Krull – Peter Yates
Krull. 1983Origine : Royaume-Uni/États-Unis
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Sur la planète Krull, les Rois de deux royaumes ennemis scellent la paix en unissant leur progéniture, Colwyn (Ken Marshall) et Lyssa (Lysette Anthony). Alors que le mariage vient d’être prononcé, les sbires de la Bête déferlent sur le château, déciment tous les convives et kidnappent la princesse. Blessé durant la bataille, Colwyn se réveille grâce aux bons soins du vieux sage Ynyr, lequel est convaincu que le jeune homme saura bouter les envahisseurs hors de leur planète. Après avoir récupéré une arme magique, Colwyn part en quête de sa dulcinée. En chemin, il croise une bande de brigands, laquelle ne sera pas de trop pour mener sa mission à terme.
La présence de Peter Yates à la tête d’un projet tel que Krull a de quoi décontenancer le cinéphile le moins averti. Réalisateur plutôt terre-à-terre, adepte du polar et de la comédie, il démarre les années 80 avec L’Oeil du témoin où s’entremêlent romance et enquête policière autour des prometteurs Sigourney Weaver et William Hurt. Or, en ce début de décennie, la tendance est à l’heroic-fantasy. Face à la concurrence (Le Dragon du lac de feu chez Disney, Conan le barbare chez Universal), la Columbia décide à son tour de tenter l’aventure et pour cela jette son dévolu sur le réalisateur de Bullitt en dépit de sa méconnaissance du genre. Il est probable que la réussite d’Excalibur de son compatriote John Boorman ne soit pas étrangère à ce choix dans un mimétisme un peu absurde. En tous les cas, Peter Yates ne se fait pas prier et se lance dans l’entreprise avec la volonté de retrouver l’énergie des classiques avec Errol Flynn. Acteur qui sert par ailleurs de modèle avoué au personnage du prince Colwyn. Toutefois, à l’aune de l’échec du Dragon du lac de feu et des résultats mi-figue mi-raisin de Conan le barbare, les pontes de la Columbia doutent de leur choix initial et décident de changer leur fusil d’épaule en cours de production. L’heroic-fantasy pure est abandonnée afin de conférer un aspect plus space opera à l’ensemble. En pleine “starwarsmania” – la sortie du Retour du Jedi est prévue deux mois avant aux États-Unis – cette décision relève d’un flagrant opportunisme, lequel n’est pas sans conséquence sur le produit fini.
Côté héros, rien ne change. Colwyn s’impose en preux chevalier dont la fougue doit être canalisée par le sage Ynyr, lequel lui dispense ses bons conseils. Dans sa quête, il croise la route de bandits de grands chemins nantis de bonnes intentions, d’un magicien maladroit et couard et – petit écot à la mythologie grecque – d’un cyclope. Au cours de leur périple, peu d’entre eux auront l’occasion de se distinguer. Des bandits, seul le chef se détache, les autres étant voués à noircir la liste des victimes sacrifiées sur l’autel du Royaume à reconquérir, parmi lesquelles on peut reconnaître Liam Neeson et Robby Coltrane. A Ergo, la magicien trouillard, échoit le rôle du comique de service, sans grande réussite dois-je le préciser, à l’image de ses tentatives de transformations qui préfigurent celles plus abouties formellement de Fin Raziel dans Willow. Il tente alors maladroitement de former un duo avec le Cyclope mais celui-ci reste au stade d’ébauche. Cette figure mythologique bénéficie a contrario des faveurs du scénario, lequel lui ménage plusieurs moments de bravoure. Il a le chic pour toujours arriver à point nommé afin de sauver la mise à Colwyn et ses compagnons d’arme. Un sens de l’à-propos qui s’effectue au prix de facilités scénaristiques, comme ce refus de les suivre au moment de galoper sur les chevaux de feu pour mieux réapparaître et les sortir de la mouise quelques minutes plus tard. Au fond, et c’est sur ce seul point que le film s’avère surprenant, le Cyclope se révèle être le véritable héros du film, davantage que le bellâtre Colwyn au parcours tellement balisé qu’il en devient ennuyant.
C’est que le pauvre Prince ne peut guère compter sur une adversité à la hauteur, quand bien même celle-ci bénéficie au premier chef des réajustements qui ont été entrepris. Le côté space opera du film passe entièrement par la Bête et ses troupes dont la navette est filmée à la manière du croiseur impériale qui ouvre La Guerre des étoiles. Tout de noir vêtu, les sbires du vilain de service usent d’armes à rayon laser, ce qui – sur le papier – leur donne un avantage certain face à des hommes qui ne se servent que d’épées et de lances. Or, par souci d’équité, lesdites armes donnent l’impression de fonctionner comme les mousquets d’antan, c’est à dire avec un temps de rechargement nécessaire entre deux coups de feu. Cela donne des assauts plutôt désordonnés et improbables où les lasers fonctionnent comme bon leur chante alors que cette technologie aurait dû leur fournir un avantage conséquent. Cela concourt à laisser penser que plutôt que de réajuster le scénario aux impératifs induits par le choix du space opera celui-ci est resté tel quel, les sbires mutiques de la Bête se substituant simplement aux chevaliers noirs envisagés sans autre forme de procès. De manière générale, le film souffre de gros soucis d’écriture. Ainsi, on ne sait pas trop pourquoi la Bête a fait irruption sur Krull. L’argument de la fiancée paraît fallacieux. La pauvrette passe la majeure partie du récit enfermée dans une cage dorée tel un animal de compagnie sans jamais réellement croiser son geôlier, lequel joue les timides, figure volatile noyée dans des volutes de fumée. De la manière dont il nous est montré, il s’avère dans l’incapacité d’honorer de quelque manière que ce soit son “invitée”. Par ailleurs, il n’a pas non plus de peuple à asservir puisque hormis Colwyn et sa bande, il n’y a pas âme qui vive sur toute la surface de la planète. Dans le cadre du récit, la planète Krull se limite à un château, le repaire d’un vieux mage, une grotte gardée par une araignée cristalline et des paysages montagneux et forestiers. Un décor sans vie à l’image d’un film dépourvu d’âme.
Constamment le cul entre deux chaises, Krull échoue dans les grandes largeurs à être un spectacle divertissant, proposant en outre une galerie de personnages sans reliefs, méchants inclus. A l’image d’une adversité figée, le film se traîne en longueur et se montre avare en féerie et scènes spectaculaires. Plus à l’aise dans un cadre urbain, Peter Yates ne parvient jamais à dynamiser son récit et ne retrouve bien évidemment jamais le souffle des films de cape et d’épée d’antan.