Maciste contre Zorro – Umberto Lenzi
Zorro contro Maciste. 1963Origine : Italie
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Ca complote sec à Nogara, royaume dont le Roi vient de mourir en pays voisin. Deux héritières prétendent au trône : la gentille blonde Isabella (Maria Grazia Spina) et sa cousine la méchante brune Malva (Moira Orfei). Isabella est donnée archi-favorite à la succession, mais pour que son statut de Reine soit avalisé, il faut d’abord que le Général Saveria rentre au pays avec le testament du régent défunt. Bien décidée à contrer l’inéluctable, Malva décide sous les conseils de son amant militaire d’engager un homme pour intercepter le testament. Leur choix se porte sur Maciste (Sergio Ciani alias Alan Steel), “l’homme le plus fort du monde”, à qui ils font croire que le précieux papelard contient en fait des données militaires d’une grande importance. Dans le même temps, la prévoyante Isabella embauche son propre émissaire en la personne de Zorro (Pierre Brice), chargé de protéger un testament également convoité par Rabek et sa troupe de rebelles qui y voient l’occasion de mettre la pression sur une monarchie qui leur refuse tout droit.
Le premier match entre Zorro et Maciste est donc remporté par Zorro, qui obtient le droit de jouer à domicile, ou tout du moins dans un pays hispanique, ainsi que de défendre la gentille prétendante au trône. Ce n’est pas très fair play, puisque du coup cette montagne de muscles qu’est Maciste, déjà pas bien malin, doit promener sa carcasse en collants dans un territoire médiéval qui ne lui sied guère, même lorsqu’il revêt une veste en skaï trop petite pour lui. Tout ça pour se rendre compte à un certain moment qu’il dessert le mauvais cheval. Maciste n’a pas de chance, et disons le tout net : il faudra lui mettre la gueule dedans avant qu’il ne comprenne ce qui se passe. Il n’est pas aidé non plus par Alan Steel, qui prolonge la tradition peplumesque des acteurs musclés inexpressifs, ni par le scénariste, qui lui inflige le port d’une tête de cheval en carton pour passer inaperçu au beau milieu d’un carnaval (qui s’étend de l’entrée d’une auberge au mur du fond, cinq mètres plus loin). Les personnages ne sont de toute façon pas le point fort de Maciste contre Zorro, puisque Lenzi se permet en outre de rater l’énorme opportunité qui lui était faite de verser dans la politique à travers le personnage de Rabek et de ses hommes. Le chef n’est qu’un vil comploteur raté évoquant les pirates d’Astérix et ses sbires sont une horde d’ivrognes passant la quasi totalité de leur présence à l’écran à picoler en riant comme des bossus. En comparaison, l’espiègle Zorro affiche une insolente réussite, puisqu’il commence par s’évader d’un pays qui l’avait condamné à mort avant de se faire ramener en carriole par la très bête princesse Isabella, qui ne devinera la véritable identité de son employé que dans l’ultime scène du film (le spectateur, lui, l’aura deviné bien avant). La route des deux héros ne se croise hélas que trop rarement, et en réalité seule une scène les fera se battre l’un contre l’autre, dans un improbable duel où Zorro combat à l’épée un Maciste armé d’une poutre ! Umberto Lenzi, même pas dix films au compteur et déjà peu regardant sur ses scénarios, ne tremble jamais devant les incohérences. Sa gestion spatiale est catastrophique et il se prend régulièrement les pieds dans le tapis en parlant du pays voisin, un coup séparé par la mer et la fois d’après accessible en marchant. Il est également difficilement compréhensible que Isabella soit amoureuse de l’homme derrière le masque de Zorro, alors que Zorro lui-même ne vit pas à Nogara. Plus compréhensible vu le budget réduit mais aussi plus rigolo, le réalisateur nous montre ce qui doit être le pire crocodile jamais vu au cinéma, une espèce de rectangle en carton terminé en une mâchoire hâtivement découpée qui ne s’ouvre que du côté supérieur.
Malgré tout cela, et c’est bien là la magie d’Umberto Lenzi, Maciste contre Zorro reste un film très agréable, riche en péripéties inventives. C’est d’ailleurs cette inventivité qui provoque certains des défauts, tels que ce fameux crocodile miteux avec lequel Maciste partage une cellule ou encore cette incapacité qu’a le même Maciste à défoncer une porte en bois alors qu’il vient de soulever la grille d’une prison. Le réalisateur met autant d’allant du début à la fin, même pas lassé par des acteurs médiocres, des effets spéciaux rudimentaires et un scénario foutraque. Même si il limite l’opposition entre Maciste et Zorro à une seule occurrence, il truffe son film de combats, de rebondissements de palais et d’humour (surtout grâce à Zorro, très taquin), laissant même parfois entrevoir le chantre la violence qu’il deviendra une dizaine d’année plus tard (c’est le cas lorsque Maciste embroche deux hommes sur une barre en fer). On peut reprocher bien des choses à Maciste contre Zorro, mais certainement pas de manquer de rythme. C’est un film d’aventure palpitant, près à sacrifier sa respectabilité (rien que le titre ne fait pas sérieux !) sur l’autel de la générosité sans pour autant se prendre pour un rival de Spartacus. Ainsi, tous les grands sentiments, qu’ils soient positifs ou négatifs, sont amenés avec une désinvolture confinant à l’auto-parodie annihilant toute solennité qui n’aurait pas été sa place. Umberto Lenzi commence à se forger son propre style, qui ne fera certes jamais de lui le meilleur des réalisateurs italiens, mais qui le placera certainement parmi les plus sympathiques.