte encore plus saugrenu que le fameux Blofeld, et qui a ici la particularité d’être à la fois dans le bon camp et dans le mauvais (puisqu’il est particulièrement manipulateur). C’est ce qui arrive quand il n’y a pas vraiment de gros méchant attitré…
La Sanction est vraiment un film léger, à tous les sens du terme, et Eastwood parsème son scénario de tous les éléments commerciaux cités plus haut, globalement mal fignolés, et se réserve en fait pour l’ascension de l’Eiger, seule partie du film véritablement intéressante. Tellement, en fait, que l’on finit par oublier que Hemlock est là pour sanctionner l’un de ses partenaires de cordée pour se focaliser sur la seule escalade, qui en elle-même aurait fait un bien meilleur film. Non seulement ces scènes sont spectaculaires (et Clint a effectué ses propres cascades… à noter qu’un cascadeur est mort sur le tournage), mais l’escalade est en soi suffisamment pleine d’action, de tension, de drames et de suspense pour supporter à elle seule tout unl film sans s’embarrasser d’un relent de thriller. Qu’ils soient les tueurs recherchés ou non, la personnalité de chacun des quatre alpinistes fait qu’il est aisément plus facile de s’immerger dans l’ascension que dans tout le reste du film. Les thèmes de l’amitié et de la confiance en soi (personnelle ou altruiste), bâclés jusqu’alors, prennent alors tout leur sans dans une adversité bien plus tangible que dans le thriller opportuniste. La beauté des décors, et plus particulièrement lorsque la montagne devient enneigée et glacée, ne fait alors plus tellement “carte postale” et sert véritablement le film, soulignant l’extrême difficulté de l’ascension.
Bref, si on oublie tout jusqu’au début de l’ascension de l’Eiger, La Sanction est une grande réussite de Clint, et une des premières (puisqu’il ne s’agit que de son quatrième film comme réalisateur). Hélas, il faut aussi tenir compte de la première partie, la plus longue, et qui est franchement quelconque. Avec pas mal de défauts, quelques qualités, mais strictement rien pour la rendre mémorable, surtout à côtés des films qu’a réalisé Clint par la suite.