Jackpot – Magnus Martens
Arme Riddere. 2011Origine : Norvège
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Oscar Svendsen se réveille dans une boite de strip-tease à la frontière suédo-norvégienne, coincé sous une danseuse obèse, un fusil entre les mains. Il est au beau milieu du Pink Paradise Club et de huit autres cadavres. Pour l’inspecteur Solør c’est une énigme qu’il entend bien résoudre armé de ses méthodes d’interrogatoires pour le moins excentriques. Oscar commence alors à raconter son histoire : tout a commencé avec des paris sur les matchs de foot…
A l’origine de cette histoire assez barrée, il y a l’écrivain de polars Norvégien Jo Nesbø, qui est doucement mais sûrement entrain de ravir le trône trop rapidement quitté par Stieg Larsson. D’ailleurs, la promo du film ne s’y trompe pas, et le vend à l’international sur le nom du célèbre auteur. Il faut dire que le reste de l’équipe compte bien peu de noms connus en dehors de la Scandinavie. Mais gageons que cela ne durera pas. En effet, Jackpot est un petit bout de pellicule énergique et efficace qui remplit parfaitement sa besogne !
Le scénario ne brille pourtant pas par son originalité. Il s’agit en réalité d’un de ces films où une bande de copains sans histoires finit par s’entre-tuer pour la possession d’un magot. Ainsi, le rapprochement avec le cinéma des frères Coen est difficilement évitable, de même on pense beaucoup à Petits meurtres entre amis ou l’excellent Un plan simple. De même, la forme narrative que prend le film n’est pas inédite non plus. Le fait de partir d’une situation à priori impossible et incompréhensible et de revenir en arrière par petits bouts n’est pas sans évoquer le récent Very Bad Trip et d’autres de ces films. Enfin, le mélange de meurtres sanglants et d’humour noir pourrait également évoquer les films de Guy Ritchie qui usurpe le trône du roi de la comédie policière depuis longtemps. Et pourtant, le film s’affranchit magistralement de toutes ses influences et parvient à trouver un ton et un humour assez inédit d’une manière tout à fait exemplaire. Ceci en premier lieu grâce à un scénario en béton armé. Jo Nesbø connaît son métier, et son succès public n’est pas sans fondements. L’auteur construit ici une histoire solide, aux rebondissements nombreux. Il ne cède pas pour autant à la facilité du twist à répétition, et base son intrigue avant tout sur des personnages bien affirmés et sur l’exploitation des situations impossibles qu’il met en scène. Avec virtuosité, il intègre dans ce canevas toutes les scènes obligées du genre (démembrement amateur d’un cadavre encombrant, les moyens mis en œuvre pour le faire disparaître, l’inévitable témoin gênant, l’interrogatoire gênant qui révèle tout ça, etc.) pour faire monter le suspense, le tout saupoudré d’une grosse louche de bonnes idées et de surprises. Le film fait donc carton plein avec son intrigue, ce qui est toujours une bonne chose pour ce type de comédie policière avant tout basée sur les rebondissements de son histoire.
L’humour, forcément noir, se fraie une place sanglante dans tout ça. Le film fait dès qu’il le peut appel à un comique de situation qui est inclus dans l’avancée de l’intrigue et qui lui donne cette saveur si unique. Pourtant, les éclats de rires proviennent toujours de situations pour le moins grossières ou crues (voir le pitch de départ). Et sans aller jusqu’à se vautrer dans la vulgarité, cet humour basé sur les giclées de sang et sur la stupidité des personnages n’est pas des plus fins. Ce qui au final ne gène pas tant que ça, et vient même offrir un contrepoint bienvenu à la finesse des rouages policiers de l’intrigue. Par contraste avec les meurtres rocambolesques et les situations impossibles, la mise en scène est forcément d’une sobriété toute nordique. Mais cette austérité apparente n’est en rien synonyme de retenue. En effet, le réalisateur soigne son montage d’une manière très juste. Il se plie aux exigences de l’intrigue pour en décupler les effets et orchestre sa réalisation comme l’indispensable caisse de résonance qui donne toute sa puissance au film. Sans excentricité et toute en efficacité, il souligne avec gourmandise les excès du scénario et magnifie le jeu de ses acteurs. Des acteurs qui parviennent d’ailleurs à trouver un ton très juste. Ils accumulent les idioties, les trahisons et les tentatives (souvent couronnées de succès) de meurtres sans pour autant sombrer dans le cynisme, et parviennent à rester attachants et intéressants de bout en bout.
Bref, voilà un film très sympathique qui prouve qu’avec des idées et du sérieux on peut réaliser des choses originales et réussies dans un genre qui ne souffre pas de dépeuplement. Un futur classique ?