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Jurassic World : Le Monde d’après – Colin Trevorrow

Jurassic World Dominion. 2022.

Origine : États-Unis
Genre : Extinction des feux
Réalisation : Colin Trevorrow
Avec : Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Laura Dern, Sam Neill, Jeff Goldblum, DeWanda Wise, Campbell Scott, Isabella Sermon.

Remake, séquelle, reboot, etc, on ne compte plus le nombre de termes différents pour finalement exprimer la même chose, le cruel manque d’idées d’une industrie hollywoodienne plus que jamais décidée à limiter au maximum les risques d’un échec financier. Sous la plume du critique américain Matt Singer est néanmoins apparu un nouveau terme, celui de legacyquel. Un mot-valise pour désigner cette nouvelle tendance qui consiste à reprendre un film ou une franchise existant afin de lui apporter un nouvel élan via de nouveaux personnages amenés à côtoyer ceux des origines dans une sorte de passage de relai d’une génération à une autre. Si on en trouve les prémisses dans Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal par le truchement du personnage de Mutt Williams présenté comme le successeur désigné du célèbre aventurier, voire le Star Trek de J.J. Abrams et ses distorsions temporelles pour expliquer la coexistence fugace de deux Spock, le véritable point de départ date de Tron : L’Héritage en 2010 où les acteurs du Tron original Jeff Bridges et Bruce Boxleitner viennent passer le témoin à leurs successeurs. Suivant ce principe, l’année 2015 a vu déferler sur les écrans du monde entier deux mastodontes voués à tout emporter sur leur passage : Jurassic World et Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force. Deux resucées d’univers existants qui cultivent la nostalgie comme une fin en soi, multipliant les clins d’œil aux fans de la première heure tout en déroulant des histoires en mode copie carbone. S’il était entendu que les nouveaux Star Wars se déclineraient en une trilogie, rien n’était acté quant à l’avenir de la franchise inspiré du roman de Michael Crichton. Succès aidant, la décision tomba rapidement et Jurassic World : Fallen Kingdom fut mis en chantier sous la houlette de Juan Antonio Bayona, passeur de plats pour cette nouvelle trilogie cornaquée par Colin Trevorrow, alors homme de l’ombre et nouvel homme fort inattendu compte-tenu de son faible bagage. A la manière des Star Wars, celui-ci envisage de placer un réalisateur différents aux manettes de chaque épisode, lui-même lorgnant du côté de la trilogie concurrente pour laquelle la réalisation Star Wars : L’Ascension de Skywalker lui est promis. Sauf que des divergences artistiques l’obligent à revoir ses plans et à reprendre les rênes du dernier volet de Jurassic World pour qui ce Monde d’après consiste à réunir Ellie Sattler, Alan Grant et Ian Malcolm comme dans le bon vieux temps.

4 ans ont passé depuis que les dinosaures rescapés de Isla Nublar se sont échappés du manoir Lockwood pour regoûter à la liberté. 4 années durant lesquelles l’humanité a décidé de faire avec, en dépit d’inévitables incidents, parfois mortels. Les dinosaures font désormais partie du paysage et sont traités comme n’importe quel animal susceptible de nourrir les marchés de la contrebande. Autre problème plus urgent, puisque menaçant directement l’approvisionnement alimentaire mondial, des hordes de sauterelles géantes dévastent des champs cultivés sauf ceux ensemencés par des produits estampillés Biosyn Genetics. Intriguée, la paléobotaniste Ellie Sattler renoue contacte avec son vieil ami, le paléontologue Alan Grant. Pour elle, il ne fait aucun doute que cette espèce tout droit sortie du crétacé provient des manipulations génétiques de Biosyn, qui a désormais supplanté InGen dans le domaine. Par l’intermédiaire de Ian Malcolm, avec lequel elle a gardé contact, et qui donne des conférences pour le compte de Biosyn, elle obtient deux invitations pour se rendre sur le site-mère, bien décidée à confirmer ses soupçons. Parallèlement à ces événements, Claire Dearing et Owen Grady partent pour Malte où Maisie Lockwood, l’adolescente qu’ils gardaient jalousement à l’abri de leur chalet isolé en forêt, après avoir été kidnappée par les hommes de Lewis Dodgson, dirigeant de Biosyn, se trouve en transit. Ayant échoué dans leur entreprise en dépit de l’aide des autorités, Claire et Owen se rendent à leur tour dans les Dolomites, bien décidés à la récupérer.

Il est entendu que cette nouvelle trilogie n’a pas grand chose de neuf à proposer par rapport à l’originale si ce n’est plus de dinosaures, plus d’action et plus de gigantisme. Sauf que Jurassic World : Fallen Kingdom s’achevait sur une promesse. La promesse de voir enfin les dinosaures reprendre leurs droits et ne plus être relégués au rang de bêtes curieuses que l’on vient voir en famille. On ne peut laisser impunément en liberté des prédateurs aussi féroces que le tyrannosaure Rex, l’Allosaurus ou le vélociraptor (pour ne citer qu’eux) sans que cela ne génère des désagréments de taille. Sans non plus s’attendre à ce que ce Jurassic World : Le Monde d’après verse dans le survival énervé, nous pouvions légitimement espérer un film de monstres aux confins de l’horreur. Après tout, Jurassic World avait au moins eu le mérite de libérer les dinosaures dans un parc en activité et non en attente de l’être, permettant quelques scènes de panique collective toujours appréciables même si forcément aseptisées compte tenu du public familial visé. Il y avait donc matière à nous faire oublier la déceptive virée nocturne de la T-Rex dans les rues de San Diego lors du final du Monde perdu. D’autant que Colin Trevorrow avait fait de cette cohabitation anachronique sa principale note d’intention. Et pour mieux faire monter la sauce, il s’est fendu en 2019 d’un court-métrage promotionnel, Battle at Big Rock, lors duquel une famille assiste médusée de sa caravane à l’attaque d’un Allosaurus contre des Nasutoceratops, avant que le carnassier ne retourne sa hargne contre eux après que leur bébé ait attiré son attention par ses pleurs. Huit minutes d’une agression animale qui débouche uniquement sur des dégâts matériels mais dont le générique composé de vidéos amateurs illustre l’impossible cohabitation au quotidien de l’homme et des dinosaures. Et pour enfoncer le clou, l’irruption d’un T-Rex au milieu d’un drive-in sert de teaser alléchant à l’approche de la sortie du film. Si ces interactions humains – dinosaures n’engendrent pour l’instant que des dégâts matériels, elles sont néanmoins annonciatrices d’un chaos imminent et inévitable. Or, magie de l’époque, Jurassic World : Le Monde d’après n’ajoutera pas grand chose à ces amuse-bouche, allant jusqu’à réintégrer les vidéos amateurs du court-métrage en guise d’introduction mêlées à des extraits de journaux télévisés de chaînes d’informations où un déroulé nous avertit que les dinosaures sont à l’origine d’une trentaine de décès seulement. Il ne faut pas longtemps pour se rendre à l’évidence, Colin Trevorrow ne veut pas diaboliser les dinosaures outre-mesure. S’ils incarnent évidemment un danger, à plus forte raison lorsqu’on pénètre sur leur territoire, ils le sont le plus souvent à cause de l’homme. Que ce soit les divers dinosaures encagés du marché clandestin ou ces Atrociraptors utilisés comme des missiles à têtes chercheuses dans les rues de Malte, c’est l’être humain et ses vils penchants pour l’exploitation à des fins militaires et commerciales qui les poussent à ces comportements agressifs. En tant que principale attraction du film, les dinosaures doivent autant susciter l’effroi – mesuré – que l’émerveillement dans un équilibre instable qui les renvoie en permanence à leur statut de bêtes de foire. Fort des dernières découvertes, le film devient un catalogue toujours plus étoffé des diverses espèces de dinosaures connues, multipliant les apparitions fugaces (les dimétrodons tapis dans les cavernes, le Quetzalcoaltus) plutôt que la construction de scènes efficaces, lesquelles se bornent ni plus ni moins à se calquer sur celles des films de Spielberg sans crainte du ridicule. Pour preuve ces plans finaux à la National Geographic qui tendent à prouver que les dinosaures peuvent parfaitement coexister avec la faune actuelle, dans un déni total des changements climatiques et environnementaux. Alors que nous déplorons la disparition de nombreuses espèces animales et végétales à cause de l’activité humaine, Colin Trevorrow conclut son film sur l’idée que la présence de ces herbivores et carnivores à l’appétit démesuré ne puissent en aucun cas avoir d’impact négatif sur une biodiversité pourtant déjà fragile. En cela, il donne tort au discours alarmiste de Ian Malcolm, ce qui pourrait en expliquer le traitement indigne.

Il ne faudrait pas l’oublier, Jurassic World : Le Monde d’après ne se limite pas aux dinosaures. Il traite également de destinées humaines. Un bien grand mot pour des personnages résumables à quelques caractéristiques. Owen Grady est ce gars intrépide qui par la simple formule magique du “Parle à ma main” dompte le plus dangereux des dinosaures. A ses côtés, Claire n’en finit plus de se racheter pour ses actes passés. Devenue une activiste engagée, elle flirte avec le danger sans émoi, ne craignant qu’une chose, que Maisie Lockwood lui fasse la tête. Pas facile de s’improviser mère, surtout lorsque l’enfant dont on s’occupe entre dans l’adolescence. Leur histoire se résume donc à reconstituer la cellule familiale sur fond de recherche identitaire de la part d’une adolescente qui n’accepte pas l’idée d’être le fruit d’une expérience et non d’un véritable désir. A eux les grandes scènes d’action (la course-poursuite à Malte) et les bons sentiments (Owen promet à son vélociraptor de compagnie de lui rapporter son bébé kidnappé) dans la continuité de ce qu’ils ont déjà vécu auparavant. En ce qui les concerne, cet ultime opus n’apporte aucune nouveauté bien que Colin Trevorrow se targue de clore ici une aventure démarrée il y a 7 ans. Ambitieux, et pour poursuivre sa logique d’hommage aux aînés, il souhaite également clôturer l’aventure initiée en 1993 en faisant revenir Ellie Sattler, Alan Grant et Ian Malcolm. Pour cela, il scinde son récit en deux lignes narratives distinctes lesquelles doivent converger lors du dernier acte pour le feu d’artifice final. Outre délayer une intrigue qui se borne à un enchaînement de péripéties, cette construction pâtit de personnages peu fouillés. Un comble lorsqu’il est question d’un éminent paléontologue. Comme sortis du formol, Ellie et Alan sont les mêmes personnages que nous avions laissés, les rides en plus. Ils se permettent par conséquent de réagir de la même manière à des événements déjà vécus (l’émerveillement face aux manipulations génétiques de Biosyn) davantage dans le souci du coup de coude entendu à destination du public averti que suivant une logique narrative. Et tout cela dans un seul but, celui de les amener à s’avouer leur amour, chose qu’il n’avait jamais pu faire jusque-là. Un peu léger pour justifier un retour. Mais que dire de celui de Ian Malcolm transformé en amuseur public. Le sarcasme et le pessimisme si caractéristiques du personnages ne servent qu’à nourrir des bons mots qu’il débite si fréquemment qu’il en devient usant. Ian Malcolm n’est plus que ça, une machine à vannes à l’inefficacité patente, boulet de luxe d’une saga dont il est le représentant le plus fidèle aux côtés du Dr. Wu avec quatre participations au compteur. Bien qu’il participe à la fête du final, rejouant notamment la diversion de la scène-clé de Jurassic Park, il paraît constamment à la marge, comme déconnecté de ses partenaires avec lesquels il entretient finalement peu d’atomes crochus. A lui seul, il symbolise l’échec et l’inutilité de ses retrouvailles près de 30 ans après, lesquelles ne découlent pas d’une nécessité ni d’une envie autre que celle de titiller la fibre nostalgique des spectateurs du premier Jurassic Park. Et comme bien souvent, cette fibre nostalgique n’est pas titillée mais allègrement piétinée par des marchands de tapis qui s’improvisent réalisateurs.

Film d’une insondable bêtise, Jurassic World : Le Monde d’après illustre la faillite des blockbusters actuels qui ne cherchent même plus à nous raconter une histoire avec des personnages décents mais à enchaîner les scènes spectaculaires propices à nourrir les bandes-annonces. Ici, rien ne tient debout. L’antagoniste est risible de naïveté et on flatte ostensiblement le marché chinois en rachetant une conduite au Dr. Wu, personnage jusque-là décrit comme vénal et peu regardant sur l’éthique. Quant à la réalisation, celle-ci fait fi des questions d’échelle (problématique lorsqu’on traite de dinosaures s’ébattant dans notre environnement) et même de masse, que cela soit le corps d’Owen immergé dans l’eau glacée et extirpé d’une main par Kayla, d’une puissance soudain démesurée, ou ce Therizinosaurus qui peut approcher un cerf sans se faire repérer. D’un postulat de série B propice à des scènes apocalyptiques, cet énième épisode revient au cadre usé jusqu’à la corde du sanctuaire végétal où l’homme n’est qu’une proie. Un peu lassant à la longue.

Une réflexion sur “Jurassic World : Le Monde d’après – Colin Trevorrow

  • J’ai vu le film, et franchement c’est un honnête divertissement, sûrement pour les plus jeunes. Par contre, s’il faut le descendre, il faut le faire pour tous les autres, depuis Le Monde perdu.

    Dès le départ, ces films se sont enfermés dans du divertissement familial. Imaginez un Jurassic Park ou World en mode Starship Troopers, ça aurait eu plus de gueule. On serait allé dans un survival pour les moins de 16 ans et enfin on aurait enfin vu des dinosaures tuer des gens en full frontal.

    Mais non, fallait vendre des jouets et ça a fini comme Star Wars. Enfin valait mieux à ce genre de film un échec plutôt qu’un succès, au moins on aurait pas eu ce fan service et cet aseptisation que l’on retrouve chez Disney.

    Je recommande quand même Komodo, où des méchants qui exploitent les ressources d’une île et des écolos (ou journalistes) doivent faire face à des komodos qui ont proliféré dans la nature suite à un accident de camion. Ça ressemble au Monde perdu et c’est fait par celui qui s’est occupé des effets visuels sur Jurassic Park.

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