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Delta Force – Menahem Golan

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The Delta Force. 1986

Origine : Etats-Unis / Israël
Genre : Action
Réalisation : Menahem Golan
Avec : Chuck Norris, Lee Marvin, Robert Forster, Hanna Schygulla…

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Ah, les années 80 ! Je nourris une passion particulière pour cette décennie, un peu trop hâtivement fustigée pour la laideur formelle de films à l’esthétique estampillée MTV, alors qu’ils n’en représentent que la portion congrue. Les années 80 ne se limitent pas à ça. C’est aussi la décennie des gros bras. Arnold Schwarzenegger, Jean-Claude Van Damme, Steven Seagal, Dolph Lundgren, tous ont commencé à jouer des biscotos durant les années 80, rencontrant un immense succès. A ces jeunes loups aux dents longues, on peut ajouter Sylvester Stallone qui, avec Rambo mais surtout Rambo 2, a encore davantage assis une popularité née dans les années 70 avec Rocky. Et puis il y a le cas Chuck Norris. Adversaire malheureux de Bruce Lee dans La Fureur du dragon, il a par la suite été cantonné dans des rôles d’as du karaté jusqu’à ce qu’il devienne enfin une vedette à part entière au début des années 80. Nanti de ce nouveau statut, il s’oriente vers le film d’action et touche le jackpot avec Portés disparus, au sujet jumeau de celui de Rambo 2 qu’il précède de quelques mois. Avec le personnage du Colonel James Braddock, il tente de transformer la défaite de la guerre du Vietnam en victoire en redorant le blason d’une Amérique qui retrouve ses réflexes impérialistes sous la houlette de son nouveau président, Ronald Reagan. Delta Force est de la même eau, lavant à sa façon l’affront de l’échec de l’opération des otages de Téhéran tout en réaffirmant haut et fort le statut de gendarme du monde des Etats-Unis.

Un avion de ligne au départ de l’aéroport d’Athènes est détourné par deux pirates de l’air, direction Beyrouth. Le Pentagone dépêche alors la Delta Force, unité de forces spéciales spécialisées dans ce genre d’affaire. Les membres de la Delta Force se rendent donc à Beyrouth, pensant régler l’affaire rapidement. Or les choses se compliquent lorsque les deux terroristes sont rejoints à Beyrouth par d’autres hommes armés et qu’ils décident de séparer les otages en trois endroits différents.

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Delta Force est un film de propagande. Et comme tout film de propagande, il n’hésite pas à prendre des libertés avec la réalité. Menahem Golan et son acolyte James Bruner ont clairement surfé sur l’actualité en reprenant quasiment point par point le détournement du vol TWA 847 par l’organisation des opprimés de la terre le 14 juin 1985. En tout cas dans sa première partie, celle qui relate le déroulement de la prise d’otages et qui, de prime abord, évoque la série des Airport ces films catastrophes réalisés durant les années 70. La présence de George Kennedy au casting n’est d’ailleurs pas étrangère à cette impression de déjà vu. Menahem Golan gère plutôt bien ce huis clos, parvenant à instaurer une tension constante autour de la nervosité palpable des deux preneurs d’otages. Le point d’orgue étant l’appel un à un des passagers aux noms à consonance juive, qui sont mis à l’écart des autres passagers sans que l’on ne sache trop le sort qui les attend. Cette séquence, un brin sur-dramatisée tout de même, marque en quelque sorte la fin de la première partie et l’adieu quasi définitif à la réalité. Dans les faits, les 39 otages américains encore à la merci des pirates de l’air ont finalement été libérés au bout de 17 jours après que le gouvernement américain ait convaincu Israël d’accepter leurs revendications. Dans le film, ce sont les hommes de la Delta Force qui prennent les choses en main, bien décidés à ne pas se faire dicter leur conduite par ces terroristes, qui se sont en outre rendus coupables de meurtre sur la personne d’un soldat de l’US Navy, abattu lâchement. Et le film catastrophe de se muer en film d’action bas du front agitant fièrement la bannière étoilée.
Delta Force s’ouvre sur une débâcle, celle des membres du commando qui, en 1980, ont dû se replier suite à l’échec de leur opération, non sans avoir laissé quelques hommes à eux sur le carreau. Scott McCoy en a nourri une telle amertume qu’il en a rendu son tablier. Mais, patriotique jusqu’au bout de ses cheveux roux, il reprend du service 5 ans plus tard en apprenant la prise d’otages, pour la plus grande joie de ses coreligionnaires. Scott McCoy, c’est bien sûr Chuck Norris, soldat aguerri et respecté qui n’hésite pas à risquer sa peau pour sauver l’un de ses collègues, images à l’appui. Le but du prologue est donc double : illustrer les blessures du passé de la nation américaine et asseoir l’image héroïque du personnage interprété par Chuck Norris. Ce dernier, en renfilant l’uniforme, prouve son profond attachement à un pays dont il va redorer le blason depuis trop longtemps terni. Le film n’ira pas plus loin dans la caractérisation de son personnage, qui restera un stéréotype de l’héros américain lambda, infaillible et d’une grande bravoure. Et il en va ainsi de tous les personnages, terroristes comme otages en passant par les membres de la Delta Force. Ce ne sont que des silhouettes à peine esquissées, proches de la caricature. Cette seconde partie n’est que la longue préparation de l’assaut final, festival pyrotechnique lors duquel la Delta Force va faire montre de son incomparable puissance de feu. Et c’est parti pour le one man show de Chuck Norris, sans doute frustré d’avoir joué les utilités durant toute la première partie du film. Au guidon d’une super bécane que n’aurait pas renié James Bond, il massacre quasiment à lui tout seul les troupes de terroristes, en prenant des postures très chevalier solitaire. Un rôle qu’il connaît sur le bout des doigts pour l’avoir déjà joué dans Invasion USA, dans lequel il boutait hors du territoire des hordes de communistes avides de remporter enfin la Guerre Froide. L’ennemi a changé mais pas sa méthode et encore moins la lourdeur du propos. Et le pire, c’est que le public de l’époque adorait ça ! Bien sûr, il y a aussi la dimension spectaculaire du film qui entre en ligne de compte. Et bien même à ce niveau là, on ne peut pas dire que Menahem Golan fasse des miracles. Cela a beau péter de tous les côtés, tout cela n’est guère plus palpitant qu’un épisode de L’Agence tous risques, le sérieux en plus. Et c’est ce sérieux inébranlable qui achève de rendre ce film particulièrement indigeste. D’autant plus lorsque après nous avoir montré des dizaines de morts sans s’appesantir outre mesure sur eux – après tout ce ne sont que des terroristes- Menahem Golan tente de nous tirer la larmichette, et celle de Scott McCoy, avec l’agonie de l’un des membres de la Delta Force. Celui-là même que McCoy avait tiré d’affaire lors du prologue. Un récidiviste dont on se fout éperdument, et dont la mort n’est là que pour glorifier un peu plus les valeureux soldats de la Delta Force, défenseurs de la mère patrie jusqu’au péril de leur vie. Les Etats-Unis ont de la chance de pouvoir compter sur de tels hommes.

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Avec sa manière toute personnelle de réécrire l’Histoire, Delta Force a aujourd’hui valeur d’instantané d’une époque où les Etats-Unis se cherchaient désespérément de nouveaux héros. Scott McCoy est le reflet de cette Amérique qui se veut à nouveau triomphante, alors que dans le même temps, certains cinéastes donnent une vision sans concession de la débâcle américaine au Vietnam, ravivant une plaie toujours béante. En cette même année 1986, Platoon de Oliver Stone servira de parfait contrepoids à cet étalage d’héroïsme faisandé.

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