CinémaPolar

Le Flic de Miami – George Armitage

Miami Blues. 1990.

Origine : États-Unis
Genre : Polar
Réalisateur : George Armitage
Avec : Alec Baldwin, Jennifer Jason Leigh, Fred Ward, Charles Napier, Obba Babatundé.

Frederick J. Franger Jr (Alec Baldwin) débarque à Miami sans idées bien précises en tête. Alors qu’il souhaitait simplement tirer son coup, il s’amourache d’une jeune prostituée. Étudiante à ses heures perdues, Susie Wagonner (Jennifer Jason Leigh) rêve de mener la vie de la bonne ménagère, à concocter de bons petits plats à son mari dans une jolie petite maison. A coups de menus larcins, Junior s’emploie à lui offrir ce dont elle rêve. Tout bascule lorsque sa route croise celle du Sergent Hoke Moseley (Fred Ward). Sur un coup de sang, Junior se rend chez le policier, l’assomme et lui dérobe sa plaque et son arme. Ainsi équipé, il arpente les rues, se servant de sa plaque mal acquise pour dépouiller honnêtes gens et malandrins.

Sous le titre passe-partout du Flic de Miami se cache Miami Blues, polar singulier signé George Armitage. Ce nom ne vous dit probablement rien. Pourtant, comme bon nombre de ses collègues, il a débuté sa carrière dans les années 70 sous l’égide de Roger Corman pour lequel il a notamment écrit le scénario de Gas-s-s-s. Il passe ensuite à la réalisation en 1971 avec Private Duty Nurses, deuxième volet du cycle sur les infirmières initié par The Student Nurses et produit par la New World Pictures, un thriller en milieu hospitalier dont il rédige également le scénario. Une constante qu’il maintiendra jusqu’à Miami Blues. Il enchaîne l’année suivante avec Hitman, le créole de Harlem, non plus pour le compte de Roger Corman mais pour celui de son frère Gene, une version blaxploitation de La Loi du milieu de Mike Hodges. Enfin, en 1976 il tourne Vigilante Force, un polar rural avec Kris Kristofferson et Jan Michael Vincent. En France, seul Hitman a été distribué… au mois de juillet 1983. Ce début de carrière, que je qualifierai poliment de “dans l’air du temps”, n’a pas débouché sur grand chose puisque hormis le téléfilm Hot Rod en 1979, George Armitage a par la suite connu une longue période de disette jusqu’à la mise en chantier de Miami Blues. Pour l’occasion, il bénéficie d’une solide distribution au sein de laquelle on retrouve Charles Napier, grand habitué des séries B et Z, en guise de trait d’union entre les débuts de George Armitage et ce qui s’apparente à un nouveau départ.

George Armitage décide de situer son intrigue à Miami dans le sillage de la série Deux flics à Miami, laquelle venait de s’achever au terme de 5 saisons. Néanmoins, il délaisse tout côté clinquant au profit d’une imagerie plus neutre faisant de la banalité son credo. Avec une bonne dose de dérision, il s’amuse même de ces ambitieux à la sauce années 80 l’espace d’une scène où couvert d’un million de dollars… brésilien, donc sans valeur pour lui, Fred Fenger singe Al Pacino dans Scarface. Fred est lui aussi un petit truand, mais un petit truand sans ambition qui rêve pour seul empire d’une coquette maison ceinte d’une jolie clôture où retrouver chaque soir une femme aimante lui concoctant de savoureux petits plats. La femme aimante il l’a trouvée en la personne de Susie Waggoner, une jeune écervelée qui pour payer ses études se prostitue dans les hôtels. Amoureux, Fred décide de prendre sa destinée en main, l’exhorte à stopper ses études, quitter la prostitution et à délester son compte bancaire de son contenu – 10000 $ – afin qu’il les fasse fructifier car, dit-il, les banques relèvent de l’arnaque totale. Jusqu’à présent, Fred était du genre à errer sans but, à multiplier les petits larcins en vue d’améliorer son quotidien au jour le jour. Un homme sans scrupule – à l’aéroport, en quête d’une valise à dérober, il n’hésite pas à distraire un enfant que ses parents ont eu le tort de laisser seul avec leurs bagages – rongé par une impulsivité que même la présence de Susie ne suffit à calmer totalement. A son sujet, George Armitage distille les informations au compte-goutte. Et encore, celles-ci prêtent à caution parce qu’elles émanent de la bouche même du personnage, lequel n’est pas à un mensonge près. A Susie, il finit par avouer qu’il a fait de la prison mais demeure obscur quant aux raisons qui l’y ont amené. La raison en est simple, il a la rapine dans le sang. De son propre aveu, il peut avoir tout ce qu’il veut. L’ennui est qu’il ignore ce qu’il veut. Au moins, sa rencontre avec Susie lui offre un but, la rendre heureuse. Fred n’a pas de rêves alors il s’empare de ceux très terre-à-terre de Suzie et s’emploie à les exaucer, tout en lui promettant de rester dans la légalité. Un doux mensonge qui s’accompagne d’une drôle de croisade lorsqu’il se sert de la plaque de police dérobée au Sergent Moseley. Avec elle, il se sent intouchable, au point de tenter des actions aussi osées que désespérées, lesquelles frôlent parfois l’acte de bravoure désintéressé comme lorsqu’il s’oppose à un voleur dans une supérette avec pour seule arme un bocal de sauce tomate.
D’ordinaire plutôt fade, Alec Baldwin s’amuse comme un beau diable avec ce personnage de tête brûlée romantique auquel il confère des attitudes enfantines jusque dans sa manière de tenir ses couverts. Cependant, Le Flic de Miami ne vire pas au one man show indigeste. A ses côtés, Jennifer Jason Leigh a tout loisir pour faire exister son personnage d’oie blanche, une femme enfant aux rêves issus d’une autre époque. Par sa douce candeur, elle contrebalance élégamment la violence sourde de son partenaire. Plus en retrait mais immédiatement attachant, Fred Ward campe un flic pour le moins faillible et en fin de course. Un vieux de la vieille qui ne s’en remet pas de s’être fait voler sa plaque, son arme de service… et son dentier. Surtout lorsque par ses actions arbitraires, Fred Fenger dépouillent et menottent deux truands qu’il cherchait à alpaguer depuis des années. Chacun de ses personnages apportent à leur manière un vent de fraîcheur à ce polar buissonnier, jamais vraiment trépidant, la faute à la réalisation plutôt sage de George Armitage, mais toujours intrigant.

Sorti tardivement en France durant l’été 1991 sous son titre original, Le Flic de Miami n’a bien entendu pas su rencontrer son public. Par son tempo nonchalant et ses éclairs de violence, ce polar n’est pas sans rappeler le Huit millions de façons de mourir d’Hal Ashby. Le Flic de Miami n’est pas un grand film mais une belle curiosité, parfois franchement drôle par son ton décalé (la conversation entre les Sergents Moseley et Henderson autour du cadavre d’un Hare Krishna, mort du choc occasionné par son doigt cassé) et où, outre Charles Napier, on aura le plaisir de croiser quelques figures de la série B comme Martine Beswick (Dr. Jeckyll et sister Hyde) et Shirley Stoller (Les Tueurs de la lune de miel).

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