Bug – William Friedkin
Bug. 2007Origine : États-Unis
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Agnès est une serveuse vivant dans la crainte du retour de son mari tout juste libéré de prison et dans le désespoir causé par la disparition de son fils. Elle vit seule dans une petite chambre d’un motel perdu. Lorsqu’elle accueille Peter, un étrange vagabond réservé, au discours énigmatique, elle croit trouver de la compagnie pour combler un vide existentiel. Mais bientôt d’étranges insectes qu’ils sont les seuls à voir viendront s’insinuer dans leur vie…
Pour son nouveau film, William Friedkin, le réalisateur de L’Exorciste, film qui continue de hanter nos rétines plus de trente ans après, choisis d’adapter une pièce de théâtre qui l’avait particulièrement marqué. Ladite pièce est mise en scène par Tracy Letts, et son histoire se déroule entièrement dans la même pièce du motel. Friedkin reprend à la pièce à la fois sa trame générale, sa structure en huis clos, et son acteur principal : Michael Shannon.
Celui-ci se révèle par ailleurs excellent acteur, et en compagnie d’une Ashley Judd criante de vérité dans son rôle de femme à la fois forte et brisée, il crève l’écran. L’interprétation est à ce titre la qualité majeure d’un film qui repose presque uniquement sur ses acteurs. Des acteurs qui donnent véritablement vie à leurs personnages et rendent les dialogues particulièrement intenses.
Il ne faut pas s’attendre à une invasion de gros insectes répugnants dans ce film, ce n’est pas le propos. Car l’ambiguïté sur l’existence réelle des insectes qui pourrait subsister à la lecture du seul synopsis est rapidement levée dans le film. Il n’y a pas de twist, et sans toutefois que Friedkin n’ait eu le besoin de le dire explicitement le spectateur aura tôt fait de remarquer la schizophrénie du personnage principal. L’intérêt de Bug réside au contraire dans la manifestation progressive de la folie et son impact sur les différents personnages. Friedkin prend plaisir à explorer leur psyché et leur lente descente aux enfers. La folie gagne les personnages comme une sorte de contagion, allant jusqu’à les transformer totalement eux et leur lieu de vie.
Mais le plus saisissant, c’est que le réalisateur parvient très rapidement à nous plonger littéralement dans le film, éliminant toute distance critique vis à vis des évènements décrits. Le jeu des acteurs y contribue grandement. Mais surtout, c’est la mise en scène très organique et charnelle qui vient créer l’atmosphère désespérée et moite qui vient imprégner le film. Et ce sont les images du film, bien plus que les dialogues finalement, qui viennent à la fois raconter l’histoire et installer l’ambiance. Ainsi le réalisateur arrive à transcender la pièce de théâtre qu’il adapte et également à créer une aura de mystère autour du film, qui nous laissera un étrange goût dans la bouche bien après la fin du métrage.
Le film se révèle incroyablement immersif, et à ce titre il emprunte une structure similaire à celle de L’Exorciste : très lentement et dès le début, Friedkin distille un sentiment de malaise croissant qui explosera dans une scène finale dantesque (L’exorcisme proprement dit dans L’Exorciste, et ce final surréaliste et violent pour Bug). Mais il souffre du coup du même défaut à mon sens : par son atmosphère plus dense et son réalisme cru, la mise en situation devient plus intéressante que le final, qui au contraire pèche par son esthétisme trop travaillé, quand bien même ladite scène reste très efficace et brutale. Mais si Bug perd un peu de l’ambiance qui faisait ça force sur la fin, les images qu’il crée dans notre esprit sont suffisamment fortes et marquantes pour faire du film une expérience finalement assez inédite au cinéma.
Ca s’appelle une folie à deux, quand on finit par être persuadé par les divagations d’une personne qui souffre d’hallucination, de paranoïa. Il y a comme une contamination de l’esprit, qui est plus faible qu’on ne le croit. Dans le film c’est un peu exagéré mais tout a fait possible.