Mort ou vif – Gary Sherman
Wanted : Dead or Alive. 1987.Origine : États-Unis
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Panique sur Los Angeles. Le terroriste Malak Al Rahim est dans ses murs et annonce aux autorités que l’explosion d’un cinéma n’est que le prémisse de son action destructrice. La C.I.A prend l’affaire en main. Ou du moins délègue le sale boulot à un ancien de ses services devenu chasseur de primes, Nick Randall. Moyennant une grosse somme d’argent, celui-ci se lance aux trousses du terroriste, non sans se rendre compte qu’il est lui-même suivi. Il a la désagréable impression d’être le dindon d’une farce qu’il préférerait mitonner à sa sauce. Néanmoins, en bon professionnel, il est bien décidé à aller jusqu’au bout.
Mort ou vif marque une étape importante dans la carrière de Rutger Hauer. Lui qui démarrait son rêve américain en interprétant un terroriste (Les Faucons de la nuit de Bruce Malmuth – 1981), le voilà désormais passé de l’autre côté de la barrière et de gibier devient chasseur. Le personnage de Nick Randall lui offre en outre l’opportunité de rivaliser avec les gros bras de l’époque qui de Arnold Schwarzenegger (Commando) à Sylvester Stallone (Cobra) en passant par Chuck Norris (Invasion USA) ont tous eu la responsabilité d’éradiquer ces mauvaises âmes qui menacent la tranquillité des américains. Mort ou vif entretient par ailleurs l’idée saugrenue d’une filiation entre Nick Randall et Josh Randall, héros de la série Au nom de la loi, laquelle popularisa son interprète Steve McQueen, en une sorte de vœu pieux pour qu’il en aille de même pour Rutger Hauer. Et pour mettre les exploits de l’arrière petit-fils Randall en images, on retrouve derrière la caméra Gary Sherman (Le Métro de la mort, Réincarnations). En rupture de cinéma depuis l’âpre Vice Squad : descente aux enfers, lequel l’a contraint à un intermède télévisuel ponctué de deux téléfilms, Gary Sherman obtient là une nouvelle chance de reprendre le fil d’une carrière pour le moins décousue.
Dès son entame, Mort ou vif dresse un parallèle avec la série en reprenant des items propres au western, légèrement actualisés. En chasse, Nick Randall se rend dans un bar dont le nom laisse peu de place à l’équivoque (Les Cowboys), repaire des desperados qu’il poursuit, lesquels sont comme de juste affublés d’un stetson. Néanmoins, l’accrochage attendu n’aura pas lieu dans ce bouge mais dans une supérette tenue par des vietnamiens, symboles d’une blessure loin d’être cicatrisée et dont la présence sur le sol américain ravive de vieilles rancœurs pour ces américains bas du front. Le temps passe, la bêtise humaine demeure. Sous couvert de rendre justice, Nick Randall participe à sa manière à la déliquescence du monde. En digne représentant des années 80, il se laisse aller à l’ostentation au moment d’appréhender le suspect, tirant allègrement dans le décor là où les sommations d’usage auraient suffi. Et c’est avec une morgue de parvenu qu’il laisse un billet en guise de dédommagement au pauvre commerçant. Aux élans philanthropiques de son aïeul, il oppose un cynisme à toute épreuve teinté d’avidité. A l’entendre, il économise dans le but de remettre son bateau à neuf et ensuite tout plaquer pour partir parcourir le monde. Quant on voit la masse d’équipements qu’il amasse dans son antre, on peut douter de sa volonté de raccrocher. Et si à la fin du film, il s’accorde un geste de générosité, celui-ci se teinte d’un lourd sentiment de culpabilité. Ce Nick Randall n’a décidément rien d’un héros vertueux. La défense de la veuve et de l’orphelin, il laisse ça à d’autres. Taciturne, il fonctionne en solitaire après avoir avalé trop de couleuvres en bossant pour les services secrets de son pays. Ce qui ne l’empêche nullement de chercher le grand amour. Il pense d’ailleurs l’avoir trouvé en la personne de Terry, une hôtesse de l’air qu’il fréquente depuis 3 mois et dont le traitement superficiel vaut pour l’ensemble des personnages secondaires. A l’instar du détective Danny Quintz, le meilleur ami, il s’agit d’un personnage censé apporter un peu de nuance au côté dur à cuire de Nick Randall et préparer son implication émotionnelle lors du dernier acte. Avec sa base secrète (un entrepôt), les moyens dont il dispose (de multiples voitures, un stand de tir personnel, une armurerie très bien fournie même s’il utilise toujours les mêmes armes) et la tenue entièrement noire qu’il arbore au moment de régler ses comptes, Nick Randall s’impose en trait d’union entre le vigilante sauce Paul Kersey et le super-héros dans le style du Batman à venir. Le dernier plan trahit en outre la volonté d’en faire une figure tragique que le total déséquilibre de l’ensemble voue à l’échec.
Gary Sherman filme une ville de Los Angeles cafardeuse à souhait, dépourvue de tout attrait. L’essentiel du récit se déroule de nuit, et les rares passages diurnes sont dépourvus de soleil. Même la marina où se trouve amarré le bateau de Nick Randall ressemble à un cimetière de navires. Tous les ingrédients semblent donc réunis pour un polar sec et nerveux. Or très vite, Mort ou vif apparaît comme un polar à la structure incertaine, oscillant sans cesse entre noirceur et distanciation. Cela s’illustre notamment par la diffusion de Rambo dans le cinéma choisi pour cible, même si Rambo 2 aurait mieux collé au propos du film dont il partage cette défiance envers la C.I.A. Ce sont les membres de cette agence, et plus particulièrement leur chef John Lipton, qui passent pour les vrais méchants de l’histoire. Des gens capables de toutes les magouilles pour parvenir à leurs fins, jusqu’à se servir d’un ancien des services – Nick Randall – en guise d’appât. A côté, Malak Al Rahim et ses sbires ressemblent à des méchants d’opérette. Le summum du ridicule étant atteint durant le dernier acte où, sans raison puisqu’il s’agit de faire exploser une usine de produits chimiques, des terroristes en armes et vêtus comme Yasser Arafat, se cachent dans des barils et doivent en jaillir lorsqu’un coup de klaxon retentit. Une présence opportune pour ralentir la marche inexorable du chasseur de primes ivre de vengeance mais une sérieuse entorse à la crédibilité la plus élémentaire compte tenu de la finalité de l’action terroriste. De manière générale, la menace terroriste est fort mal gérée. Il est dit que Malak Al Rahim multiplie les actes terroristes mais à aucun moment ladite menace prend corps à l’écran, une fois passée l’explosion liminaire du cinéma où Gary Sherman aura bien pris soin d’en souligner l’ignominie en se concentrant sur cette enfant dont Al Rahim effleure la joue après avoir déposé la bombe, ou en se focalisant sur cette poupée noircie au milieu des décombres. Il en restera là de leur caractérisation des plus sommaires, enchaînant par la suite fusillades et poursuites automobiles avec une regrettable absence de rythme qui n’a d’égale que l’extrême pauvreté des dialogues dont voici un extrait : « La prochaine fois que tu voudras me baiser, Lipton, embrasse-moi d’abord. » – Phil Walker. Et encore s’agit-il là de la ligne de dialogue la plus amusante dans un salmigondis de bons mots au rabais.
Il n’y a décidément rien à sauver dans Mort ou vif, pas même la prestation de Rutger Hauer dont l’ennui apparent semble non feint. Qu’il paraît alors loin le temps des figures flamboyantes que sont Roy Batty (Blade Runner), le sanguinaire Martin (La Chair et le sang) ou encore John Ryder (Hitcher). Dans une logique de premier rôle à tout prix, il s’est enfermé dans la production sans saveur, des films pour la plupart inédits en salles et faisant la joie des vidéoclubs. Ce film qui aurait dû l’installer durablement parmi les gros bras hollywoodiens l’aura au final précipité dans l’oubli. En cela, le comédien partage le même sort que son réalisateur lequel, sorti de Poltergeist 3, une suite pour le moins dispensable, retournera dans l’anonymat de la télévision.
Une critique qui me fout le cafard… Rugter Hauer, à la difference des Chucks Norris ou Steven Seagal n’a jamais eu une place bien distincte dans le cinéma de genre tantôt gentil tantôt méchant, tantôt premier rôle, tantôt second rôle. Il ne m’a jamais vraiment attiré en tant qu’acteur. Hormis Hitcher, je ne me rappelle pas d’un film avec lui, et l’ennui que me provoque Blade Runner, ne me donne pas envie de le revoir dans celui-ci.
S’il avait plus de constance, comme James Belushi qui joue a peu près le même genre de personnage et qui arrive à alterner gentil et méchant dans des séries B de bonne facture: Retroaction, Fausse donne, Le Proviseur, Double détente. Au moins on en a pour notre argent.
C’est justement cette quête du premier rôle, et si possible pour des personnages positifs, qui a provoqué la perte de Rutger Hauer. Ce Mort ou vif puis plus tard Vengeance aveugle ou encore Killer Instinct, autant de mauvais films avec lesquels il espérait devenir l’égal des stars de l’époque… Un bien mauvais choix à l’aune de son excellent début de carrière sous la houlette de Paul Verhoeven, lequel lui offrait des personnages complexes où son talent éclatait de mille feux.
Ça ne lui a pas réussi en effet. Quand je pense à Rugter Hauer, je pense à des rôles de psychopathes, avec son regard bleu azur, il arrive à distiller une inquiétude, un malaise… alors quand il joue les gentils, ça dénote avec le personnage.
Étrangement, je le rapprocherai plus d’un Gary Busey dont le fils a repris le flambeau dans Hitcher 2 de Louis Morneau, largement meilleur que le remake avec Sean Bean qui a l’air de se demander ce qu’il fait là.