Fou à tuer – David Schmoeller
Crawlspace. 1986Origine : Etats-Unis
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Derrière ce titre français peu sérieux se cache le très troublant Crawlspace, qui relate l’histoire de Karl Gunther, fils d’un docteur nazi ayant officié dans les camps de concentration. Il est fasciné par cette image paternelle et n’aspire qu’à lui ressembler. Ancien chirurgien ayant pratiqué l’euthanasie sans arrêts, il s’est finalement retiré dans un immeuble qu’il loue à de jeunes étudiantes. Mais cet immeuble se révèle être un gigantesque piège truffés de passages secrets lui permettant de continuer ses expériences…
Déjà auteur d’un Tourist Trap qui lui aussi bénéficiait d’une intrigue assez sadique, David Schmoller récidive ici avec Crawlspace. Si l’intrigue peut sembler un peu caricaturale d’un premier abord, le film se révèlera très rapidement vraiment dérangeant. C’est en partie dut à l’incroyable prestation de Klaus Kinski qui trouve ici un rôle à sa (dé)mesure. Les traits torturés et charismatiques de l’acteur polonais se prêtent parfaitement au rôle de Gunther. Il faut voir la tristesse insondable du visage de Kinski lors de ses séances de roulettes russes, où il lâche un “Tant pis” désabusé lorsque le percuteur de son arme claque dans le vide. Ou encore quand son visage s’allume d’un air pervers et fasciné lorsqu’il observe ses locatrices…
Le psychopathe incarné par Kinski est magnifié par la mise en scène classique et efficace de Schmoeller. Sa camera n’est pas là pour juger les personnages, juste pour nous les montrer. Le spectateur se retrouve ainsi dans une position similaire à celle de Gunther, caché derrière la grille de ventilation, à observer les réactions de ses victimes. Ce personnage à la fois répugnant et charismatique ne peut pas s’attirer la sympathie du spectateur, pourtant celui-ci est fasciné et veut tout voir. On se retrouve ainsi dans une délicate situation de voyeur, que le réalisateur exploite pour créer cette atmosphère si troublante que dégage le film.
Pourtant ce résultat impressionnant ne s’est pas obtenu sans peine. Acteur caractériel à la réputation sulfureuse, Klaus Kinski est connu pour ses colères dévastatrices, et ses désaccords violents avec les réalisateurs. Si c’est surtout le cinéaste allemand Werner Herzog qui a fait les frais du caractère de l’acteur, David Schmoller a aussi eu de graves différends avec lui. Pendant le tournage de Crawlspace, il réalisera d’ailleurs un court métrage sur cela, explicitement titré Please Kill Mr Kinski. En tout cas le résultat est là et on ne peut contester l’efficacité du métrage. Le scénario, enchaînant les meurtres vicieux, est habilement mené, et la tension monte crescendo. Comment ne pas retenir son souffle lors de la fuite éperdue d’une jeune locataire, poursuivie dans les circuits de ventilation par un Klaus Kinski reptilien ? Comment ne pas sursauter lors du déclenchement des pièges meurtriers ? Mais si quelques beaux meurtres sont présents, David Schmoeller ne trempe jamais l’objectif de sa caméra dans le sang. Il n’en a jamais besoin pour créer ce sentiment de malaise. Il suffit de voir les pièges de Gunther fonctionner dans le vide (comme cette chaise dont l’assise cache un long pieu d’acier) pour pouvoir imaginer sans problèmes les effets sur les victimes, ou encore de voir le visage désespéré de cette jeune muette gardée en cage pour être aussitôt mis mal à l’aise. Au fur et à mesure que l’intrigue se déroule, le spectateur découvre l’univers déviant de Gunther, au travers de ses mémoires troublants, mais aussi en découvrant les organes humains qu’il garde en souvenir, les photos de lui enfant, arborant fièrement l’uniforme nazi…
Crawlspace est une de ces œuvres rares qui dégagent un vrai sentiment de malaise parmi le public, une vraie réussite qui bénéficie d’un acteur principal exceptionnel, d’une réalisation efficace et d’une très jolie bande originale !