Birdman – Mo Hayder
Birdman. 2000.Origine : Royaume-Uni
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Dans un terrain vague de la banlieue londonienne, cinq corps de femmes ont été retrouvés au hasard d’un coup de pelleteuse. Fraîchement débarqué au Service Régional des Enquêtes Sensibles, Jack Caffery se voit chargé de l’affaire. Celle-ci s’annonce compliquée et particulièrement sordide, l’autopsie ayant révélé la présence d’un oiseau mort, emprisonné de la cage thoracique de chacune des victimes. Mais au moins cette enquête lui permet de s’échapper d’un quotidien particulièrement pesant entre une petite amie qui lui tape sur le système et un voisin qui le nargue, dont il est convaincu de la culpabilité au sujet de la disparition de son frère.
Pour son premier roman, Mo Hayder s’inscrit dans cette vague de thrillers complaisamment diserts lorsqu’il s’agit de décrire par le menu les exactions du psychopathe du jour. Il y a une volonté évidente de choquer le lecteur, de le bousculer dans son petit confort afin de lui inoculer quelques sueurs froides. Par bien des aspects, ces néo-polars marchent sur les plates-bandes des romans horrifiques, à ceci près qu’ils doivent tout de même s’astreindre à un minimum de réalisme. Quoique, davantage que de réalisme, c’est de crédibilité dont il est question. A partir du moment où l’on croit ce qu’on lit, cela signifie que l’écrivain a bien fait son boulot. Et en l’occurrence, c’est le cas de Mo Hayder qui, selon ses dires, se documente au final assez peu. Néanmoins, cela semble suffisant pour que les détails techniques sonnent vrais aux yeux des néophytes. Ainsi, les nombreux passages ayant trait aux autopsies des différents cadavres ou sur la description des assassinats en eux-mêmes, outre le fait qu’ils mettent en lumière la fascination de l’auteur pour le morbide, brillent par leur efficacité et leur sens du détail. En revanche, à force de surenchère au fil des pages, cette efficacité initiale finit par tourner au procédé. A ce titre, le final est un grand moment de n’importe quoi, Mo Hayder faisant intervenir en dépit du bon sens des personnages qui ne servent que ses desseins sanguinolents.
Par ailleurs, la caractérisation de son personnage principal Jack Caffery, appelé à devenir récurrent, souffre a contrario d’un traitement quelque peu dépassionné. Si Mo Hayder excelle à retranscrire des ambiances glauques aux relents mortifères, elle peine à donner de la consistance à son héros en dépit du trauma enfantin dont elle l’affuble. Le côté obsessionnel qui caractérise Jack Caffery –depuis la disparition de son frère, il est mû par la volonté farouche d’élucider cette affaire au point de classer toutes sortes de documents qui pourrait l’y aider– est révélateur d’un profond mal être –son frère a disparu suite à une dispute entre eux– qui se traduit par une incapacité à se laisser vivre et à une auto culpabilisation permanente. Esclave de son travail et de ses obsessions, il subit plus qu’il ne profite de sa relation houleuse avec sa petite amie. Et en dehors de son travail, il n’est fait mention d’aucun ami. On sent bien une volonté d’humaniser le personnage, d’en faire un être profondément blessé que même l’élucidation d’affaires criminelles compliquées ne suffit à lui redonner le sourire. Pourtant, ça ne prend pas. Dans ses névroses, dans son comportement, Jack Caffery n’est jamais intriguant et encore moins sympathique. Il s’avère affreusement banal et se fait supplanter sans mal par son partenaire qui, bien qu’à peine esquissé, confère un minimum de vie à un récit qui en manque cruellement.
Mo Hayder démontre un talent certain pour mener son intrigue, sachant notamment relancer notre intérêt à mi-roman par un rebondissement plutôt bien amené. Néanmoins, on sent davantage la bonne élève appliquée qu’une vraie plume avec un univers bien à elle. Pas désagréable à lire –ce n’est pas le genre de roman qui nous tombe des mains à chaque page –, Birdman est un premier roman avec ce que cela présuppose en maladresses. Toutefois, ces bémols ne l’ont pas empêché de trouver un public. Du reste, certaines réserves émises ici, comme la dispensable sous intrigue concernant le voisin, trouveront peut-être leur justification dans ses romans ultérieurs puisque c’est désormais un fait acquis, Mo Hayder n’avance pas à tâtons, planifiant ses livres à l’avance comme autant d’épisodes d’une seule et grande histoire. Pour peu qu’elle ait su mettre un peu d’eau dans son vin en ce qui concerne l’hémoglobine et autres détails scabreux, et qu’elle confère un peu plus d’épaisseur à son personnage principal, gageons que ses prochains romans ne peuvent être que riches en promesses. La suite au prochain épisode, comme on dit…
“Ce n’est pas le genre de roman qui nous tombe des mains à chaque page” qu’est ce que cela veut dire comme expression ?
Je ne sais pas quoi penser de cette auteur après avoir lu votre critique de son premier roman, il y a du bon et du moins bon. J’ai souvent trouvé ses livres dans les boîtes à livres laissés au public et je ne sais toujours pas si ça vaut la peine de la lire. Votre critique devait m’y aider, mais c’est mi-figue mi-raisin.
Cela signifie que le roman n’est pas ennuyant.
Et de mon point de vue, ce serait un parfait roman estival.