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The Element of Crime – Lars von Trier

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Forbrydelsens element. 1984

Origine : Danemark
Genre : “il pleut sur ma mémoire”
Réalisation : Lars Von Trier
Avec : Michael Elphick, Me Me Lai, Esmond Knight, Jerold Wells…

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Après 13 années passées au Caire, L’inspecteur Fisher revient en Europe pour enquêter sur une série de meurtres qui vise de jeunes vendeuses de billets de loterie. Pour se remettre dans le bain, il rend visite à son mentor, Osborne. Ce dernier lui fait part de l’enquête qu’il a menée en solitaire et de l’identité de son suspect, Harry Grey. Lui faisant entièrement confiance, Fisher part sur les traces du mystérieux Harry.

Premier film de Lars von Trier, The Element of Crime marque les débuts d’une longue histoire d’amour entre le festival de Cannes et le cinéaste. Le premier a permis à la carrière du second de connaître un rayonnement international via moult prix, dont deux palmes d’or. Histoire de marquer le septième art de son empreinte, Lars von Trier initiera par la suite le dogme, un mouvement qui exclut tout recours aux artifices pour aboutir à un résultat proche du naturalisme. Si ce mouvement n’a pas fait long feu, il est amusant de le mettre en parallèle avec la première œuvre de Lars von Trier, qui apparaît comme sa véritable antithèse.

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The Element of Crime baigne dans un climat de déliquescence totale. Le film nous dépeint un monde rongé par la rouille, qui macère dans une constante humidité. Plus précisément, c’est de l’Europe dont il s’agit. A aucun moment les personnages évoquent le nom de la ville dans laquelle ils se débattent. C’est comme si tout le continent avait sombré d’un même élan dans cette ambiance glauque à souhait, et qu’il n’était désormais plus possible de distinguer tel ou tel pays. Cela fait l’effet d’une Europe à bout de souffle, proche de sa fin, alors que le reste du monde se porte comme un charme, à l’image du Caire, véritable havre de paix que Fisher ne cesse de regretter tout au long de ses investigations. Tout de blanc vêtu, Fisher tranche dans ce décor post apocalyptique. Il ne reconnaît plus du tout ce continent qu’il a été contraint de quitter, et il se sent en total décalage avec les gens qui l’entourent. La visite à son mentor s’apparente à une tentative désespérée pour surnager dans cet univers qui le dépasse, et un bon moyen pour retrouver ses automatismes d’inspecteur de police. Éminent professeur à l’école de police, Osborne a écrit de nombreux ouvrages portant sur la criminologie, dont le plus réputé donne son titre au film. Dans ce livre, il expose une technique d’investigation toute personnelle qui enjoint l’enquêteur à s’identifier à sa proie, afin de pouvoir anticiper la moindre de ses réactions, et aussi faciliter son arrestation. Une méthode qui renvoie à celle développée par Thomas Harris dans son roman Dragon rouge, que Michael Mann a adapté à l’écran en 1986, sous le titre de Manhunter. A trop s’identifier au tueur, Will Graham, personnage central du roman, perdait pied et subissait quelques sérieux troubles psychologiques. Il en va de même pour Fisher. Ce mode d’investigation s’avère très délicat dans la mesure où il tend à brouiller la frontière entre le bien et le mal. En poussant l’identification au-delà des limites du raisonnable, Fisher devient une sorte de double de Harry Grey, reproduisant le moindre de ses faits et gestes, jusqu’au point de non retour. Plus Fisher s’éloigne de sa propre personnalité au profit de celle du tueur, plus il fait corps avec le chaos ambiant. Cette percée dans la pensée du meurtrier se double d’une percée dans les arcanes d’une société à la violence exacerbée, qui se recroqueville sur elle-même, et qui finit par se liquéfier totalement.

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Lars von Trier se révèle un bien piètre conteur. Il se désintéresse totalement de l’intrigue, il est vrai plutôt quelconque, au profit de sa mise en scène. Il multiplie les angles de caméra les plus inattendus et les plus tarabiscotés, au détriment d’une réelle continuité narrative. Il nous est ainsi bien malaisé de nous sentir concernés par cette enquête, qui apparaît très vite comme secondaire. Construit comme un long flashback, The Element of Crime prend des allures de film noir pour mieux s’en détacher, et se faire le témoin de la chute d’une civilisation à travers la chute de son personnage principal. Esthétiquement, Lars von trier et ses collaborateurs ont effectué un travail prodigieux, ce qui permet au film de se distinguer de la masse. Mais un beau livre d’images n’a jamais produit un bon film, et les réalisateurs qui ont trop tendance à se regarder filmer m’ont toujours beaucoup ennuyé.

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