Sans issue – Harley Cokeliss
Black Moon Rising. 1986Origine : Etats-Unis
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Quint (Tommy Lee Jones) est un cambrioleur professionnel qui offre ses services à qui veut bien lui régler ses émoluments. Mandaté par le FBI, il s’empare d’une cassette informatique contenant d’importants renseignements fiscaux. Pourchassé par les victimes, il cache en toute hâte ladite cassette dans une voiture prototype, la Black Moon. Le soir même, alors qu’il s’apprête à remettre la main sur le précieux document, un gang de voleurs de voitures, mené par la mystérieuse Nina (Linda Hamilton), s’empare du véhicule à son plus grand désarroi. Parvenant à leur coller au train au prix d’une folle course-poursuite, il sait désormais où trouver la Black Moon : le building high-tech du riche Ryland (Robert Vaughn). Reste à trouver un moyen d’y pénétrer.
Hollywood est une vraie machine à recycler. Prenez un vieux scénario datant du milieu des années 70 et il se trouvera toujours quelqu’un pour le sortir des limbes et en tirer quelque chose. A plus forte raison si l’auteur dudit scénario s’est depuis fait un nom dans le milieu cinématographique, toujours pratique pour prévendre un film. C’est donc ce qu’il est advenu d’un scénario rédigé par John Carpenter en 1974 et qui 12 ans plus tard a abouti à ce Sans issue signé Harley Cokeliss. Le hic, c’est que ce qui pouvait apparaître comme original dans le script de l’époque l’est beaucoup moins au moment de sa réalisation. Prenons le cas de la Black Moon qui donne son titre au film dans sa version originale. Dans les années 70, le cinéma ne compte encore aucun bolide d’aspect futuriste filant à des vitesses extraordinaires. Or, lorsque Sans issue sort sur les écrans, il a déjà été précédé dans le domaine par la Jet-Car des Aventures de Buckaroo Banzaï à travers la 8e dimension et la Delorean du Docteur Brown de Retour vers le futur. Deux véhicules qui font entrer ces films de plain-pied dans le fantastique. En outre, ils constituent des éléments moteurs du récit. Rien de tel dans Sans issue, la Black Moon étant reléguée au rang de simple accessoire par des scénaristes qui ne savent visiblement plus quoi en faire. Un peu à l’image de Ryland, dont la découverte du prototype au milieu des voitures qu’il avait commandé ne suscite pas une once d’enthousiasme de sa part. La Black Moon dort donc durant une bonne partie du film dans un coin du garage de l’immeuble high-tech du milliardaire, pour ne servir aux héros qu’à la toute fin et offrir au film son morceau de bravoure, par ailleurs déjà éventé par le visuel de l’affiche originale. Mais à aucun moment le prototype représente un enjeu de l’histoire autre que celui de cachette pour la cassette informatique dérobée par Quint. En fait, seuls ses concepteurs et son pilote essayeur s’en préoccupent. Quant à Nina, passée son caprice initiale, elle l’oublie bien vite dans les bras de Quint.
Il est donc inutile de rechercher la patte de John Carpenter dans cette histoire. Quint n’est pas Snake Plissken. Bien qu’individualiste, le personnage interprété par Tommy Lee Jones n’hésite pas à se vendre au plus offrant, quel qu’il soit. A ce titre, il s’inscrit davantage dans l’ère reaganienne que dans la lignée des francs-tireurs chers au réalisateur de New York 1997. Et puis le personnage pâtit surtout d’un scénario incapable de donner corps à un récit cohérent et donc impropre à en faire une figure héroïque digne de ce nom. Du début à la fin, Quint demeure un petit voleur sans envergure dont la seule ambition consiste à remettre la main sur les fichiers volés, afin de calmer le courroux de l’agent du FBI pour lequel il roule. Par rapport à ces documents, il n’y aura aucune prise de conscience quant à son contenu ni aucun rebondissement d’aucune sorte les concernant. Ces fichiers se limitent à un strict rôle de McGuffin, et ne servent la cause d’aucun discours ou pied de nez vis-à-vis de la société de l’époque. Quint n’est qu’un béni-oui-oui –ou un grand professionnel, c’est selon– qui ne fait que ce pour quoi on le paie, rien de plus. A côté de lui, Nina apparaît comme une dangereuse rebelle. De prime abord, elle a l’air d’une femme tout ce qu’il y a de plus respectable, sûre d’elle et indépendante. Mais sous ses atours de femme du monde se cache en réalité une véritable furie. Nina n’est pas du genre à s’aplatir devant les hommes, comme peuvent en témoigner ce pathétique dragueur de comptoir et Ryland, son employeur qu’elle envoie bouler lorsque celui-ci lui rappelle avec un peu trop d’insistance que lorsqu’il ordonne, elle doit s’exécuter. C’est une femme qui en a. Elle aime les grosses cylindrées et la culture orientale (dans son appartement, le futon voisine avec une bécane), s’entoure d’un halo mystérieux …mais elle n’est en fait qu’une midinette en pleine crise d’adolescence. Ryland incarne la figure paternelle qui l’a sortie de la rue et contre l’autorité duquel elle se retourne, agacée qu’il soit toujours derrière elle. Et pour achever de l’énerver, elle s’acoquine avec le blouson noir du coin –Quint–, à qui elle ouvre en grand les portes de son intimité. Au passage, le film paie son tribut à cette convention purement hollywoodienne qui voit trop souvent le héros profiter des largesses de la femme qui partage ses aventures. Ce n’est pas la seule convention qu’on retrouve, d’ailleurs. Pourtant munis de pistolets mitrailleurs, les divers hommes de main font preuve d’une telle maladresse lorsqu’il s’agit de tirer sur le héros, qu’on en vient à se demander si il ne faut pas plutôt y voir là aussi un signe de rébellion. Ou alors il s’agit d’un acte charitable de la part de sous fifres qui seraient bien embêtés à l’idée de piquer la vedette au méchant de l’histoire. Et encore, ce serait faire trop d’honneur au personnage de Ryland que de l’évoquer comme tel. A l’instar du héros, lui aussi manque totalement d’envergure. Il n’est que le banal chef d’une entreprise délictueuse de vols de voitures de luxe dont on ne sait trop si ses deux immeubles high-tech ont vocation à devenir un musée de la contrebande autoroutière ou tout simplement le parc d’exposition destiné à sa clientèle. Alors mis à part hausser le ton contre Nina (en vain) et se rincer l’œil devant ses ébats (le bonhomme est fan des caméras de vidéosurveillance), Ryland se contente de faire de la figuration. Il se fiche de la Black Moon, ignore tout de la présence des fichiers informatiques dans celle-ci… bref, il n’a rien à voir avec toute cette histoire mais il va tout de même en pâtir. Franchement, si je me laissais quelque peu aller à la sensiblerie, je le plaindrais presque.
Sans issue. A y regarder de plus près, le titre français de Black Moon Rising s’avère des plus judicieux. Quelque soit la qualité du scénario d’origine, le produit fini sent trop le rafistolage pour que le résultat puisse être autre chose que cette somme d’éléments disparates à l’intrigue résolument molle. Si ce n’était la présence de Tommy Lee Jones et de Linda Hamilton, ce Sans Issue ne dépareillerait pas en tant qu’épisode de la série K-2000. Quoique la série savait ne pas se prendre au sérieux. Ce n’est malheureusement pas le cas de Harley Cokeliss qui après Le Camion de la mort, confirme qu’il n’a pas la main heureuse avec les véhicules motorisés.