CinémaHorreur

Comment fabriquer un monstre – George Huang

commentfabriquermonstre

How to make a monster. 2001

Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : George Huang
Avec : Clea DuVall, Steven Culp, Tyler Mane, Jason Marsden…

Après I was a teenage werewolf (1957) et son gamin transformé en loup-garou par un hypnotiseur malintentionné, après I was a teenage Frankenstein (1957 aussi) et son docteur qui utilisait des cadavres de jeunes gens pour créer une créature diabolique, How to make a monster (1958) est venu compléter cette trilogie de l’American Internation Pictures sous une note plus référentielle. Cette fois, le grand méchant est un spécialiste des effets spéciaux lâchement abandonné par ses producteurs après 25 ans de loyaux services au motif que l’horreur n’est plus porteuse. En guise de revanche, le rancunier technicien fabriquait de nouveaux maquillages, si réalistes que les acteurs sur lesquels il les appliquait devenaient corps et bien les monstres refusés par la production. Un concept abritant une large part documentaire sur les méthodes de l’AIP, qui n’est pas tombé dans les mains d’un manchot, puisqu’en 2001, Stan Winston, spécialiste des effets spéciaux et désormais producteur, associé pour l’occasion au fils d’un dirigeant de l’AIP, se fendit d’un remake pour le compte de Creature Features, émission de télé diffusant des vieux films d’horreur ou leurs remakes. Mais 2001 n’est pas 1958. La jeunesse, public cible de ce genre de films, ne se contente pas des mêmes choses qu’en 1958, et la technologie des effets spéciaux n’est plus la même. Nous sommes à l’heure du numérique, dont Stan Winston est un pionnier (avec Jurassic Park notamment). How to make a monster se devait de moderniser son modèle.

Tous foutus à la porte ! C’est ce qui arrive à une équipe de programmeurs après les désastreux tests effectués auprès d’une poignée de gamins chargés d’évaluer le jeu Evilution, censé être le plus effrayant jamais produit. Dans l’urgence, la compagnie recrute trois nouveaux programmeurs, tous pour leur caractère particulier, et leur demande de rebâtir entièrement Evilution en un mois dans un labo ultra-sécurisé (portes fermées hermétiquement, caméras de surveillance, tout ça pour éviter l’espionnage de la concurrence). Les fortes personnalités des programmeurs entraînent quelques difficultés, surtout que la patronne a promis un million de dollar a celui qui réussirait à créer le monstre ultime le plus effrayant qui soit. Ayant échappés au licenciement, le chef de projet Drummond (Steven Culp) et la stagiaire Laura (Clea DuVall) ne parviennent pas à canaliser la fougue de l’équipe, et donc à éviter certains désagréments comme les multiples plantages dûs à la surconsommation d’énergie de la part des trop gourmands programmeurs. Une nuit, après un énième plantage doublé d’un malencontreux coup de foudre là où il n’aurait pas fallu, tout ce qui a été programmé s’inverse… C’est à dire que le monstre qui a été programmé dans le monde virtuel a trouvé le moyen d’interagir dans la réalité par le biais de l’armure par laquelle les mouvements des personnages avaient été enregistrés. Le programmeur de garde est déjà mort lorsque ses collègues arrivent au beau matin, se retrouvant enfermés avec cette armure humanoïde tueuse (le programmeur mort servant à la mouvoir).

De prime abord, Comment fabriquer un monstre (titre français officiel, paraît-il, encore que la version vidéo et DVD soit sortie sous le titre anglais) se veut tout simplement un film “geek”. C’est à dire qu’il prend des personnages “geeks” et qu’il les cloisonne dans un univers référentiel, appartenant ici au cinéma (un peu) et aux jeux vidéos (beaucoup). Les trois programmeurs sont dans l’ordre d’apparition une montagne de muscles psychopathe nommée Hardcore (Tyler Mane, Sabretooth dans X-Men et Michael Myers dans les Halloween de Rob Zombie), fasciné par les armes médiévales, aspect qu’il est chargé de développer sur Evilution. Arrivent ensuite un petit boutonneux binoclard névrosé baptisé Bug, en charge des effets sonores et vain dragueur de la stagiaire, et Sol, un grand noir intellectuel façon Larry Fishburne dans Matrix, qui concevra le “moteur” du jeu. On aurait pu ajouter un quatrième personnage, la scream-queen moderne Julie Strain, qui utilise ses formes dénudées pour faire fonctionner la fameuse armure cyberpunk du temps où celle-ci ne servait qu’à capturer les mouvements des personnages, mais l’actrice n’est que la cerise sur le gâteau qui permet d’exciter les trois programmeurs avant de se barrer aussi sec. Sa courte apparition n’est en fin de compte qu’une référence parmi d’autres, et ne sert qu’à reproduire en “live” des dessins de Luis Royo, fort prisés des férus de cyberpunk érotique. Les autres références ont dû pour la plupart me passer au-dessus de la tête, ne connaissant pas grand choses aux jeux vidéos. Citons tout de même l’affiche du jeu adapté d’Evil Dead

Voilà le milieu dans lequel évoluent nos trois pros de l’informatique, qui il va sans dire sont pour le moins agaçants. Trop extrême dans leurs personnalités respectives, répétitif de surcroît, leur apport comique tendrait plus à les rendre insupportables que réellement amusants. Ils participent aussi à rendre transparents les deux autres, Drummond et Laura, censés apporter un peu de bon sens aux trois énergumènes et un peu de nourriture pour les poissons, tâche dévolue à la stagiaire en même temps que l’apport des chouquettes en matinée. Il est pourtant évident dès le départ que Laura est appelée à devenir le personnage principal : son point de vue est aussi celui du spectateur. C’est avec elle que nous découvrons les trois “geeks” et que l’on est censés finir par les apprécier. Il va sans dire que ce n’est pas le cas, pour les mêmes raisons qu’évoquées plus haut : les trois sont trop lourds pour que l’on ressente une quelconque sympathie envers eux. Certains passages sont même d’un ridicule achevé, telle que la pitié ressentie par Laura face au boutonneux évoquant ses problèmes affectifs en retirant ses grosses lunettes pour dire “est-ce que tu embrasserais un visage comme ça ?” (ce que la cruche fera après l’héroïque sacrifice du post-ado). C’est le gros paradoxe d’un film dont le personnage central est celui qui dispose de la personnalité la plus effacée… Par conséquent, on en vient à anticiper sur le devenir de Laura, qu’on imagine aisément se fortifier face à l’adversité, apprenant de ses comparses. C’est là que le film se fait assez original et rompt avec la monotonie de ce qui n’avait été jusque là qu’un simple jeu de survie amené par un scénario confus voire débile, à peine égayé par une armure tueuse qui il est vrai, a au moins fière allure (on en attendait pas moins d’un film produit par Stan Winston). George Huang réalise un téléfilm soft pour un public calibré, voire trop calibré, mais il parvient à éviter la démagogie. Que les trois programmeurs aient conçu un monstre qui parvient à atterrir dans la réalité, voilà un fantasme qui aurait de quoi plaire aux geeks…

Mais le monstre en question étant la somme des trois personnalités, et des rancœurs de chacun, il incarne en quelque sorte l’auto-destruction programmée des programmeurs, seules victimes à l’horizon (contrairement au film des années 50, où la créature incarnait la revanche de son créateur). Comme quoi, pour Huang, être geek, c’est sympa, mais ça n’amène à rien. La seule véritable solution est celle prônée par Drummond : être hypocrite, et écraser l’autre dès que possible, sans pitié. Le choix qui s’offre à Laura est celui de réagir comme les geeks voulant jouer les héros ou bien se montrer aussi cynique que Drummond, qui incarne tout l’opportunisme d’un milieu qui ne considère les naïfs geeks (quand bien même ils seraient costauds comme Hardcore) que comme les pigeons d’un marché porteur. Le choix entre les deux alternatives est valable pour la situation présente, mais aussi toute la vie de Laura, elle qui affiche de grandes ambitions sans oser s’imposer. Bien sûr, Huang ne fait pas grand cas de ce dilemme, dont le résultat ne s’impose que dans le dénouement sans avoir été grandement développé (Laura restant une observatrice plus qu’une actrice tout au long du film -Clea DuVall livrant d’ailleurs une prestation insipide-), mais il a au moins eu le mérite de relativiser la démagogie qui semblait s’imposer au début du film. Ce qui ne fait pas pour autant de How to make a monster version 2001 un bon film. C’est un téléfilm peu original, dénué de gore, ne traitant pas du véritable chantier que représente la conception d’un jeu vidéo, et qui de ce fait peut difficilement prétendre donner vie à un univers. Mais ça aurait pu être pire. Au moins échappe-t-on au style particulier des téléfilms Nu Image…

Une réflexion sur “Comment fabriquer un monstre – George Huang

  • 4,0
    Publiée le 14 mars 2018
    How make a monster est un film produit dans le cadre d’une collection de films de monstres visant à rendre hommage à un réalisateur de films de série B des années 50: Samuel Arkoff. Cette collection comprend plusieurs remakes de ces films, ainsi on a Earth vs The Spider, She Creature, The Day the World Ended, et pour la critique actuelle How make a monster. Le film nous raconte le recrutement de trois informaticiens de génie mais à l’égo surdimensionné dans une boîte de développement de jeux vidéos, pour sortir le jeu avec le monstre le plus terrifiant. Mais un court-circuit va tout chambouler, et le groupe se retrouve coincé avec la créature qu’ils ont créee. Le réalisateur Georges Huang a réalisé avant ce film Swimming with shark avec Kevin Spacey et Franck Whaley , qui montrait les dessous du milieu de la production à Hollywood, dénonçant les humiliations et la violence physique et mentale que subissait un assistant de production fraichement embauché (Franck Whaley) par un patron sadique (Kevin Spacey). Ici dans How make a monster, on a la même dénonciation mais étendue au monde du travail tout court, le développement d’un jeu vidéo servant plus de prétexte à disséquer les rapports humains. Et ce qu’il montre n’est pas très reluisant. Si dans Swimming with shark, c’était plus le patron qui en prenait pour son grade, ici ce sont les employés en l’occurrence les trois informaticiens et la stagiaire naïve qui se fait exploiter par les trois autres qui sont dans le viseur. A la violence des rapports dominants/ soumis se substitue celle de la compétition impitoyable et sans pitié entre collègues, passant plus leurs temps à se saboter mutuellement, qu’à travailler ensemble. L’individualisme prime sur une solidarité inexistante et la quête d’une prime substantielle à celui qui atteindra le premier ses objectifs causera leurs pertes. Leurs avidité les aveuglera face à la menace qui prolifère et même face à celle-ci, ils continueront à se tirer dans les pattes. How make a monster raconte bien la fabrication d’un monstre mais pas celui que l’on croit, l’être humain y étant plus abominable dans ses rapports humains, que sa création virtuelle, reflet de leurs monstruosités. Georges Huang a voulu avec ce film dénoncer la violence des rapports humain dans le monde du travail prolongement de sa dénonciation sur Hollywood et ses méthodes de production dans Swimming with sharks; l’intention était louable mais il a pour cela négligé le film de monstre qu’il était en train de réaliser, et cela se voit tant le film parait peu inspiré dés qu’il s’agit de dérouler le massacre dans la deuxième partie. Au vu du résultat, on ne peut lui reprocher tant il a su se démarquer du film de monstre lambda pour offrir une dénonciation pessimiste des relations humaines.

    Répondre

Répondre à simon131081 Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.