CinémaFantastique

Le Seuil du vide – Jean-François Davy

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Le Seuil du vide. 1974

Origine : France 
Genre : Fantastique 
Réalisation : Jean-François Davy 
Avec : Dominique Erlanger, Odette Duc, Pierre Vaneck, Jean Servais…

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Mon premier, Jean-François Davy, est un réalisateur qui à une exception près (le polar Traquenard) se fit connaître par ses comédies polissonnes et par son documentaire Exhibition sur le monde du porno, devenant l’un des pionniers de la pornographie française (nous parlons d’un temps où le classement X n’avait pas encore été inventé). Mon second est André Ruellan, alias Kurt Steiner, un auteur qui commença par publier des romans chez Fleuve Noir dans les années 50 avant de toucher à tout et de se rapprocher de l’école surréaliste. Mon troisième est Michel Lemoine, un acteur réalisateur bourlingueur apparu aussi bien dans des westerns que chez Jess Franco ou encore dans ses propres films X. Mon dernier est Roland Topor, autre surréaliste touche à tout à qui toute une jeunesse doit l’émission Téléchat, et avec qui Davy et Ruellan travaillèrent une paire de fois. Quand tous ces gens se réunissent pour un film (avec la complicité des réguliers de Jean-François Davy), le résultat a de quoi être licencieux… Et pourtant, bien qu’ils y soient tous mêlés à des degrés divers, Le Seuil du vide est un film fantastique on ne peut plus sérieux. Adapté par Davy du roman éponyme de Ruellan, prenant pour acteur Michel Lemoine et disposant d’un caméo de Topor, le film marche allègrement sur les traces de Roman Polanski, dont le Rosemary’s baby n’avait pas tapé dans l’œil d’un aveugle… à moins que le roman de Steiner n’ait grillé la politesse à Ira Levin, l’auteur du livre porté à l’écran par Roman Polanski. Car en effet Le Seuil du vide paru chez Fleuve Noir dix ans avant que le livre de Levin ne soit publié. N’ayant pas eu l’occasion de lire le livre de Ruellan, je ne pourrais donc dire si Davy le respecta scrupuleusement ou si il le révisa à la sauce Rosemary’s Baby. Toujours est-il que l’histoire est fort similaire :

Jeune peintre esseulée depuis que son amant diplomate est retourné auprès de sa famille aux Etats-Unis, Wanda Leibowitz (Dominique Erlanger) décide de quitter sa ville de Strasbourg pour essayer de faire connaître son art à Paris. Arrivée gare de l’est, il n’y a pas trace du Dr. Liancourt, l’ami de son frère qui devait venir la chercher. Demandant alors l’adresse d’un bon hôtel à un serveur, elle est abordée par Léonie Gallois (Odette Duc), une vieille femme qui lui propose de vivre dans une chambre meublée moyennant un loyer très abordable. Wanda saute sur l’occasion, et se retrouve donc dans une étrange pièce triangulaire où se trouve également une porte qui selon Léonie ne doit en aucun cas être ouverte. Autant pisser dans un violon : la jeune femme va l’ouvrir avant peu, découvrant un monde onirique qui va très vite virer au cauchemardesque lorsque Léonie, le Dr. Liénard (Pierre Vaneck) et une poignée d’autres personnes (dont elle-même) y seront aperçus sous un jour sensiblement différents de ce qu’ils semble être dans la réalité.

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Avant même que la fameuse porte ne soit ouverte, le spectateur sait déjà de quoi il retourne : l’étrangeté de l’appartement proposé par la vieille Léonie et le portrait dans le cabinet du Dr. Liénard, à l’effigie d’une femme ressemblant comme deux gouttes d’eau à Wanda, ne peut qu’annoncer un complot ne préfigurant rien de bon pour notre artiste peintre provinciale. Une vieille bien intentionnée, un docteur, un appartement sinistre et une jeune femme qui se sent seule, il n’en faut pas plus pour évoquer Rosemary’s Baby (surtout que Dominique Erlanger ressemble en plus à Mia Farrow, malheureusement sans les talents d’actrice). Il ne reste plus qu’à savoir quel est l’objectif du complot, chose qui sera annoncée de façon pour le moins téléphonée lors d’une des visites dans le monde interdit. Sans en dire trop, il s’agit d’un thème assez prisé dans le petit monde du fantastique, et qui en raison de racines philosophico-mythologiques est généralement traité de façon poétique. Davy ne le conçoit pas autrement, son film étant dominé par ce côté surréaliste que l’on retrouve dans la scène du viol diabolique chez Polanski (reprise d’ailleurs de façon presque identique à deux occasions) et qui est ici utilisé régulièrement dès que Wanda franchit le fameux “seuil du vide”… et même parfois en dehors. Le film se montre aussi relâché sur son scénario qu’il ne l’est pour les scènes oniriques, Davy ayant tendance (peut-être par impatience) à subordonner toute l’intrigue au surréalisme. On restera donc perplexes devant les flash backs qui dès l’introduction viennent agresser le spectateur pour présenter les pensées de l’héroïne, qui sont adressées à son amant (Michel Lemoine) reparti aux Etats-Unis. Ce n’était pas forcément la peine d’adopter ce point de vue, qui n’est qu’une mise en contexte. De même, les visions de “l’autre monde” déteignent sur la réalité, lorsque les masques tombent pour révéler véridique tout ce que Wanda ne croyait être que fantasmes. Dès lors, on se demande bien à quoi sert la fameuse porte, puisque le complot et ses principales étapes ont lieu dans la réalité. Attirée par les étrangetés aperçues, qui la marquèrent en temps qu’artiste (sa premiere vraie incursion au-delà du seuil est effectuée pour peindre une toile), Wanda ne conçut ses visions que sous l’angle poétique. Un bal chez le propriétaire d’une galerie d’art (recommandé à Wanda par Léonie) donnera vie à ses fantasmes, ce qui la plonge dans la folie et le film dans l’épouvante. Après avoir été onirique, le fantastique devient donc inquiétant et s’accompagne également d’une légère dose de comédie, puisque le bal en question, costumé, ressemble beaucoup à celui du Bal des Vampires (tout le monde y étant fringué comme à la belle époque). Toujours de Polanski… Le Seuil du vide ne sortira alors plus de cette confusion entre songe et réalité, Davy employant des effets de montages et de mises en scène propres à révéler la paranoïa de son héroïne. Malheureusement, tout ceci se fait sans grande inventivité, avec des recettes classiques (l’omniprésence de fumigènes, par exemple). L’imaginaire n’aura finalement été présent que sur une courte période, lors de l’ouverture de la porte maudite, lorsque les visions n’ont pas encore commencé et que l’autre monde n’est que ténèbres avalant littéralement tout ce qui franchit le seuil.

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Bien sûr, Davy croit en ce qu’il filme, et on ne saurait lui reprocher de ne pas s’y être investi. Au contraire de bon nombre de films fantastique traités par-dessus la jambe, rien dans Le Seuil du vide n’est ridicule. Ce qui ne l’empêche pas d’être bancal et de manquer de cohésion. Il a peut-être manqué un peu d’expérience au réalisateur pour pouvoir recréer son histoire assez ambitieuse dans les meilleures conditions.

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