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La Hyène intrépide – Jackie Chan

hyene-intrepide-affiche

Xiao quan guai zhao. 1979

Origine : Hong-Kong / Corée du sud
Genre : Kung-fu comédie
Réalisation : Jackie Chan
Avec : Jackie Chan, James Tien, Shi-Kwan Yen, Kun Li…

Shing Lung vit avec son grand-père Chen, lequel lui enseigne le kung-fu tout en lui interdisant formellement de s’en servir. Faisant fi de ses recommandations, l’impétueux petit-fils intègre une pseudo école d’arts martiaux dans laquelle chacun des combats qu’il remporte lui font gagner beaucoup d’argent. Et puis un jour, son grand-père, comprenant son petit manège, se rend dans l’établissement pour le percer à jour. Pris de panique, Lung s’enfuit, ignorant qu’il s’agissait là de la dernière fois qu’il voyait son grand-père vivant. Car au même moment, l’impitoyable Yen, qui s’est juré de tuer Chen, le retrouve enfin et met sa promesse à exécution. Fou de chagrin, Lung n’aura dès lors qu’un seul but : le venger.

Décédé en 1973, Bruce Lee laisse un grand vide au sein de la production cinématographique hongkongaise, laquelle s’efforce rapidement de lui trouver un successeur. Les ersatz se succèdent (Bruce Le, Li, Lo ou autres Lai) sans qu’aucun ne parvienne à reprendre le flambeau. Lo Wei, réalisateur des premiers succès de Bruce Lee (Big Boss et La Fureur de vaincre), tente alors d’imposer un éternel second rôle formé à la rude école de l’Opéra de Pékin, Jackie Chan. Ensemble, ils tournent neuf films de kung-fu bien dans la tradition qui permettent au jeune comédien, si ce n’est de devenir une star, d’au moins se faire connaître du grand public. Le tournant survient en 1978 avec Le Maître chinois de Yuen Woo-Ping (Drunkenmaster) dans lequel Jackie Chan impose sa nature comique, toujours dans le cadre du film de kung-fu. Parce qu’il a toujours considéré un peu vain de se comparer à Bruce Lee, et surtout parce qu’il a l’ambition de laisser sa propre trace dans l’Histoire du cinéma, Jackie Chan se démarque de son aîné dans des films où le second degré le dispute à des cascades toujours plus folles.

La Hyène intrépide marque une nouvelle étape dans la carrière naissante de Jackie Chan. Tout en continuant d’assurer les chorégraphies des combats, il ajoute deux nouvelles cordes à son arc : réalisateur et scénariste. Seul maître à bord, ou presque, Jackie Chan peut s’adonner à son pêché-mignon, la digression à visée humoristique. Passé un prologue qui présente la figure maléfique du film dans toute son abjection et sa puissance au combat avec tout le sérieux que l’on veut bien prêter à des échanges emphatiques et nébuleux, La Hyène intrépide se teinte soudain de légèreté. Le récit délaisse la menace liminaire pour le quotidien de Shing Lung, un gamin sans histoire dont le principal passe-temps consiste à perfectionner son kung-fu en suivant l’intraitable enseignement de son grand-père. Une existence à la dure dont Shing Lung s’accommode fort bien. Son grand-père, il l’aime énormément. Et s’il lui désobéit en monnayant ses talents de combattant, c’est dans le but louable d’amasser suffisamment d’argent pour pallier à ses soins. Car la santé du grand-père se révèle soudain chancelante, préparant de manière maladroite le point de basculement du film de la comédie à la partie vengeresse.

Jackie Chan n’est pas homme à craindre les déséquilibres. Ainsi, ce qui devrait constituer le cœur du récit –la vengeance du grand-père– n’en occupe qu’un tiers, le reste étant dévolu à la pure comédie. De même, l’apprenti réalisateur ne rechigne pas aux répétitions car même si chaque combat dispose d’une chorégraphie qui lui est propre (en dépit de ses nouvelles fonctions, cela reste le cœur du travail de Jackie Chan, et ce pourquoi La Hyène intrépide pourra être jugé de manière positive), leur finalité reste la même, valoriser la star sans se soucier d’une quelconque progression dramatique. Lors des premiers combats, il multiplie déguisements et bruitages fantaisistes (jusqu’à la reprise du thème de La Panthère rose !) avec une constance qui confine à l’acharnement. Chaque affrontement s’éternise au-delà du raisonnable, cache-misères évidents d’un récit anémique, où les coups importent moins que leur évitement. Jackie Chan ne recherche pas à retranscrire la violence des combats, mais à leur trouver une certaine musicalité. S’amorce entre les belligérants des pas de deux qui confèrent de la grâce à leurs duels, à mi-chemin du ballet et de la pantomime. A ce titre, la technique employée par le héros lors de l’ultime affrontement, pour laquelle le combattant doit mettre ses émotions au service de son Art, permet à son interprète de faire l’étalage de ses qualités. Il passe ainsi de la joie à la colère, du bonheur au chagrin tout en adaptant ses techniques de combat. Jackie Chan semble constamment en représentation, tout disposé à montrer l’étendue de ses talents. On frôle l’égocentrisme. Cela tranche néanmoins de manière amusante avec le statut d’éternel apprenti de Shing Lung. Le film nous gratifie de pas moins de deux passages d’apprentissage à la dure, motif récurrent du genre, et qui participe ici à la redondance d’un récit décidément bien avare en situations nouvelles.

Pour sa première réalisation, Jackie Chan pose déjà les fondements de l’image qu’il véhiculera par la suite de film en film. Il incarne irrémédiablement un personnage positif, quelque peu enfantin, respectueux de ses aînés et de leur enseignement, et à la sexualité inexistante. Il se grime bien en femme à un moment, mais cela vaut uniquement pour la blague, et non comme indicateur d’une ambivalence de sa sexualité. Le spectacle se veut donc léger –beaucoup trop, même– et tout public. Un film anodin à l’échelle d’une cinématographie hongkongaise alors florissante, mais capital pour la carrière de son réalisateur-interprète. Sa starification est en marche, et si les États-Unis le bouderont lors de sa première tentative d’internationalisation au début des années 80, ce sera pour mieux l’accueillir au crépuscule du XXe siècle.

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