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Histoires fantastiques 2.10 : Le Plus gros potiron – Norman Reynolds

Amazing Stories. Saison 2, épisode 10

The Pumpkin Competition. 1986.

Origine : États-Unis
Genre : Fantastique
Réalisation : Norman Reynolds
Avec : Polly Holliday, J.A. Preston, June Lockhart, Ritch Brinkley, Joshua Rudoy.

Caramba, encore raté ! Pour la vingt-et-unième année consécutive, Elma Dinnock échoue à remporter le concours annuel du plus gros potiron du comté de Yarborough. Elle en nourrit une telle amertume qu’elle crie au complot et à la tricherie. Et comme si cela ne suffisait pas, la lauréate se fend d’une leçon de morale à son endroit devant toute l’assemblée. Autant dire que c’est l’esprit chagrin qu’elle regagne ses pénates. Quand le botaniste Bertram Carver vient toquer à sa porte, elle l’éconduit prestement puis se ravise lorsque l’opportuniste lui fait miroiter la possibilité de gagner le concours de l’année prochaine. Sauf que son secret a un prix – 10000$ – et que l’avare vieille dame rechigne à se séparer d’autant d’argent. Pourtant, la perspective d’une éclatante victoire au nez et à la barbe de l’insupportable Mildred Mc Minamin finit de la convaincre… à moitié. Elle acquiert donc la fameuse potion magique devant booster la croissance de ses potirons pour la modique somme de 5000$. Une manière de gagner sur tous les fronts. Du moins le croit-elle.

Pouvoir compter sur des collaborateurs dévoués est un luxe dont la série Histoires fantastiques profite abondamment. Qu’il semble loin le temps des noms ronflants, produits d’appel d’une première saison qui se voulait spectaculaire à tous les niveaux. Sur ce point, la seconde saison revient à des standards plus télévisuels. Chef décorateur de profession ayant notamment travaillé sur Les Aventuriers de l’arche perdue ou encore Le Secret de la pyramide, Norman Reynolds s’était déjà essayé à la réalisation à l’occasion de l’épisode 16 de la précédente saison, Le Collectionneur. Le Plus gros potiron partage avec celui-ci son ancrage dans une Amérique qui sent la naphtaline. L’épisode assume le folklore de ces fêtes rurales qui réunissent les habitants d’un comté le temps d’une journée avant que chacun ne retourne vaquer à ses occupations. Un cadre bucolique propice à l’irruption d’un fantastique bon enfant pas très éloigné de celui des contes de fées. Cendrillon est d’ailleurs littéralement évoquée au détour d’une scène à travers les yeux d’un gamin émerveillé auquel la mère ne prête aucun crédit, avant de devoir se rendre à l’évidence : oui, la magie existe. Enfin, une magie qui porte la marque de l’homme, jamais plus content de lui que lorsqu’il tente et réussit à surpasser Mère Nature. Car “l’elixir magique” du professeur Bertram Carver peut se voir comme une allégorie de notre époque et ces nombreuses exploitations agricoles qui cèdent aux OGM afin de pouvoir proposer de beaux fruits et légumes toute l’année. Néanmoins, la finalité est toute autre dans le cas présent. Il s’agit seulement d’asseoir une suprématie à l’échelle locale de manière symbolique. Et que cette question de savoir qui a la plus grosse concerne uniquement des femmes d’un âge respectable contribuerait presque à rendre cet épisode savoureux s’il n’était pas si inconséquent.

Ce concours annuel du plus gros potiron est une manière pour les petites gens de pouvoir mettre du beurre dans leurs épinards. Que la riche et pingre Elma Dinnock s’autorise à participer à ce concours équivaut à un nouvel affront. Posséder la moitié du comté et des maisons de ses habitants ne lui suffit pas, il faut aussi qu’elle leur dispute cette manne exceptionnelle dont elle n’a nulle besoin. Elle ne veut pas tant les écraser que récolter les lauriers et les félicitations qui accompagnent la victoire. Elma éprouve un ardent besoin de reconnaissance que l’argent, ou en tout cas la manière dont elle en use, ne lui offre pas. C’est une femme égoïste, acariâtre et près de ses sous. N’en jetez plus, la coupe est pleine ! Déjà interprète d’un personnage de riche héritière imbuvable dans Gremlins (la fameuse Ruby Deagle et son remonte-escalier facétieux), Polly Holliday réitère ici dans un registre plus pathétique qu’antipathique. Elma Dinnock prouve à son corps défendant que l’argent ne fait pas le bonheur et que le garder jalousement dans un coffre-fort caché derrière un portrait à son effigie ne remplace pas les relations sociales et l’affection. Profondément seule et repliée sur elle-même, elle ne sait pas interagir avec autrui autrement qu’avec dédain et hargne. Elle s’est façonné un personnage dont elle ne peut plus se défaire, si tant est qu’elle le veuille. Difficile de revenir à de meilleurs sentiments, surtout après avoir été humiliée en public comme elle l’a été. Fort de son titre de plus gros potiron de l’année, Mildred McMinamin a pu exprimer tout haut ce que les habitants du coin pensent tout bas. Elle s’est fait le porte-parole de la communauté dans un geste aussi hardi que courageux. Une douce revanche que la fin de l’épisode rend encore plus éclatante, nonobstant quelques petits détails. Disons qu’après avoir mis en exergue d’aussi belles valeurs que le don de soi et l’amour des autres, le fait que tout se termine sur le mode de la fin justifie les moyens laisse songeur. Une manière de souligner que au fond, pauvres comme riches sont pareils dès qu’il s’agit de l’emporter. Dans l’Amérique triomphante des années 80, la victoire vaut tous les sacrifices.

Il est amusant de voir la corrélation entre certains épisodes. Que cela résulte d’un choix délibéré ou non, les deux réalisés par Norman Reynolds mettent l’argent au coeur de leur conclusion respective. Bien qu’ici cela parte d’un élan de solidarité (les habitants se coalisent contre l’infâme Elma), on ne peut omettre la bêtise de leur action qui se résume à se mettre un peu plus en difficulté uniquement pour le plaisir de rabattre le caquet de la vieille rombière. Une fin en guise de bonne leçon pour un épisode en demi-teinte.

 

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