CinémaComédie

Nous ne sommes pas des anges – Neil Jordan

nousnesommespasdesanges

We’re no angels. 1989

Origine : États-Unis 
Genre : L’habit ne fait pas le moine 
Réalisation : Neil Jordan 
Avec : Robert De Niro, Sean Penn, Demi Moore, Hoyt Axton…

Compagnons de cellule, Ned et Jim (Robert De Niro et Sean Penn) participent bien malgré eux à l’évasion du dangereux Bobby (James Russo), qui les abandonne à leur sort. Pour se tirer d’affaire, il leur faut gagner le Canada au plus vite, tout en prenant bien soin de passer outre les barrages des forces de l’ordre. Un quiproquo va les y aider. Pris pour deux sommités de la prêtrise, Ned et Jim se retrouvent embarqués au milieu des préparatifs de la fête de la Vierge, qui consiste notamment en un défilé entre la paroisse sise côté américain et celle installée côté canadien. Alors pour passer la frontière incognito, plus qu’une solution : jouer le jeu et croiser les doigts pour que la supercherie ne soit pas révélée.

A la manière d’un Paul Verhoeven avec La Chair et le sang, Neil Jordan est d’abord passé par le biais de la co-production avant de totalement céder aux sirènes hollywoodiennes. High Spirits, son précédent film, conservait ainsi un pied dans la culture irlandaise tout en se moquant –gentiment– des américains. Il franchit totalement le Rubicon avec Nous ne sommes pas des anges, qui lui permet de diriger des grands noms du cinéma local, du confirmé Robert De Niro à la star montante Sean Penn, en passant par la jeune espoir Demi Moore. Il s’agit là encore d’une commande pour laquelle, et ce pour la première fois de sa carrière, il ne participe pas à l’écriture du scénario, qui est l’œuvre du dramaturge David Mamet. Ce dernier, qui venait de passer à la réalisation avec l’excellent Engrenages (1987) puis Parrain d’un jour (1988), s’est fait la spécialité de récits retors aux apparences trompeuses. Si Nous ne sommes pas des anges joue effectivement la carte des faux-semblants, il le fait sur un mode humoristique, sans rien nous cacher de la supercherie qui constitue le sel du film.

Compte tenu de ce postulat digne d’un vaudeville qui promet des quiproquos à la pelle, l’entame de Nous ne sommes pas des anges a de quoi dérouter. Loin de jouer la carte de l’humour à tout prix, le film déroule un récit qui débute dans les profondeurs d’une mine-prison perdue au fin fond de l’Alaska des années 30 pour se clore dans une lugubre et boueuse bourgade frontalière dont la seule source d’amusement pour les habitants réside dans la fête annuelle de la Vierge. Neil Jordan et son scénariste inscrivent leur récit picaresque dans un réalisme sordide. Cette mine-prison où les pensionnaires joignent l’utile au désagréable prend des allures de succursale de l’Enfer. Dans cet établissement qui sent le soufre et la sueur, l’arbitraire règne en maître sous la coupe d’un directeur despotique. Le film déploie une violence frontale devant laquelle Ned et Jim apparaissent en complet décalage. Ils ont l’air trop gentils et trop niais pour cet univers impitoyable. Leur évasion s’effectue donc logiquement à l’aune d’un concours de circonstances favorables. Ils n’ont rien provoqué mais profitent allégrement de l’occasion, compensant leur manque de réflexion par un sens aiguisé de l’à-propos. C’est d’ailleurs la seule qualité que l’on peut leur reconnaître, tout leur périple reposant sur de fameux concours de circonstances. Et encore, des deux compères guère réputés pour leur intelligence, Ned est le plus réfléchi, Jim promenant son air hébété de bout en bout. Le cadet du duo n’est pas loin du simple d’esprit auquel, si l’on se fie à l’adage biblique, le royaume des cieux appartient. Car les deux bagnards en cavale ne peuvent pas se déguiser impunément en prêtres sans que la notion de rédemption prenne le pas sur leur soif de liberté. De fait, leur trajectoire ne dévie jamais d’une certaine morale. Tout imposteurs qu’ils soient, Ned et Jim ne provoquent pas de dégâts irréversibles au sein de la communauté religieuse. Le premier tente de faire profil bas lorsque le second se découvre une appétence pour la chose religieuse. Sa simplicité de raisonnement se marie bien avec le dénuement qui préside à l’existence de ces religieux, lesquels, en dehors des festivités, ont fait vœu de silence. Lui le taiseux, se découvrira une âme d’orateur lorsque son acolyte fera preuve de courage. Leur point commun : ils auront su ouvrir leur cœur. On nage dans un océan de bons sentiments qui a tendance à aplanir toutes les aspérités du récit jusqu’à l’ennui. Tout l’aspect religieux du film ne sert ainsi que de folklore, seulement propice à quelques gags faciles. Neil Jordan ne s’appesantit guère sur cette prison de l’esprit dans laquelle s’enferme volontairement Jim, ne conservant que l’imagerie du havre de paix qui accueille les brebis égarées.

Quel que soit le bout par lequel on le prend, Nous ne sommes pas des anges est un film tiède à la photographie grisâtre mais qui refuse de trop se complaire dans la noirceur au profit d’un ton plus détaché. Pour autant, le film échoue à être drôle. En cause des situations qui manquent de piquant, et surtout une interprétation catastrophique de la part d’un Robert De Niro qui tire la couverture à lui en cabotinant de manière éhontée. A l’époque, son interprétation outrancièrement mauvaise pouvait surprendre, tant le bonhomme enchainait les prestations majuscules. Aujourd’hui, elle se présente plus volontiers comme les prémisses d’un déclin définitivement acté. Face à lui, Sean Penn paraît bien fade, presque effacé. Quant à Demi Moore, elle n’est que la caution charme d’un récit qui ne lui laisse guère de place pour s’exprimer alors que son personnage, une veuve peu regardante quant aux moyens de ramener des sous à la maison pour élever sa progéniture, aurait mérité meilleur sort. Voilà un personnage de femme aux choix pleinement assumés, quand bien même sont-ils contraires aux bonnes mœurs, que le scénario s’évertue à utiliser comme simple vecteur de rebondissements, et encore, seulement lors de la scène finale. Un beau gâchis dont Neil Jordan saura très vite se relever, avec le surestimé Crying Game l’année suivante.

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