CinémaComédie

Arsenic et vieilles dentelles – Frank Capra

arsenic

Arsenic and old lace. 1944

Origine : États-Unis 
Genre : Comédie 
Réalisation : Frank Capra 
Avec : Cary Grant, Josephine Hull, Jean Adair, Raymond Massey…

Mortimer Brewster est un critique de théâtre célèbre, qui vient juste de se marier, malgré ses pamphlets anti-mariage. Il vit pour l’heure encore avec ses deux vieilles tantes, des femmes en apparence plus que respectables, et avec son frère, un gentil fou qui se prend pour Teddy Roosevelt. Il va découvrir que ses deux tantes sont en faites aussi atteintes que son frère, et qu’elles sont à l’origine de douze meurtres sur des vieillards qu’elles voulaient soulager de leur solitude. Mortimer va essayer de dissimuler leurs actes, alors qu’autour de lui nombreuses sont les personnes susceptibles de découvrir la vérité. Et rien ne va s’arranger lorsque son second frère, un psychopathe, va revenir à la maison.

A sa vision, il est très aisé de découvrir que le film est basé sur une pièce de théâtre. L’unité de lieu (le rez de chaussée de la maison) et les allées et venues des multiples personnages, les innombrables situations cocasses et la frénésie ambiante, tout cela rattache directement le film de Capra au théâtre. D’ailleurs, avec le personnage principal, un critique de théâtre, Capra se permet même de faire de jolies références aux conventions théâtrales, notamment lors d’une scène où tous ces codes seront dévoilés, pendant que dans le même temps tout ce qui est dit se répercute à l’écran. Une façon de dire que la vie n’est pas plus absurde que ce que l’ont peut voir lors d’une représentation. C’est pour cela que tout le monde peut aussi être dramaturge, y compris un policier lambda, qui passe son temps à vouloir faire lire sa pièce à Mortimer. Un clin d’oeil est également adressé à Arsenic et vieilles dentelles, la pièce de théâtre, lorsque Jonathan, le frère psychopathe, apparaît. En effet, tout le monde le compare à Boris Karloff, principalement du fait de son visage effrayant. Chose à savoir : c’est Boris Karloff lui-même qui incarnait Jonathan dans la pièce. Cela permet aussi à Capra de rendre hommage au cinéma horrifique, principalement au Frankenstein de Whale. Le personnage de Jonathan, très sombre, est une sorte de créature de Frankenstein, mais cette fois sans une once de romantisme. Ses apparitions sont également l’excuse pour créer tout un décor gothique, avec pénombre, chandeliers, feu de cheminée… Le docteur Einstein (Peter Lorre svelte), qui l’accompagne, est aussi une réplique directe du docteur Frankenstein, ici soumis à sa “créature”, dont il a modelé le corps. De telles références feront plaisir au spectateur de films horrifiques, surtout que Capra prend même lors d’une scène la défense de ce genre de films, jugés non convenables par les deux mémés serial-killeuses.

La contradiction entre l’apparence de ces mémés et leur réalité, si elle est le sujet du film, n’est en revanche qu’un des exemples de la thématique (reprise beaucoup plus tard par Lynch) de la réalité dissimulée sous des dehors autres. Les deux mémés, le flic artiste, et bien entendu Mortimer, qui se marie alors qu’il est l’auteur de pamphlets anti-mariages, tout cela montre bien que les apparences sont souvent trompeuses. Une fois en privé (et c’est le cas ici, l’unité de lieu est donc pleinement justifiée), les masques tombent. Les fous (Jonathan, “Teddy Roosevelt”) sont les seuls à ne rien dissimuler et à afficher leur marginalité, dans une certaine mesure. Bien sûr, Jonathan cache ses actes, mais sa réalité, son visage, son tempérament, tout cela le trahit. A sa vision, on sait à qui on a à faire.

La folie est également un des éléments centraux du film. Une maison remplie intégralement de malades. Ceci va crescendo durant tout le film, et le personnage principal finit lui-même très très limite. Du coup, le rythme va en s’intensifiant, et de la tranquillité paisible de la vie de deux sages mémés que l’ont avait dès le départ, on se retrouve lors du final avec une maison de fous, maison sans dessus dessous. Pas d’ennui possible, donc.
Capra et ses acteurs (Grant est tout simplement énorme) réussissent à livrer un film hors normes, qui a en plus eu le mérite à son époque (1944) de dévier des films relatifs à la guerre (propagande patriotique ou autres) en critiquant le style de vie et l’état d’esprit américain. Le tout avec humour. Bref, une grande réussite.

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