Histoires fantastiques 2-11 : Et si jamais… – Joan Darling
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Amazing Stories. Saison 2, épisode 11What if…?. 1986.Origine : États-Unis |

En dépit des apparences, Jonah Kelly est un enfant bien malheureux. Ses parents ne lui accordent pas beaucoup d’attention, trop occupés qu’ils sont par leur métier et l’envie de décompresser la nuit venue en enchaînant les soirées. Passer du temps en famille n’est que le cadet de leurs soucis. Un matin de semaine, livré à lui-même, Jonah doit se rendre à son école par ses propres moyens. En chemin, il semble vouloir se trouver de nouveaux parents, sans succès. Le soir, de retour chez lui, tout lui paraît à la fois étrange et familier. La maison est la même mais tout concourt à penser que lui n’est pas encore né.

Figure récurrente de la série, l’enfant s’y retrouve décliné à toutes les sauces de l’angélisme. Mêmes lorsqu’ils apparaissent sous leur jour le plus turbulent et facétieux, la conclusion de l’épisode s’empresse de les ramener dans le droit chemin. Dans le cadre d’une série familiale, cette figure ne doit souffrir d’aucune ambiguïté. Déjà réalisatrice de La Baby-sitter, ce fameux épisode de la première saison où deux frères désoeuvrés s’amusaient à terroriser leurs baby-sitters jusqu’à ce qu’ils reviennent à de meilleurs sentiments sous l’impulsion d’une nounou pas comme les autres, Joan Darling récidive dans l’évocation de l’enfance. Elle s’appuie cette fois-ci sur un scénario signé de Anne Spielberg, l’une des deux soeurs de Steven Spielberg qui compte comme principal fait d’arme d’avoir écrit Big, qui évoque le malheur de ces enfants mal aimés, voire pas désirés. Le ton n’est donc pas à la gaudriole, mais pas au désespoir non plus. Avec ce titre en mode invocation de conte, Et si jamais… offre en quelque sorte une seconde chance à Jonah. Celle de (re)naître au sein d’une famille aimante et attentionnée.

Jonah nous apparaît comme un enfant plutôt calme dont le seul tort est de laisser traîner ses affaires un peu partout dans la maison. Oh, trois fois rien : une petite voiture dans la chambre de ses parents, quelques autres dans le salon, un livre dans la montée d’escalier et, comble de l’ignominie, des dessins accrochés sur la porte du frigo. Des traces de vie que ses parents récusent. Pour eux, tout cela ne doit pas sortir de sa chambre à coucher. Il y a là comme une volonté inavouée de maintenir leur fils à l’écart de leur existence, de le cacher aux yeux des autres jusque dans le moindre détail (il dort dans un lit escamotable). Seule dans la confidence en sa qualité de baby-sitter attitrée de la famille, Marsh ne témoigne pas plus d’attention à cet enfant qui n’est pour elle rien d’autre qu’un gagne-pain. Joan Darling accentue ce décalage en filmant Jonah dans un environnement pas du tout adapté. Tout paraît trop grand pour lui, les meubles trop haut, ce qui l’oblige à de périlleuses acrobaties ne serait-ce que pour pouvoir se servir un verre de lait ou se confectionner son repas du midi. Des tâches dont ses parents se désintéressent, davantage préoccupés par l’apaisement de leur gueule de bois ou la préparation de leur prochaine soirée que par les actions parentales du quotidien. Une violence sourde se fait ressentir, non pas physique mais mentale. Cet enfant qui en vient à supplier ses parents de ne pas sortir par peur de les perdre les a en fait déjà perdus. Des suppliques qui restent lettre morte se heurtant à l’indifférence pleine et entière de parents qui n’en ont que le statut, pas l’étoffe. De ce sujet lourd, et finalement peu abordé, Anne Spielberg en fait un conte à la naïveté aussi confondante que fort pratique dans le cadre de la série. Ce garçonnet livré à lui-même ne court aucun danger et la tristesse de son quotidien demeure un état passager. Une sorte de transit sous le regard protecteur d’un homme chargé d’assurer la sécurité des enfants qui traversent le passage piétons devant l’école primaire. Un passeur qui saura trouver à Jonah l’écrin parfait pour qu’il puisse passer une enfance épanouissante au sein d’un foyer aimant et, on le suppose, à hauteur d’enfant.

Voilà un épisode bien gentillet comme on ne les compte plus au sein de la série. Cependant, celui-ci s’écarte sans crier gare dans ses dernières images de la représentation consensuelle de la famille. Du nouveau cocon familial promis à Jonah, on ne voit que la mère, dont la joie et l’amour à donner semblent compter pour deux. A l’inverse de son frère Steven, qui a fait de l’absence paternelle un motif récurrent de son cinéma, Anne Spielberg place la figure maternelle au centre de tout. C’est elle qui détient les clés du bonheur et devant laquelle Jonah fond, subjugué par tant de vitalité et de gentillesse. En comparaison au couple du début, trop centré sur lui-même, la “seconde” mère de Jonah coche toute les cases de ce qu’un enfant est en droit d’espérer d’une maman. En somme, pour qu’un enfant soit heureux, il suffit qu’il soit aimé. Une vision un peu simpliste mais finalement très personnelle de la part d’une scénariste qui a fait de l’enfance la clé de voûte de son travail d’écriture.



