Ghoulies III – John Carl Buechler
Ghoulies III : Ghoulies Go to College. 1991Origine : États-Unis
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C’était inévitable : après avoir mis ses talents pour les effets spéciaux à la conception des ghoulies, après s’être mis à la réalisation en signant notamment ce démarquage heroic fantasy de Ghoulies qu’est Troll et après avoir atteint son pic de gloire avec la réalisation de la septième aventure de Jason Voorhees, John Carl Buechler se voit offrir l’opportunité de tourner Ghoulies III. Mais la donne a changé depuis Ghoulies II en 1988, et le film se voit réduit au marché de la vidéo. L’Empire de Charles Band, initiateur et producteur des deux premiers films, a cédé la place à son ex distributeur vidéo Vestron, glorieuse compagnie internationale d’éditions de VHS s’étant lancée dans l’aventure de la production (notamment les séries B Waxwork, Parents, Sundown mais aussi Dirty Dancing et deux films d’Abel Ferrara, China Girl et Cat Chaser). Ghoulies III sera la dernière incursion de Vestron dans le domaine de la production, la compagnie-mère étant mal en point, en passe d’être rachetée. Bref, la sinistrose est de mise autour de Ghoulies III. Ça ne se sent absolument pas.
Grosse marrade en perspective au campus. La confrérie Beta menée par Skip (Evan MacKenzie) a prévu de remporter la couronne du roi des blagueurs, détenue par le néo-nazi Wes (Billy Morrissette) et les éternels rivaux de Gamma, qui sont bien décidés à défendre leur titre. Les plaisanteries vont bon train des deux côtés, au grand dam du doyen et professeur Ragnar (Kevin McCarthy). C’est dans le comic book horrifique confisqué à un élève que cet homme au bord de la crise de nerf va trouver la solution : les ghoulies. L’ouvrage, retrouvé il y a peu dans la cloison d’un chiotte de la confrérie Beta, permet en effet d’invoquer ces petites créatures méchantes, qui répondent au doigt et à l’œil du détenteur du précieux comic book. Ragnar a donc invoqué les ghoulies, qui ont pour ordre de détruire les Beta et les Gamma.
Plus ça avance, plus la série Ghoulies tend vers le comique. Dans le troisième épisode, nous nous retrouvons plus dans une comédie adolescente bien grasse que dans un film d’horreur, même à tendance comique. Pas de sang ne vient rougir un récit dans lequel les décès sont des gags comme des autres, souvent associés à l’humour véhiculé par Buechler. Prenons le cas de cet homme aspiré par les toilettes, par exemple… Et bien cette disparition ne fait qu’illustrer l’intérêt toujours plus croissant porté au fil de la série aux lieux d’aisance. Cette fois, le trône devient la porte d’accès des ghoulies dans notre monde, et il est sculpté comme de l’art baroque. C’est en étant assis sur lui qu’un pauvre diable va mettre à jour le grimoire à l’apparence comic book (concession accordée au deux premiers films, où la magie noire jouait un rôle plus ou moins important), et c’est sur un plan des gogues que se termine le film. Tout cela n’est pas très poétique, et le niveau affiché tout du long par Buechler ne sera jamais relevé au dessus de la ceinture. Beta ou Gamma, les deux confréries se valent largement. Bien que Wes soit taxé de néo-nazi, probablement du fait de son look d’aryen propre sur lui, il n’y a rien qui assimilerait sa bande à celles de Class 1984 et autres films punks en milieu étudiant. Comme les Beta, les Gamma sont de joyeux drilles aux blagues potaches. Décorer les arbres avec du PQ, bombarder d’eau le doyen, dévier le jet de pisse d’un type pour qu’il urine sur son voisin, ennuyer le gardien en trafiquant sa voiturette chérie, voici quelques unes des blagues dignes des cours de récréation pratiquées par cette cohorte étudiante uniformément débile. Il existe aussi des blagues et des gags d’étudiants plus portés sur le sexe, par exemple avec la nuit des petites culottes (nuit tragique pour ceux qui s’y livrent, puisqu’ils seront assommés à coup de polochons par des étudiantes à moitié nues) ou encore la présence récurrente d’une nymphomane inépuisable à moins de lui coincer une tête de cerf empaillé sur la tête… Ce n’est certainement pas avec leurs caractéristiques que Buechler cherche à porter notre sympathie dans le camp Beta, mais avec leur chef. Un crétin parmi les crétins, mais qui dispose d’une petite sous-intrigue personnelle dévoilant petit à petit une maturité plus grande que celle de ses camarades. Skip est en effet amoureux de la studieuse Erin (Eva La Rue), mais celle-ci ne supporte plus les pitreries de son prétendant. Est-ce pour le faire réagir qu’elle se met à fréquenter Wes, on ne le sait pas, mais Skip va donc mettre le holà sur ses blagues, s’attirant passagèrement les foudres des autres Beta. Il découvrira aussi que quelque chose cloche dans la guerre des blagues, ce qui le mènera à la découverte des ghoulies. Et ils seront bien peu nombreux, ceux qui auront vent de leur existence : Ragnar, Skip, Wes et Erin seront les seuls a les avoir vu une fois la chasse tirée sur les ghoulies. C’est que ceux-ci auront joué le rôle d’une confrérie invisible mais néanmoins très similaire aux Beta et aux Gamma.
Ghoulies III ne dispose que de trois ghoulies (le chauve, le chat et le rat, rien que de très connu) et de l’indispensable monstre final. La nouveauté réside en ce que cette fois, les monstres sont dotés du sens de la parole, qu’ils utilisent à tort et à travers pour débiter de façon ininterrompue des imbécilités qui auraient largement pu leur valoir d’intégrer n’importe laquelle des deux confréries. Leur façon d’être est en tout cas du même calibre que celle des humains : les ghoulies aussi sont notoirement voyeurs, ils ne rechignent pas à se saouler (ces deux scènes nous valent des caricatures de 2001 L’Odyssée de l’espace, le frigo à bière et trois femmes sous la douche remplaçant le monolithe noir), ils pètent, aiment s’en prendre au gardien et semer la pagaille générale, sans bien entendu satiriser comme le font leurs homologues les gremlins. Ils peuvent toutefois faire des choses qui leur sont propres, et qui dépassent les lois de la physique. Ghoulies III dépasse de peu le stade de la simple comédie adolescente en prenant des libertés avec le réalisme pour s’approcher d’un style BD imposant un certain rythme échevelé. Puisque le grimoire se présente comme un comic book, on était en droit d’attendre un film jouant sur le même genre d’humour noir que Les Contes de la crypte ou autres publications EC Comics, mais ce n’est pas vraiment le cas, faute d’un climat qui y soit propice (les comics horrifiques ne sont pas aussi excentriques que ne l’est le film). Perdu dans le maelström de bêtises qu’entraîne la guerre des blagues, Buechler confond comics horrifiques et cartoons, et (sans reproche aucun) c’est plutôt sur ces derniers que se porte son inspiration. Le gardien tant taquiné s’apparente ainsi plus ou moins au vil coyote, toujours en train d’essayer de pincer ses proies, mais toujours mis en échec, notamment avec une bombe ronde comme une balle qui le laisse hirsute et fumant dans la plus grande tradition de Chuck Jones. Pour avoir régulièrement frayé avec Joe Dante, Kevin McCarthy, gourou des ghoulies et détenteur du précieux grimoire, en connaît un rayon sur la transposition du style cartoon au cinéma. Il se trouve donc à sa place ici, dans la peau d’un personnage hautement théâtral qui évoque davantage les savants fous que les professeurs d’université. Quant aux ghoulies, leur capacité à tirer les langues à l’infini et à aspirer les visages à coup de débouches-chiottes fait partie de ces quelques éléments qui permettent de faire d’eux une confrérie un peu plus attrayante que celle des étudiants. Tout ce côté cartoon, et surtout la frénésie endémique qui va avec, permet de tirer vers le haut les blagues puériles des ado sans pour autant rendre inoubliable ce troisième volet de Ghoulies. C’est une série B énergique, d’une stupidité insondable, mais toutefois loin d’être ennuyeuse. Buechler a réussit à rendre caduque à force de bêtises et de cartoons tout ce qui aurait pu s’apparenter à du premier degré (la rivalité amoureuse, la rivalité des clans) et en se concentrant bien plus sur les actes que sur les motivations des personnages (ghoulies inclus), il a accouché d’un direct-to-video bien moins démagogique et bien moins planplan que le commun des films de ce genre, souvent bavards.