Apollo 13 – Ron Howard
Apollo 13. 1995Origine : Etats-Unis
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Juillet 1969 : la mission Apollo 11 est un succès : des américains marchent sur la Lune, et les États-Unis dépassent enfin l’Union Soviétique dans la course à l’espace. Le commandant Jim Lovell (Tom Hanks), de la NASA, regarde le spectacle à la télévision en compagnie de sa famille et de ses amis. Puis il sort regarder la lune avec sa femme, se jurant la larme au groin que lui aussi ira sur la Lune, un jour. Un an et une mission Apollo plus tard, il est en effet chargé de la mission Apollo 13, direction le satellite terrestre. Il commandera à deux collègues, Fred Haise (Bill Paxton) et Jack Swigert (Kevin Bacon), ce dernier remplaçant au pied levé Ken Mattingly (Gary Sinise), qu’on suspecte d’être atteint de rougeole. La mission tournera très vite à l’aigre : l’un des réservoir à oxygène explosera. Terminé, le plan du tourisme lunaire ! Ce sera alors un véritable casse-tête pour notre équipage ainsi que pour les ingénieurs au sol, dirigés Gene Kranz (Ed Harris) et chargés de faire revenir les trois hommes à bon port et sans bobos. Sans oublier les familles (du moins celle de Lovell), qui se font un sang d’encre…
Adapté bien entendu d’une histoire vraie (et du récit que le Commandant Lovell en a fait dans son livre Lost Moon), Apollo 13 démontre une fois de plus que le cinéma a beau respecter ses sources d’inspiration dans les grandes largeurs, la qualité des films produits n’en est pas pour autant garantie. Hollywood s’enorgueillit en effet d’un sens de la dramatisation poussé, variant selon les époques. Pas de bol, le film de Ron Howard débarque dans les années 90, une ère où la médiocrité fut élevée au pinacle. Une époque où le sentiment facile était de mise et où le spectateur ne devait pas être embêté par des intrigues trop complexes ou trop surprenantes. D’une certaine manière, on attendait de lui qu’il se contente de s’émouvoir grâce à des recettes mises en avant par des cinéastes dont les caméras étaient autant de loupes pour grossir les traits émotionnelles, toujours les mêmes. Ron Howard, en dépit d’une formation chez Roger Corman de laquelle il n’a visiblement pas retenu grand chose (à part peut-être l’amusement qu’il y a à caster des amis pour des petits rôles : ici son père, sa mère, et Roger Corman lui-même), est de ce genre de cinéaste. Splash, Cocoon, Willow… Autant de films portés sur “l’émerveillement” infantile. Il n’y avait pas de raison qu’il s’arrête en si bon chemin, faisant de Apollo 13 non pas le monument de suspense qu’il aurait dû être, mais une quelconque aventure composée de A à Z par des clichés exaspérants. Avant même le décollage de la mission Apollo 13, nous avons ainsi droit aux rêves lunaires du personnage principal, aux frayeurs d’une gentille épouse qui a du mal à se résoudre aux dangers que son mari encourt dans sa profession, aux signes prémonitoires du futur désastre (un cauchemar, une alliance qui se perd dans le siphon de la douche… donc tout et n’importe quoi), aux traditionnels exercices de simulation pour bien montrer que nos gars sont des professionnels… Puis viendra la mission et le fameux problème signalé à Houston, qui sera le point de départ d’une nouvelle salve de clichés mille fois vus et qui mettent en exergue un certain sens de la morale parfaite et proprette typiquement hollywoodienne.
Lovell s’imposera ainsi comme un chef gentil (il réconcilie ses deux camarades lorsque ceux-ci font mine, pendant une demie seconde, de se quereller), mais un chef quand même (c’est le plus habile des trois). Sa famille, sur Terre, se réunira dans l’attente difficile des nouvelles informations, et la grand-mère aussi bien que l’adolescente (qui pour l’occasion range ses penchants hippies contestataires au placard) et que le petit dernier seront soudés face à l’adversité qui les guette sous l’égide de la mère, bouleversée mais courageuse. Une bien brave femme. Quand aux gens de la NASA, tout le monde se décarcassera dans l’urgence, trouvant toujours une solution aux problèmes les plus épineux, là aussi sous la coupe d’un chef aussi gentil qu’intransigeant. Incroyable cette manie de glorifier toujours le chef et même de s’en trouver un lorsqu’il ne semble pas y en avoir. Le même schéma est ainsi répété parmi les trois groupes de personnages : l’équipage de l’Apollo 13, la famille et les employés de la NASA, tous aussi gentils, combattifs et talentueux les uns que les autres. Pas un poil qui dépasse : telle est la vision prônée par Apollo 13. Il y en bien tout de même deux, mais ils seront très vite coupés. Ce sera le cas lorsque l’on doutera des capacités professionnelles de Swigert, le remplaçant de l’également très digne Mattingly. Mais nous seront rassurés lors d’une scène de trente secondes. Ouf. Il y aura également la presse télévisée, avide de sensation, puisqu’après avoir refusé de diffuser les émissions tournées par Lovell et ses hommes sous le motif que le public se lassait du spectacle, les chaînes accourront toutes pour couvrir la sensationnelle histoire de l’Apollo 13. Ces méchants seront heureusement vite chassés par Madame Lovell et on ne les reverra plus… A part dans des scènes d’explication scientifiques. Car oui, non content de faire régulièrement le point des situations techniques en compagnie de l’équipage et en celle de la NASA, Ron Howard cherche à s’assurer qu’il ne perd pas son public en cours de route, ce qui l’amène à nous réexpliquer plusieurs fois les mêmes choses, utilisant pour cela des émissions télévisées qui résumeront les problèmes et les solutions, schémas à l’appui…
Tout ceci donne un film d’une incroyable platitude, qui se résume en fait à de la parlote sans fin, l’équipage de l’Apollo 13 restant toujours cloisonné dans son étroit vaisseau. Bien sûr, Ron Howard cherche à insuffler un peu de vie à son film, et c’est ainsi qu’il a recours pendant 2h20 à un ton solennel, à quelques pointes de comédie (généralement pour mieux prouver que ses personnages ne se laissent pas abattre) et à des plans soit-disant impressionnants (pour les amateurs d’effets spéciaux). Des procédés d’une facilité et d’un classicisme aussi peu ragoûtants que les valeurs très caricaturales véhiculées par son film. Apollo 13 est un gros soufflé : c’est mauvais et désespérément creux. Pour le coup, la véritable histoire de cette équipée spatiale en sort totalement démythifiée, et ce ne sont pas les louanges du vrai Lovell à l’encontre du film qui y changeront quelque chose.