Agent spécial 44 – Stelvio Massi
Mark colpisce ancora. 1976Origine : Italie
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Après Un Flic voit rouge et Marc la gachette (applaudissons ces beaux titres français), Stelvio Massi boucle sa trilogie dédiée au flic Marc Terzi, qui devient ici Mark Patti pour marquer une certaine différence hiérarchique avec les films précédents. Franco Gasparri reprend le rôle titre, qui sera d’ailleurs sa dernière apparition à l’écran puisqu’un accident de moto vint couper nette sa carrière et le laissa sur un fauteuil roulant alors qu’il n’avait plus tourné depuis 3 ans et cet Agent spécial 44 qui déjà, avait dû se passer des services de Lee J. Cobb, présent sur les deux premiers chapitres (mais plus connu pour avoir entre autres été le Lieutenant Kinderman de L’Exorciste) et décédé entre-temps.
Cette fois, Mark, modeste flic, infiltre un groupe terroriste. Paul Henkel et Olga Kube (John Steiner et Marcella Michelangeli) ont beau être tout en bas de l’organisation, Mark espère bien qu’ils lui permettront de remonter jusqu’aux gros bonnets.
Une intrigue simple et limpide pour un film se déroulant entre l’Italie et l’Autriche, au gré des coups que le flic infiltré doit accomplir pour le compte des terroristes. Il s’agit principalement de préparer des attentats ou de délivrer des colis, bref rien de vraiment passionnant, surtout que grimper jusqu’aux pontes du terrorisme n’est pas immédiatement à la portée de Mark. C’est que Paul et Olga sont vraiment du menu fretin, le genre de paumés que l’on pourrait prendre en pitié si ils ne se chargeaient pas d’assassiner ici où là. Squelettique et nerveux, Paul est quelqu’un de stressant. Quant à Olga, sa naïveté lui donne plus l’allure d’une romantique étudiante post-soixante huitarde que celle d’une guerillera acharnée. Leur logique révolutionnaire vaguement communiste (c’est ce que l’on conclu de leur volonté de ne s’en prendre qu’aux gouvernements ouest-européens) témoigne d’ailleurs de leur utopie. Pour eux, le terrorisme est apte à susciter la colère populaire devant l’inefficacité du gouvernement, ce qui, si le temps le permet, devrait donc logiquement aboutir à la Révolution. Simple comme bonjour. N’empêche, malgré leurs pitoyables espérances, Paul et Olga laissent des victimes derrière eux, que Mark tente d’éviter en livrant ses rapports à Altman (John Saxon), son supérieur. Bien plus que l’histoire des terroristes, c’est bien la réaction de ce flic qui constitue le premier pilier d’un film qui changera d’orientation en son milieu. Cette première partie s’attarde donc davantage sur l’ambiguïté d’Altman, flic aux méthodes pour le moins douteuses : il juge en effet inutile de déjouer les attentats, qui représentent à ses yeux un mal nécessaire qui permettra à Mark de remonter jusqu’à la tête de l’organisation. Les morts s’accumulent, mais Altman n’en a jamais assez. Qu’un politicien soit assassiné, et il admet que de toute façon, la victime était pourrie et que sa mort est un service rendu à la société. Que ses collègues se fassent massacrer dans un guet apens, et cela le laisse insensible. Pour lui, le terrorisme n’est finalement que la justification d’un pouvoir policier. De là, la logique que tire fort intelligemment Mark est que la police, gérée de telle manière, ne vaut pas mieux que les terroristes. La question de l’éventuelle appartenance d’Altman aux milieux terroristes est soulevée, mais avec un grand pessimiste, Massi ne résout pas définitivement la question. Qu’Altman soit ou non un terroriste infiltré dans la police, cela ne change pas grand chose à l’affaire, puisque de toute façon il reçoit la bénédiction de ses supérieurs. Police et terrorisme sont renvoyés dos à dos, et Mark apparaît comme le simple flic plein de bon sens, suffisamment professionnel pour mettre la vie du citoyen au dessus de tout, et, à l’inverse d’un Maurizio Merli, suffisamment consciencieux pour ne pas passer lui-même outre les lois. Franco Gasparri avec son regard ténébreux, son charisme et son dynamisme réussit à donner de la prestance à un personnage qui avait pourtant tout pour sombrer dans un anonymat quelque peu moralisateur.
Tout de même, ce discours assez sombre ne suffit pas à remplir un polar, d’autant plus que Massi l’énonce textuellement dans des scènes de dialogue mâchant tout le travail de réflexion au spectateur. C’est pourquoi il trimballe ses personnages entre Rome et Vienne via Milan, histoire de donner un peu de mouvement à un film dont les quelques incartades violentes apparaissent bien ternes en comparaison, disons, des polars d’Umberto Lenzi. Il se permet même dans la seconde partie du film d’avoir recours à une prise d’otages d’une ampleur assez démesurée compte tenue de la médiocrité des deux terroristes. Amenée par une scène assez ironique dans laquelle les terroristes aux rabais se font voler leur valise explosive par des voleurs à la tire (qui s’empressent d’exploser sitôt sortis du champ de la caméra), cette prise d’otage menée sur un rythme tendu assez bien ficelé (entre autre grâce à Gasparri) inclu détournement de train, fuite en avion de tourisme et vol de voiture. De quoi mériter enfin de côtoyer les cimes du terrorisme… qui de l’aveu d’un chef présumé n’existent pas, puisque le terrorisme fonctionnerait sans chef, comme une nébuleuse kafkaienne. Ca valait bien la peine de se décarcasser, tiens… Et en plus, Massi répète à cette occasion l’erreur consistant à résumer toute la portée de son histoire dans un monologue tiré par les cheveux, faisant vaguement songer à ces super-méchants de bande dessinées imbus d’eux-mêmes exposant leur plan à un héros qui n’en demandait pas tant.
Notre ami Mark boucle donc sa trilogie sans grand relief, dans un film un peu trop pépère pour susciter autre chose qu’une attention polie. Vous me direz, ce n’est déjà pas si mal. Franco Gasparri aurait tout de même mérité une fin de carrière un peu plus reluisante.