Moon 44 – Roland Emmerich
Moon 44. 1990.Origine : Allemagne
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En l’an 2038, une guerre économique se joue autour des diverses planètes dont la Galactic Mining Corporation exploite les minerais afin d’en tirer du combustible qu’elle revend sur Terre. Non seulement elle perd une à une toutes ses planètes mais des convois entiers sont détournés au profit d’une entreprise concurrente. Le président de la société décide donc d’envoyer un agent des services de la sécurité intérieure sur la dernière d’entre elles – Moon 44 – afin qu’il démasque le traître qui travaille pour la concurrence.
Depuis ses premiers pas de réalisateur, Rolland Emmerich lorgne abondamment sur le cinéma américain, parfois même de manière un peu trop voyante (Joey – E.T, même combat). Néanmoins, ses appels du pied finissent par payer et à l’occasion de Hollywood Monster, une coproduction Allemagne de l’Ouest – États-Unis, il met enfin un pied à Hollywood. Toutefois, l’expérience tourne court. Le film est très peu distribué à travers le monde et sombre dans l’oubli. Loin d’en prendre ombrage, Roland Emmerich se remet à l’ouvrage avec Moon 44. Si le financement est à nouveau 100 % allemand, le casting fait dans l’anglo-saxon avec notamment la vedette morte-née Michael Paré (Les Rues de feu, Philadelphia Experiment), la trogne patibulaire de Brian Thompson (Terminator, Cobra) et surtout Malcolm McDowell (Orange mécanique, Caligula, La Féline). Un pari payant puisque le film connaîtra une meilleure visibilité à l’international et sera même sélectionné au festival d’Avoriaz 1991.
Avec Moon 44, Roland Emmerich œuvre dans une science-fiction qui délaisse tout clinquant au profit d’un univers tangible et crasseux à la manière d’Alien et d’Outland. Il louche même du côté de Robocop lors du conseil d’administration qui ouvre le film. Le Président de la compagnie témoigne alors d’un cynisme à tout épreuve que n’auraient pas renié les huiles de l’OCP, affirmant sans ciller que l’enjeu n’est pas tant de conserver à tout prix Moon 44 et ses employés que de préserver le matériel d’exploitation, bien plus précieux à ses yeux. Bien que clairement identifié dès le départ, le véritable ennemi ne sera jamais inquiété a contrario du menu fretin comme ce repris de justice adepte du coup de la savonnette sous les douches ou le traître de service et son acolyte. Le Président de la Galactic Mining Corporation agit en toute impunité et répond de la manière dont il l’entend aux attaques de ses concurrents, sans se soucier d’un quelconque pouvoir politique au-dessus de lui. Clairement, le pouvoir économique a pris le pas sur le pouvoir politique. Son conseil d’administration s’apparente d’ailleurs à un conseil des ministres avec son représentant de la défense, un autre pour la recherche scientifique etc… Par souci de facilité, Roland Emmerich ne développe jamais ce versant de l’intrigue préférant aligner les poncifs autour de l’un de ces héros taciturnes dont le cinéma d’action aime à se complaire.
A sa manière, Félix Stone conjugue deux tendances du cinéma d’action des années 80 : le héros solitaire en butte à toute forme d’autorité et le buddy movie. Sûr de sa force, le verbe rare, Félix promène sa morgue avec l’assurance des mecs à qui il ne peut rien arriver. Il aurait d’ailleurs tort de se priver puisqu’il ne sera jamais vraiment mis en difficulté. La faute à des détenus forts en gueule mais peu enclins à réellement passer à l’acte, sauf s’il s’agit d’un jeune homme dont la trouille se lit sur le visage. La seule originalité du personnage réside dans ces livres qui l’accompagnent. Parallèlement à son travail pour les services de la sécurité intérieure, Félix a repris des études en lettres classiques et profite de ses missions pour potasser un peu. Se faisant, il se place sciemment au-dessus de la mêlée, signifiant à son entourage qu’il n’est décidément pas du même monde. Et c’est parce qu’il lui a emprunté un bouquin que le belliqueux Jake O’Neal finit par s’adoucir au point de jouer les sauveurs lors de l’assaut final, trouvant soudain une forme d’absolution par la culture. Comme quoi, Félix peut traîner son spleen et son air renfrogné en toutes circonstances, il n’en exerce pas moins une bonne influence sur certains de ses contemporains. Néanmoins, guère aidé par un Michael Paré en service minimum, le personnage manque trop de caractère pour être autre chose qu’une copie aseptisée d’un Snake Plissken auquel il fait parfois penser (ils sont notamment tous les deux abusés par leur commanditaire). En atteste cette dernière scène où dans une situation analogue Félix Stone fait preuve d’un je-m’en-foutisme teinté de lâcheté là où son homologue concluait New York 1997 par un doigt d’honneur pointé au nez et à la barbe de la société.
Le côté buddy-movie se retrouve dans la relation que Félix noue avec Tyler, l’employé qui a informé la société que des choses louches se tramaient. Félix est aussi taiseux que Tyler est bavard. Cependant, pour saisissant qu’il soit, le contraste n’apporte aucune dynamique au récit. Tout à sa mission, Félix se garde bien de s’occuper des affaires de son jeune partenaire, lequel se débrouille plutôt bien tout seul. Le jeune homme démontre un courage certain face aux prisonniers et se révèle en véritable leader de son groupe. En un sens, il est le vrai héros du film, l’un des rares qui connaît une évolution au cours du récit. En outre, il est le moteur des quelques péripéties qui viennent en rompre opportunément la monotonie. On ne le remerciera jamais assez pour ça.
Moon 44 ne dispose d’aucun atout pour faire chavirer les cœurs des amateurs de science-fiction. Plutôt que de donner chair à son contexte géopolitique, Roland Emmerich se complaît dans un spectacle bas du front et peu enthousiasmant, trouvant même le moyen de gâcher le talent de Malcolm McDowell, réduit à jouer les utilités. Et pourtant, au sein de la filmographie du réalisateur allemand, Moon 44 occupe une place de choix. C’est lors de ce tournage qu’il fait la rencontre de Dean Devlin, l’interprète de Tyler, qui dès son film suivant sera de toutes les batailles. D’abord en étant à l’origine du script de Universal Soldier puis en devenant son producteur attitré à partir de Stargate.