La Bataille des étoiles – Alfonso Brescia
Battaglie negli spazi stellari. 1977Origine : Italie
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Alors qu’il vaquait nonchalamment à ses activités d’exploration, le vaisseau Magellan est attiré par le champ de gravité d’un astéroïde inconnu. Malgré la désapprobation de la base Altaïr, le capitaine Vassilov décide d’explorer l’objet spatial avec un de ses hommes. Triste destinée que la leur, puisqu’ils finiront tués par les momies de l’espace. C’est le prélude à l’invasion de la Terre par les goniens, un peuple autrefois technologiquement avancé (ils continuent du reste à être gouvernés par un gros ordinateur) et qui devant son état de décrépitude avancé a décidé que les humains faisaient de bien belles enveloppes corporelles pour aller conquérir la galaxie à moyen terme. Les goniens sont en effet capables de prendre l’apparence de leurs victimes, ce qui va bien aider les quelques éclaireurs déjà sur Terre, dont l’objectif est avant tout de détruire la base Altaïr. Mais face à eux se dressent Mike et Dana (John Richardson et Yanti Somer) accompagnés d’un humanoïde extra-terrestre et de son fils génial, venus de Ganymède par pure générosité.
Tel est à peu près la trame de ce qui n’est que l’un des cinq space operas tournés par Alfonso Brescia en cette fin d’années 70. Époque qui sous l’impulsion de Star Wars vit une petite résurgence de la science fiction italienne, une dizaine d’années après les tentatives plus ou moins réussies de Bava et consorts. Et comme bien entendu il n’est pas question de pouvoir faire de l’ombre à la saga de George Lucas au niveau qualitatif (et oui, le space opera sans budget, c’est plus risqué que le western sans budget), autant essayer au niveau quantitatif. Il ne faudrait pas que la mode s’essouffle sans en avoir profité. D’où les cinq films de Brescia, pratiquement tous avec la même équipe et avec des scénarios essentiellement justifiés par le besoin de disposer d’un long-métrage. Inutile d’aller dans les détails pour démontrer que l’intrigue de La Bataille des étoiles ne rime pas à grand chose. Il ne s’agit que d’une fuite en avant truffée de péripéties dispensables et qui du reste ne s’embarrassent pas de crédibilité (ainsi, lorsqu’il faut conduire un vaisseau alien, le courageux Mike s’y aventure sans encombre, arguant en gros que le langage mathématique est de toute façon universel. Soit). Par conséquent, on ne pleurera pas beaucoup la vingtaine de minutes dont a été amputée la copie française, qui aurait certainement rendu certains points plus clairs ou aurait rendu les transitions moins abruptes mais qui n’aurait pas sensiblement changé la donne. La Bataille des étoiles fait dans le space opera, se veut très mobile, très chargé, quitte à ce que l’on en vienne à se soucier plus de la scène suivante que d’une cohérence globale si chère à George Lucas. Nous sommes là en plein petit budget, et ma foi, malgré la pénurie, Brescia n’a pas eu peur d’en faire beaucoup. Des envahisseurs momifiés, dirigés par un ordinateur, prétendant prendre possession de la Terre et des humains avant d’aller conquérir la galaxie si toutefois le ganymédien et son fils génial armé d’une boule de pétanque destructrice ne les en empêchent. Voilà qui est parlant. Au passage, nous verrons donc quelques plans gores (les momies de l’espace qui sans leur masque ressemblent à de la viande avariée), nous aurons droit à du suspense façon Body Snatchers (qui est humain et qui ne l’est pas ?), à des combats spatiaux rudimentaires à coups de canons lasers, à des envolées lyrico-métaphysiques à base d’homme dérivant dans l’espace (une mini odyssée de l’espace), à des séquences d’émotions familiales et asimoviennes et à des personnages qui à force de vouloir prouver leur professionnalisme récitent leurs insipides dialogues comme des machines… Et tout ça sans aucune honte vis à vis du criant manque de budget. Une toile de fond verdâtre avec quelques ampoules doit représenter l’espace, les coups de lasers sont dignes du jeu Space Invaders, un orgue électronique doit faire oublier la musique de Strauss chez Kubrick et les voix de robots ont précisément utilisé les réverbérations métalliques que le même Kubrick avait rejeté pour HAL afin de ne pas ressembler au tout venant de la science-fiction de son époque. Au contraire, La Bataille des étoiles veut à tout prix s’inscrire dans la mode de son époque, et c’est ce qui pousse Brescia à une telle décomplexion.
Le plus marquant est incontestablement ce look général, qui transcende le futurisme enraciné dans les 60s que véhiculait un film comme La Planète des vampires et qui vient s’écraser non loin de l’image d’Épinal que trimballent les avant-gardistes éléctro des années 80. Passons sur les combinaisons moulantes rouges et les bonnets de bain auxquels nous avait déjà habitués la science-fiction italienne. Ou plutôt contentons nous de mentionner le costume d’artichaut revêtu par le gamin de Ganymède, qui à son niveau est effectivement fort dépaysant. Penchons nous plutôt sur les décors, dont on ne saurait pas vraiment dire si ils sont épurés jusqu’à l’excès ou au contraire plein d’exubérance agressive. Il s’agit essentiellement de plateaux avares d’ornements mais qui sont caractérisés par des formes géométriques improbables illuminées par des éclairages pour le moins virulents, dans les tons oranges ou verts (parfois les deux) quand ils ne sont pas inexistants, laissant tout le monde dans une obscurité zébrée des innombrables flash émis par les babioles électriques des ordinateurs. Sans parler du chef virtuel des goniens lui-même, qui pour le coup représente bien l’extrême naïveté de l’avenir informatique vu dans les années 70 par des cinéastes avant tout avides de faire dans le futurisme. Tout en diodes carrées et rectangulaires, l’engin annonce plus les jouets des années 80 que le futur chef de la galaxie. Toutes ces pittoresques visions ne sont pas à proprement parler condamnables (leur improbabilité aurait même tendance à fasciner), mais elles viennent confirmer que Brescia n’a pas d’autre ambition que celle d’enfumer son public. C’est le même problème que pour le scénario : vouloir trop en faire. L’exagération a parfois eu du bon dans le cinéma italien, un cinéaste comme Umberto Lenzi a été capable d’en faire sa marque de fabrique, parfois avec talent et parfois en s’autoparodiant paresseusement. La réussite d’une semblable démarche repose essentiellement sur la capacité du réalisateur à la mettre en forme et à lui associer un certain sens de la provocation, souvent perçue comme une ironie (voire une autodérision) sous-jacente. Lorsque ce n’est pas le cas, que l’excès n’est utilisé que comme un argument de vente, rien ne se dégage du film si ce n’est son opportunisme commercial grossier le faisant parfois sombrer dans le ridicule. C’est le cas pour une tripotée de films gores, et c’est le cas aussi pour cette Bataille des étoiles dans le genre science-fictionnel. Pour résumer, disons que le film de Brescia est au space opera ce qu’un Zombi Holocaust est au film d’horreur.