L’Homme au pistolet d’or – Guy Hamilton
The Man with the golden gun. 1974.Origine : Royaume-Uni
|
Deuxième James Bond pour Roger Moore, L’Homme au pistolet d’or marque également l’ultime collaboration du mythique duo de producteurs, Albert Broccoli et Harry Saltzman, le second ayant des envies de cavalier seul. Pour fêter ça, ils auraient pu faire de cet épisode un film explosif, allant plus loin que tout autre film de la saga. A contrario, ils ont préféré œuvrer dans la sobriété, axant leur film sur le duel qui oppose James Bond à Scaramanga, plutôt que sur un quelconque méchant mégalomane désirant mettre le monde à sa botte. Une intention louable, surtout si celle-ci s’accompagne du minimum de sérieux requis.
Mauvaise nouvelle pour James Bond ! M l’invite à prendre quelques congés car sa vie est menacée. Francisco Scaramanga, un tueur professionnel de renom, a envoyé au MI:6 une balle siglée du matricule du plus célèbre des agents secrets. Il doit renoncer à sa mission en cours -mettre la main sur l’inventeur de la photopile- et songer à surveiller ses arrières. Que l’on se rassure, le hasard étant l’un de ses plus fidèles alliés, James Bond parviendra à remplir la mission qu’on lui a retiré, tout en déjouant les plans meurtriers de Scaramanga. Il est fort, le bougre !
Les débuts de Roger Moore dans le smoking de l’agent 007 marquèrent un très net tournant pour la saga. Se calquant sur la personnalité de son interprète principal, la série devint plus légère, s’autorisant des séquences purement comiques, malheureusement pas toujours très bien intégrées au récit. Ce qui est le cas ici. Pour une raison qui me dépasse, James Bond croise à nouveau la route du shérif Pepper, personnage apparu lors de la poursuite de hors-bords dans les bayous de Louisiane de Vivre et laisser mourir. Sa présence, plutôt incongrue, n’a d’autre but que de nous titiller les zygomatiques. Et peut-être d’assurer un semblant de continuité dans une saga qui d’ordinaire s’en détache. Toujours aussi horripilant, la présence de ce personnage à un moment charnière – James Bond course Scaramanga – détourne l’attention par ses simagrées sans jamais parvenir à amuser. Et comme si cela ne suffisait pas, nous avons droit à un son farfelu qui souligne LA cascade du film. Autrement dit, James Bond est devenu un clown en représentation permanente, et jamais avare d’une nouvelle acrobatie.
Heureusement, le film n’est pas toujours du même tonneau. Je dirais même qu’il s’avère honorable durant sa première heure. Homme d’action, James Bond ne peut se résoudre à attendre que Scaramanga vienne à lui. Il mène donc sa propre enquête pour dénicher ce talentueux tueur. Dos au mur, craignant pour sa vie, il n’hésite pas à rudoyer une belle jeune femme, accessoirement maîtresse de Scaramanga, coupable de lui servir d’intermédiaire. A cette occasion, James Bond nous gratifie de quelques bons mots qui font mouche (les seuls de tout le film). On se dit alors que l’affrontement entre Scaramanga et lui tiendra toutes ses promesses. Le tueur à gages d’élite se présente en double maléfique de l’agent secret. Il adore son métier, tuer lui procure un plaisir incommensurable et il excelle dans ce domaine. Il admire Bond car il retrouve en lui les mêmes aptitudes pour éliminer son prochain. Leur seule différence réside dans leurs émoluments, lui vivant grassement de son art alors que son adversaire doit se contenter de clopinettes allouées par l’État. Christopher Lee compose un méchant suave à souhait, élégant et implacable. Homme de défi, il met un point d’honneur à ce que Bond puisse défendre pleinement ses chances, ce qui n’en donnera que plus de relief à sa victoire. Du relief, c’est justement ce qui manque au duel final. L’ambiance de fête foraine qui en émane nous ramène à ce sentiment d’assister à un cirque ambulant, plutôt qu’à un combat à mort entre deux professionnels.
Ce qui frappe à la vision de L’Homme au pistolet d’or, c’est à quel point le personnage de 007 se retrouve malmené. On l’a rarement vu aussi peu à son affaire que lors de cet épisode. De tout le film, il n’échafaude qu’un plan, lequel échoue lamentablement, au grand dam de M. Un nain aurait même pu se vanter d’avoir tué le fameux James Bond, si les scénaristes n’avaient pas sauvé in-extremis la poule aux œufs d’or. Autre signe qui ne trompe pas quant à sa petite forme, le nombre de ses conquêtes féminines. De tout le film, il ne couche qu’avec deux femmes. La première, maîtresse de Scaramanga, peut se targuer d’avoir parfaitement su manipuler l’agent 007. La seconde n’a, quant à elle, rien de très glorieux. Miss Goodnight représente la potiche dans toute sa splendeur. Elle demeure passive la majeure partie du temps, et rate le peu qu’elle entreprend. Elle voue un culte sans borne à James Bond, attendant patiemment qu’il daigne enfin s’intéresser à elle. Que le malotru couche avec une autre quasiment sous ses yeux ne la dérange pas plus que ça. Voici bien le genre de personnage prompt à faire hurler à la mort les chiennes de garde de tous pays.
Jouant la décontraction en permanence, le James Bond incarné par Roger Moore n’a que faire de l’image qu’il renvoie. L’essentiel est qu’il gagne à la fin, et cet essentiel est toujours atteint. En deux films, James Bond a copieusement perdu de sa superbe. Il traverse désormais ses films avec comme un air absent, sans forcer son talent. Il a tout du nanti qui se repose sur ses lauriers. Voilà bien le pire mal dont pouvait souffrir la série. L’épisode suivant, L’Espion qui m’aimait, redonnera un semblant d’espoir. Las, il s’agira de l’ultime râle d’un héros éreinté par le succès.