La Bataille de Marathon – Jacques Tourneur
La Battaglia di Maratona. 1959Origine : Italie / France
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Cinéaste éclectique plus connu pour ses films fantastiques (La Féline, Vaudou ou encore Rendez-vous avec la peur), Jacques Tourneur ne pouvait pas passer à côté du péplum, genre qui connaissait alors son heure de gloire. La Bataille de Marathon en constitue sa seule et unique incursion pour un résultat qui ne lui appartient pas totalement, le producteur Bruno Vailati et le chef opérateur Mario Bava s’étant partagés le tournage de la bataille finale suite à un dépassement de délai.
Pour l’occasion, Jacques Tourneur revient sur la première guerre médique qui a opposé les Grecs à l’Empire Perse en 490 av. J.C., près du village de Marathon, à 40 km d’Athènes. La distance revêt son importance car c’est de cet épisode historique que découle le marathon, rude épreuve sportive s’il en est. Deux hypothèses se disputent la paternité de cette discipline. La première voudrait qu’un guerrier soit mort d’épuisement après avoir rapporté à Athènes, en courant, la nouvelle de la victoire grecque contre les Perses. La seconde provient des écrits de Hérodote, historien grec dont l’oeuvre sert de source principale pour l’étude des guerres médiques. Dans ses textes, il fait mention du héros grec Phidippidès, courant jusqu’à Sparte demander du renfort. A une lettre près, c’est lui que nous retrouvons dès le début du film, celui-ci s’ouvrant sur ses exploits lors des Olympiades de l’an 490 av. J.C. D’une force peu commune, Philippidès (Notez le changement !) survole les débats, et sa victoire lui vaut d’être promu chef de la garde sacrée. Lui, l’homme de la terre aux ambitions modestes, se retrouve propulsé au coeur de magouilles politiques qui lui passent largement au-dessus de la tête. De ce marasme politique se révélera sa nature héroique.
La Bataille de Marathon rend hommage à tous les athlètes qui ont un jour participé aux Olympiades. Ils trouvent en Philippidès un fier et valeureux représentant. Interprété par Steve Reeves, une des stars du péplum, il possède une force hors du commun, digne de celle d’un demi dieu. Mais derrière cette stature massive se cache un homme en proie au doute. Philippidès n’est pas homme à guerroyer. Il n’entend rien au maniement des armes et leur préfère la lutte, un combat loyal au corps au corps. Sa nouvelle fonction de chef de la garde sacrée fait de lui un homme important de la cité dont la voix compte. Lui qui n’avait alors qu’à affronter les regards enamourés d’une foule en délire, devient, du fait de sa promotion, un objet de convoitise de la part de quelques individus peu scrupuleux, qui vendraient leur cité en échange d’un haut poste. Déjà à l’époque, il était de bon ton de s’afficher avec une célébrité. Pauvre Philippidès qui ne sait plus où donner de la tête entre Théocrite, malin félon, Karisse, aguichante esclave qu’on lui a jeté en pâture, et Andromède, belle jeune femme dont le simple regard l’a rendu fou amoureux. Dans sa première moitié, La bataille de Marathon tend vers le soap tendance Feux de l’amour avant l’heure. Karisse aime Philippidès, qui lui préfère Andromède, cette dernière souffrant d’être promise à Théocrite qui lui répugne. Théocrite qui a poussé Karisse dans les bras de Philippidès pour l’amadouer, ce dernier plaisant beaucoup à Andromède mais qui se jette dans les bras de Karisse lorsqu’il apprend que Andromède doit épouser Théocrite.
Jacques Tourneur délaisse le spectaculaire au profit de petits jeux amoureux et des atermoiements de Philippidès. Heureusement, les Perses ont la bonne idée de lancer l’assaut. Nous assistons alors à une bataille dans la plus pure tradition de l’époque, pas d’effusions de sang et chutes de rochers fleurant bon le carton pâte. Philippidès s’est brillamment illustré pendant la bataille, pas assez cependant pour briguer le statut de héros. Pour cela, il lui faut faire preuve de davantage de bravoure et sauver une demoiselle en détresse. Conciliante, Andromède se fait kidnapper par le décidément odieux Théocrite qui est allé se faire voir chez les Perses. Et le destin héroique de Philippidès de se mettre en marche. Chargé de rallier Athènes pour organiser la défense de la cité par la mer, il perd son cheval en route et boucle le trajet en courant. Ensuite, on assiste à un défilé d’hommes musculeux et affublés de slips kangourous, prompts à faire se pâmer les rares demoiselles égarées devant un tel spectacle. Et c’est parti pour la grande bataille navale finale, à la violence nettement plus exacerbée que la précédente. Jets de sang et autres lances enflammés transperçant les corps plus que de raison, sont autant d’indice qui atteste d’un changement de metteur en scène.
Sur fonds d’intrigues politiques faisandées, Jacques Tourneur nous invite en réalité à l’union de deux êtres que tout sépare, mais que les événements vont conduire à vivre une prometteuse histoire d’amour. Le vaillant et beau sportif, sauveur d’Athènes et la belle princesse, sauvée des griffes d’un vil comploteur, unis pour le meilleur et pour le pire au sein d’un film qui privilégie le pire au meilleur. Jacques Tourneur se soucie comme d’une guigne des passages obligés d’une telle épopée, et nous offre un film peu inspiré dans lequel il nous est bien difficile de distinguer sa “patte”. La Bataille de Marathon a tout du film de vacances, ses plages, sa mer d’un bleu profond et ses autochtones rigolos qui se donnent en spectacle. La noirceur généralement de mise dans ses autres oeuvres a fondu sous le chaud soleil italien pour un résultat assez fade.