Damien : La Malédiction II – Don Taylor
Damien : Omen II. 1978Origine : Etats-Unis
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Parmi les nombrons rejetons de L’Exorciste, La Malédiction est sans doute celui qui s’en est le mieux sorti, tant artistiquement que commercialement. De quoi motiver la 20th Century Fox, heureuse génitrice du premier film, à tourner une séquelle dans la foulée. Le réalisateur Richard Donner occupé sur Superman, le scénariste David Seltzer décidé à ne pas s’aventurer sur les sentiers dangereux d’une séquelle, et les acteurs du premier film étant malheureusement hors-course en raison du décès de leurs personnages, les cartes restaient à être distribuées. Ayant le privilège d’être un film de gros studio, à défaut d’être un gros budget, La Malédiction II n’eut pas trop de mal à attirer du monde. Le réalisateur Mike Hodges, qui fit parler de lui en 1971 avec La Loi du milieu fut d’abord embauché pour mettre en scène une histoire finalement imaginée par Harvey Bernhard, producteur du premier film. Son implication tourna court, il fut viré en raison de la lenteur avec laquelle le tournage avançait (quelques une des scènes qu’il tourna demeurent malgré tout dans le montage final), et remplacé par Don Taylor, ex acteur et désormais chevronné réalisateur peu contrariant. Pour ce qui est du casting, le recrutement se fit un peu à l’image de celui du premier film : des acteurs assez connus, mais pas ou plus assez pour demander un cachet exorbitant. Le succès du premier film vint à bout de la piété de William Holden, qui avait refusé de tenir le rôle finalement tenu par Gregory Peck dans le premier film, et qui incarne ici le rôle principal, du moins derrière celui de Damien Thorn, antéchrist pubère incarné par Jonathan Scott-Taylor (qui ressemble effectivement à Harvey Stephens, le Damien Thorn en bas âge chez Richard Donner).
Une semaine après la mort de Robert Thorn, Carl Bugenhagen, qui avait fourni au diplomate les poignards destinés à abattre son rejeton, est en pleine panique. Damien Thorn est l’antéchrist, il n’y a plus de doute : une ancestrale peinture murale vient d’être mise à jour et montre clairement que l’antéchrist a le visage de Damien. Bugenhagen cherche à persuader un collègue archéologue de la véracité de cette affaire, et il l’amène donc voir la fresque. Ah oui, en effet, c’est parlant. Mais Bugenhagen et son ami meurent dans un diabolique éboulement. Rideau sur la petite enfance de l’antéchrist. On le retrouve âgé de 13 ans, vivant chez tonton Richard (William Holden), industriel fortuné, avec tata Ann et le cousin Mark. Élève d’une école militaire, Damien n’est pas conscient de sa nature, et se révèle un gamin agréable, qui s’entend bien avec son entourage. Sauf avec la vieille tante Marion, qui ne peut pas le voir en peinture. La nuit même où elle s’est pris le bec avec Richard, la vieille dame meurt d’une crise cardiaque sous le regard maléfique d’un corbeau. La malédiction est en route, et Damien, supervisé par ses adorateurs (un dans l’entreprise de son père et un autre à son école militaire), va bientôt savoir qui il est. Espérons que ses parents adoptifs aussi.
La Malédiction était un film classieux, sobre et effrayant. La Malédiction II est un film classieux et sobre. La principale qualité du premier film n’est plus, disparue dans le traitement pantouflard de cette séquelle sans vie, incapable d’insuffler du neuf à un concept recraché sans conviction. Pourtant, on ne peut pas dire que Don Taylor se soit montré manchot. Le film n’est pas plus comique que son prédécesseur : nous restons dans une atmosphère froide, dominée par la grisaille et entretenue par des personnages aux discours alarmistes. Jerry Goldsmith compose une musique originale (même le fameux thème principal du premier film n’est pas repris) restant dans le prolongement de celui qu’il avait déjà composé. Le milieu bourgeois dans lequel évolue Damien Thorn reste un cadre tranquille, parfait pour la gestation de la nature diabolique de l’antéchrist. Bref, Damien est dans une autre famille, mais rien ne change. Si l’on peut regretter ce manque d’audace, on aurait tout autant pu s’en féliciter, tant le résultat du premier film avait fait impression. Mais pour cela, il aurait fallu un scénario autre que celui qui nous est imposé, et qui reprend grosso modo les mêmes ficelles que celui de Seltzer sans penser une seconde à les inscrire dans une logique évolutive faisant continuellement monter la tension jusqu’au dénouement. La Malédiction II se concentre donc sur la nécessité pour l’humanité, et le couple Thorn plus particulièrement, de réaliser que Damien est l’antéchrist.
Mais cette fois, pas besoin de recherches très poussées : les preuves abondent. Les circonstances de la mort de Robert Thorn (tué juste au moment où il allait poignarder son fils), les peintures murales trouvées en Israël, le pan de mur ramené à New York pour une exposition (oui, les preuves elles-mêmes peuvent venir jusqu’en Amérique !), les nombreuses morts suspectes dans l’entourage des Thorn… Que l’on croit ou non à l’antéchrist, il faut quand même être aveugle pour ne pas voir que quelque chose n’est pas normal. Et pourtant, jusque dans les dernières minutes du film, qui évolueront d’ailleurs pratiquement à l’identique du dénouement du premier film, Richard Thorn ne veut pas l’admettre. Il est borné. Tout le film se sera pourtant déroulé selon un schéma hyper-répétitif : quelqu’un découvre la vérité, mais meurt dans de fâcheux accidents avant d’avoir pu convaincre Richard Thorn. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, cinq fois… Ça vire à la rengaine, cette histoire. Ne changeant jamais de rythme, le film donne l’impression de ne jamais véritablement démarrer, et de se terminer après 1 heure 40 sans que l’on ne soit plus avancés qu’au début (ça aurait été 30 minutes ou 3 heures, rien n’aurait changé). C’est un slasher dans lequel le tueur est le manque de chance. Toutes les morts revêtent l’apparence d’accidents malencontreux, qui aboutissent certes à des scènes parfois sanglantes dont certaines n’auraient pas fait tâche dans des films comme Destination finale (une femme écrasée par un poids lourd, un homme mutilé dans un ascenseur fou… histoire de rivaliser avec le curé empalé ou l’archéologue décapité du premier film), mais ruinées par leur prévisibilité. Et par la totale absence de Damien Thorn ou de ses deux sbires humains dans l’affaire. Car jusqu’à ce que le fils de chacal se décide enfin à s’assumer, un simple corbeau supervise ou participe à l’exécution des contestataires. La nature diabolique des “accidents” n’est devinée que par la musique de Goldsmith, sans quoi aucun lien ne subsisterait entre ces instants de violence et l’antéchrist. Mais même là, ces scènes demeurent particulièrement fumeuses, puisque les gros plans sur le corbeau et les yeux des victimes, sur fond d’Ave Satani goldsmithiens, ne servent strictement à rien. Les victimes abondent mais le père Thorn n’y voit pas autre chose que la poisse, tandis que Damien n’est même pas forcément au courant de tout ce qui se trame. Taylor réalise presque deux films en un, le second étant entièrement rattaché à l’antéchrist. Et il est tout aussi mou que le premier. Les adorateurs de Damien sont bien loin de valoir la nounou démoniaque et son cerbère du premier film : le premier, l’industriel, s’attache à grimper les échelons de la multinationale de Richard Thorn afin d’en faire un futur moyen de domination pour son jeune maître, tandis que le second, le militaire joué par Lance Henriksen, se contente d’envoyer Damien lire le passage de la Bible où “la bête” est mentionnée. Ce sont donc deux hommes relativement anodins, fort éloignés du mysticisme sataniste qui caractérisait le premier film.
Quant à Damien, son personnage est sans nul doute le plus grand ratage du film. Comment un gamin normal se fait-il à l’idée qu’il est l’envoyé du Diable sur Terre ? Passé sa ridicule réaction lorsqu’il découvre le fameux chiffre 666 sur sa tête (il court, il court, et il gueule “Pourquoi ? Pourquoi moi ?!!!“), il n’y a aucune transition entre l’innocence et l’acceptation du mal. C’aurait pourtant été le bon moyen pour enrichir le film et lui donner enfin l’occasion de se démarquer de son prédécesseur. Taylor évite totalement le sujet, préférant continuer son petit manège rébarbatif, Damien remplaçant enfin le corbeau pour finir par s’assumer pleinement, ce qu’il aurait pu faire dès le départ (du reste l’enfant qu’il était dans le premier film était maléfique dès le début). La Malédiction II est un vrai film fainéant, se traînant piteusement du début à la fin, et ne soignant que la forme afin de conserver une certaine forme de respectabilité qui l’éloignerait du tout-venant des films démoniaques. C’est un film d’épouvante sorti d’un gros studio visiblement hésitant à parier sur le renouvellement artistique d’une franchise prometteuse. Un peu comme si la Fox avait pris peur devant les délires certes grotesques mais au moins courageux de John Boorman sur L’Exorciste II.
je suis contant de faire partie des gens fantastique car le fantastique fait partie de la ville de colmar et je suis un très bon jardinier
Et la ville de Colmar doit se féliciter de compter parmi ses habitants un très bon jardinier.