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Dracula vit toujours à Londres – Alan Gibson

draculavittoujoursalondres

The Satanic Rites of Dracula. 1973

Origine : Royaume-Uni 
Genre : Fantastique / Policier 
Réalisation : Alan Gibson 
Avec : Peter Cushing, Christopher Lee, Michael Coles, Joanna Lumley…

Pendant que dans une autre pièce se pratique une messe noire, un agent des services secrets britanniques parvient non sans mal à s’échapper du manoir où il était retenu prisonnier. Récupéré dans un piètre état par ses supérieurs, il parvient tout de même à leur raconter avant de mourir ce à quoi il a assisté. Stupeur. Plusieurs personnalités en vue se sont adonnées à ces rites sataniques, dont le ministre chargé des services secrets ! L’enquête qui s’annonce promet d’être épineuse, et c’est pourquoi l’agent Torrence s’assure les services de l’inspecteur Murray (Michael Coles), extérieur au service. Pour le côté occulte de l’affaire, Murray propose de se tourner vers Lorrimer Van Helsing (Peter Cushing), lui-même assisté de sa petite-fille Jessica (Joanna Lumley), avec lesquels il avait été confronté il y a peu à d’autres messes noires à l’origine de la dernière résurrection en date du comte Dracula (Christopher Lee). Il s’avère que cette fois, c’est Dracula lui-même qui est à l’origine du culte, et qu’à travers les divers hommes d’influence sous sa coupe il ne projette rien de moins que l’éradication de l’humanité.

Avec Dracula 73, troisième tentative de redémarrage de leur saga vedette, les têtes pensantes de la Hammer semblent enfin avoir été convaincues. Et c’est malheureux, puisque l’œuvre d’Alan Gibson était de loin la plus mauvaise de toutes les apparitions de Dracula sous l’égide de la Hammer. Marqué par le déménagement du vampire dans le Londres contemporain, caractérisé par les offrandes maladroites faites à un jeune public à la mode, ce triste film était pitoyable comme un vieux beau quinquagénaire jouant les tombeurs d’étudiantes. Cette ringardise ultime était non seulement nulle, mais en plus fort embarrassante pour ces deux monstres sacrés qu’étaient Christopher Lee et surtout le déjà vieillissant Peter Cushing, qui si ils avaient continué dans cette voie auraient très certainement aussi mal finis qu’un Bela Lugosi (quoique si Cushing eut la bonne idée de se faire rare à l’écran, Christopher Lee connut une période globalement peu glorieuse jusqu’à son retour en grâce aux abords du XXIe siècle). Les revoir sous la direction d’Alan Gibson et de son modernisme de guingois était une perspective effrayante. Heureusement, Dracula vit toujours à Londres rectifie le tir, du moins au niveau du racolage, et tend moins la perche pour se faire battre. Plus de discothèque, plus de scène musicale psychédélique, plus de jeunes fêtards, moins d’éclairages criards… Ouf. Conséquence première de ce retour à la sagesse : la petite-fille de Van Helsing change d’actrice, Joanna Lumley et son physique plus conventionnel remplaçant la bimbo Stephanie Beacham. Jessica n’est plus cette blonde imbécile se moquant de pépé jusqu’à ce qu’elle ait besoin de lui, mais bien une assistante en bonne et due forme… qui aura quand même besoin de pépé. Essayer d’impliquer émotionnellement le spectateur sur la fin, telle est même sa seule utilité. Et à vrai dire, on ne va pas s’en plaindre, puisque Gibson a déjà pas mal de difficulté à gérer les différents segments de son scénario sans avoir à gérer les bêtises d’une plante verte. Il faut dire que l’histoire concoctée par Don Houghton (revenu lui aussi de Dracula 73, et habitué à la télévision britannique –Dr. Who par exemple-) se démarque par une ampleur encore inégalée dans la saga Dracula, au point même que le célèbre vampire aurait aussi bien pu s’absenter. Influencé par James Bond, ce nouvel opus se lance hardiment dans un sinistre complot qu’oserait à peine tenter Blofeld, chef du SPECTRE et nemesis intermittente de 007.

Pourtant, si la finalité de la chose laisse sceptique (quel intérêt a un vampire à détruire l’humanité ?), Gibson ne cherche pas le moins du monde à prendre du recul. Il est sérieux… Ce qui nous vaut d’échapper au côté parodique et clinquant des aventures de James Bond. Ni l’agent secret ni le flic ne cherchent à marcher sur les plates-bandes de Sean Connery ou de Roger Moore et laissent la vedette à un Van Helsing remis du début de sénilité dont il souffrait au film précédent, mais qui n’est pas pour autant revenu à la froide détermination de son aïeul, et qui ne s’approche pas non plus du très calculateur Sherlock Holmes joué par le même acteur. Au sein de l’enquête qui le mènera jusqu’à Dracula, le camp du “bien” agira en deux groupes : Murray / Torrence / Jessica d’un côté, et Van Helsing de l’autre. Ainsi, en se suffisant à lui-même, le chasseur de vampires (qui a le droit aux aventures les plus cruciales du scénario) prouve qu’il est bien le chef de clan. Par contre, cette division n’est pas sans poser un souci au réalisateur, peu heureux dans ses choix de montage. Obligé d’aller d’un endroit à un autre, il opère sans réelle cohérence, coupant parfois des scènes avant d’y revenir un peu plus loin. Tout cela est brouillon et démembre un scénario qui dans le fond demeure trop linéaire, ceci expliquant peut-être cela. Un peu comme si Gibson avait voulu par son montage rendre retors ce qui est tout plat. Mais personne n’est dupe… Une autre tare dont souffre Dracula vit toujours à Londres est son incapacité à gérer un Dracula qui d’un côté reste un vampire, préside des messes noires, et de l’autre se trouve à la tête d’une entreprise formée par des hommes puissants lui servant de couverture pour la création du virus censé détruire la race humaine. Si le côté fantastique finit par l’emporter, apportant avec lui dans le final le retour à un certain savoir-faire esthétique que l’on attendait plus (et surtout pas après une introduction rouge vive), il aura quand même fallu patienter et supporter cette marque d’indécision qu’est l’alternance des deux. Le policier en mode espionnage est beaucoup trop rudimentaire pour convaincre, tandis que le fantastique aura paru un peu contraint, avec par exemple la découverte d’un sous-sol rempli de vampirettes enchaînées, évènement sans logique dans l’intrigue. Symbole de ce mélange inapproprié, la scène dans laquelle Van Helsing rencontre un Dracula reconverti homme d’affaires dans un bureau protégé par gardien et vidéosurveillance… Il va sans dire qu’indépendamment de la qualité de chaque film, le Dracula de Christopher Lee est ici au plus bas. Même Dracula 73 n’avait pas osé toucher à son image gothique et sanguinaire. Plus bavard qu’à l’accoutumé, servi par un gang de motards en vestes de berger, il se rend en outre coupable de raisonnements fumeux typiques des films d’espionnages ou de super-héros en mal de suspense. Mille fois il aurait eu l’occasion de se débarrasser de Van Helsing et de sa nièce. Mais non… Il préfère les détenir captifs, parce que des ennemis de ce standing méritent un sort plus dramatique qu’une simple exécution entre deux portes. La superficialité dans toute sa splendeur…

Ainsi s’achève piteusement la carrière de Christopher Lee dans la défroque du vampire de la Hammer. Il y avait déjà longtemps qu’il ne cachait plus son ras le bol, chose qu’il a encore fait ici en s’en prenant avec vigueur au titre envisagé, Dracula is alive and well and living in London, référence au spectacle hommage rendu aux anglais à Jacques Brel (Jacques Brel is alive and well and living in Paris), trop badin à son goût. Cette fois, c’est la bonne, et sa seule autre interprétation du comte sera pour Edouard Molinaro dans Dracula père et fils, aux côtés de Bernard Menez. Quant à Peter Cushing, il reviendra dans l’ultime Dracula de la Hammer, La Légende des sept vampires d’or, co-produite avec les artistes martiaux de la Shaw Brothers. La firme britannique ne sait vraiment plus quoi inventer pour sauvegarder son monstre. Pour s’en débarrasser, l’âge aura été finalement plus utile qu’un pieu dans le cœur…

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