Hellzapoppin – Henry C. Potter
Hellzapoppin. 1942Origine : Etats-Unis
|
“Toute ressemblance entre Hellzapoppin et tout autre film serait pure coïncidence“, annonce-t-on en préambule. Et une cohorte de jolies filles descend un escalier monumental en chantant “J’ai rêvé du Paradis et tu y étais”. Mais soudain l’escalier se dérobe et devient un toboggan, d’où les jeunes beautés sont précipitées en hurlant dans les flammes de l’enfer (scène que l’on retrouvera d’ailleurs dans le Forbidden Zone de Richard Elfman). Là des démons font rôtir les mauvais acteurs. C’est alors que Ole et Chic arrivent au royaume infernal en taxi. “C’est bien la première fois qu’un chauffeur de taxi m’emmène là où je veux aller !” s’exclame Chic. Mais à ce moment le metteur en scène, qui sent les événements lui échapper, hurle : “Coupez !“. Comment redonner au film une forme plus traditionnelle ? Tel est le problème dont discutent Ole et Chic en explorant les différents plateaux de tournage, en revêtant à chaque fois le costume de circonstance.
Traversant ensuite un paysage enneigé, ils aperçoivent un traîneau : c’est le “Rosebud” de Citizen Kane. “Nous devons glisser là-dedans une histoire d’amour” affirme le réalisateur. Ole et Chic ne sont pas convaincus : “Nous avons joué Hellzapoppin pendant trois ans à Broadway, déclarent-ils, et il ne faut rien changer“. “Ici, nous somme à Hollywood, donc tout doit changer“, répond le metteur en scène, et il entreprend de conter l’idylle de Jeff, producteur désargenté, et de la riche héritière Kitty. Ole et Chic vont aider Jeff à monter son spectacle. Promus accessoiristes, ils doivent dénicher un lavabo. Ils découvrent encore un étonnant manteau à plusieurs bras ! Pendant que Kitty et Jeff chantent en duo “Heaven for Two”, un sous-titre apparaît sur l’écran : “Stinky Miller doit rentrer immédiatement chez lui, car sa mère a besoin de lui“. On voit alors un enfant qui se lève avant de quitter la salle.
Dans sa cabine, Louie le projectionniste en vient aux mains avec l’ouvreuse du cinéma, une imposante matrone. Dans la confusion qui s’ensuit, la pellicule s’emmêle et c’est ainsi qu’Ole et Chic se voient coupés en deux et s’interpellent d’une image à l’autre. Nos deux acteurs improvisés accessoiristes s’emploieront alors à saboter par tous les moyens, entre autres la poudre à éternuer, le spectacle de Jeff…
En intitulant leur pièce Hellzapoppin (ce que l’on pourrait traduire plus ou moins par “explosion infernale”), Olsen et Johnson avaient fait preuve d’une géniale intuition. Hellzapoppin va “exploser” littéralement, sur la scène comme à l’écran, pour la plus grande joie des spectateurs. Entraînés dans un irrésistible tourbillon comique, les critiques rendront les armes.
Il est difficile de rester insensible à ce déchaînement tous azimuts de gags et à ce rythme endiablé. Le film fera date. Toutefois, on a plutôt tendance aujourd’hui à considérer Hellzapoppin comme une curiosité historique, une sorte d’extraordinaire inventaire de toutes les possibilités comiques offertes par le langage cinématographique. Des possibilités déjà explorées par des précurseurs de génie comme W.C. Fields : qu’on se rappelle notamment l’étonnant Folies Olympiques en 1932 ainsi encore, des dialogues pratiquement surréalistes des Marx Brothers dans Soupe au canard en 1933.
Créée le 22 septembre 1938, la pièce fera une carrière éblouissante avec 1404 représentations. Un triomphe légendaire à Broadway ! Et un spectacle qui se déroule d’ailleurs autant dans une salle que sur scène. Un tel succès ne laisse pas indifférent l’Universal, qui engage aussitôt Olsen et Johnson, espérant ainsi rééditer les fabuleux bénéfices réalisés avec Abbott et Costello.
Brillamment adapté par le scénariste Nat Perrin, Hellzapoppin va faire l’effet d’une bombe hilarante sur les écrans. Quelques uns des gags les plus applaudis de la pièce ont été maintenus dans le film. Ainsi le garçon de courses qui cherche inlassablement une certaine Mrs Jones, tandis que la plante verte qu’il est chargé de lui remettre croît peu à peu, jusqu’à atteindre l’envergure d’un séquoia ! Ou encore la scène où l’on entend Johnson dire au téléphone : “Celle-ci, oui… Celle-là, non… Celle-ci, oui.” Et à Olsen qui lui demande de quoi diable il peut bien parler, il répond : “J’aide la bonne à trier les fraises“.
Mais les meilleurs gags restent sans doute ceux qui exploitent toutes les ressources des trucages et des effets spéciaux. Citons par exemple la mésaventure dont sont victimes Chic et Ole, qui n’ont évidemment pas su appliquer correctement la formule qui rend invisible, de sorte que l’on voit la tête et le torse de l’un flotter au-dessus des jambes de l’autre.
La réussite d’Hellzapoppin, tant à la scène qu’à l’écran, tient plus au rythme étourdissant sur lequel se succèdent les gags qu’à la personnalité des deux principaux interprètes. Force est de reconnaître qu’Olsen et Johnson ne crèvent guère l’écran. Toutefois, l’originalité de leur association réside d’une certaine manière dans leur ressemblance physique : ils sont tous deux petits et replets. Contrairement à la plupart des grands tandems comiques du cinéma, qui incarnent généralement l’opposition symbolique du grand et du petit, du gros et du maigre, du gentil et du méchant, etc., Olsen et Johnson se répartissent équitablement les rôles. Ils sont à ce moment au faîte de leur carrière (Olsen a quarante neuf ans et Johnson quarante huit), et ils ne laisseront pas le souvenir d’un talent hors du commun. D’ailleurs, à part Hellzapoppin, leurs autres films ont sombré dans l’oubli.
Ce qui n’empêche pas le spectateur d’avoir le droit de se délecter encore aujourd’hui d’un film au charme, certes parfois un peu suranné, mais paradoxalement très moderne dans son approche du cinéma.