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Dragnet – Tom Mankiewicz

Dragnet. 1987

Origine : États-Unis
Genre : Paire de flics
Réalisation : Tom Mankiewicz
Avec : Dan Aykroyd, Tom Hanks, Christopher Plummer, Harry Morgan, Alexandra Paul, Dabney Coleman.

Toute une série de délits allant de l’incendie des entrepôts abritant le numéro anniversaire de la revue érotique Bait aux vols de quelques spécimens d’un zoo en passant par la disparition d’une robe de mariée chez une civile, met la police de Los Angeles en ébullition. Invariablement, elle retrouve sur les lieux du crime une carte de visite à l’effigie des Païens, un groupuscule d’affreux jojos faisant la guerre aux bonnes manières. Excédé, le Capitaine Bill Gannon désigne alors son meilleur homme pour régler cette l’affaire, le Sergent Joe Friday. Et pour l’aider dans sa tâche, il se voit adjoindre un nouveau partenaire, le fougueux Pep Streebek.

Pas toujours facile d’être fils de lorsqu’on s’aventure dans le même milieu que son géniteur. Les comparaisons vont souvent bon train et sont rarement en faveur du rejeton si tant est que le paternel fusse bon dans son domaine. Ce qui était le cas de Joseph Mankiewicz, auteur de grands films dans des genres aussi divers que le western (Le Reptile), le thriller (Le Limier) ou encore le fantastique (L’Aventure de Madame Muir). Pas fou, Tom Mankiewicz s’est donc fait une place à Hollywood en tant que scénariste le plus souvent amené à travailler sur de gros projets (trois James Bond à cheval entre la période Sean Connery et celle de Roger Moore, les deux premiers SupermanLe Pont de Cassandra, …), avec néanmoins toujours dans le coin de la tête une réelle envie de passer à la réalisation. Et c’est de la télévision que viendra son salut. Tout d’abord de manière directe par l’entremise de la série Pour l’amour du risque dont il en réalisera le pilote suivi d’une douzaine d’épisodes, puis de manière indirecte puisque Dragnet n’est autre que l’adaptation cinématographique de la série éponyme, 8 saisons entre 1951 et 1959 puis 4 dans sa version des années 60 sous le nom Dragnet 1967.

Sorti durant les années 80, Dragnet dans sa version cinéma s’apparente de prime abord à un buddy movie bien dans la tradition. L’introduction du personnage de Pep Streebek, joué par l’encore débutant Tom Hanks, va dans ce sens. Alors que Joe Friday se montre toujours impeccable, rasé, les cheveux coupés courts et le costume bien taillé, Pep se présente comme son exact contraire, le cheveux long, la barbe de trois jours et habillé comme l’as de pique. Une entrée en matière qui augure d’une litanie de poncifs que le film contourne habilement. Leur opposition ne constitue pas le moteur de l’action et se limite globalement à des divergences de vues quant à la manière d’exercer leur profession. Joe Friday représente la rigueur jusqu’à l’excès, héritière des années 50 qui ont vu naître la série, quand Pep Streebek se fait le dépositaire d’une désinvolture toute contemporaine. En somme, deux époques se télescopent au travers des deux personnages qui s’avèrent plus complémentaires que réellement opposés. Les scénaristes, Dan Aykroyd et Tom Mankiewicz en tête, abordent le film en témoignant une grande déférence envers la série. D’ailleurs, davantage qu’une adaptation à proprement parler, le Dragnet cinématographique joue la carte de la continuité. Ainsi, l’oncle qui a donné le goût de l’uniforme à Joe Friday n’est autre que Jack Webb, créateur et acteur principal de la série, dont le portrait trône sur le bureau de son successeurs des années 80. De même, le supérieur hiérarchique de Friday et Streebek se trouve être Harry Morgan, interprète de l’inspecteur Bill Gannon dans la version des années 60 et donc ici promu capitaine. Le film fourmille ainsi de références à la série qui si elles échapperont à beaucoup ne nuisent nullement à la dynamique de l’ensemble. Et pour ceux qui comme moi écoute le groupe anglais Art of Noise, ils auront la surprise de reconnaître certaines répliques du film (en V.O, cela va de soit), lesquelles avaient été samplées pour le remix de leur réorchestration du thème musical.
Sous couvert d’une grande fidélité envers l’œuvre adaptée jusqu’à l’utilisation de la voix-off, Joe Friday commentant l’évolution de son enquête tout au long du récit avec un petit aparté de Pep lorsque le premier est mis à pied, Tom Mankiewicz n’en a pas moins une histoire à raconter. Il choisit de confronter la rigidité de Joe Friday au Los Angeles contemporain par le biais de la satire. Gentille, la satire. On est même plus proche de la farce avec cette secte bigarrée qui souhaite déverser toujours plus de méchanceté sur le monde. L’un de ses membres éminents, campé par le gigantesque Jack O’Halloran et déjà de l’aventure des Superman sous les traits de l’un des kryptoniens dissidents, fait même souffler un vent cartoonesque par certaines de ses interventions. Visuellement, la grande messe sacrificielle navigue entre le Ku Klux Klan, l’incontournable régime nazi pour les banderoles et le sabbat des sorcières. Et au milieu de tout ça, notre duo surenchérit dans le grotesque, Joe grimé en punk et Pep en septième membre des Village People. La finesse du trait n’est pas la qualité première du film, à l’image de Jerry Caesar, double grossier de Hugh Heffner, le patron de Playboy. Néanmoins l’intrigue n’hésite pas à dénoncer l’hypocrisie des grandes instances sur fond de campagne électorale locale, l’Église en tête par l’entremise de l’un de ses représentants, un Révérend particulièrement friand de pouvoir et de médias. La charge est légère mais bel et bien présente et se marie plutôt bien à l’intrigue policière dont la résolution sonne comme une victoire à la Pyrrhus.

Dans l’amoncellement de buddy movie que les années 80 ont connu, Dragnet se révèle être une bonne surprise. Il le doit en partie à la belle complémentarité entre Dan Aykroyd et Tom Hanks et au fait que leurs personnages ne sont pas faits d’une seule pièce. Sans vous attendre non plus à des tréfonds de complexité, les relations entre Joe et Pep réservent quelques surprises, le premier n’étant pas toujours le plus moraliste des deux. Autour d’eux gravitent des personnages qui n’ont guère le temps d’être approfondis et si Christopher Plummer parvient malgré tout à tirer son épingle du jeu en une poignée de scènes, Alexandra Paul en vierge effarouchée n’a que son charme à faire valoir.

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